Intervention de Dominique Versini

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 octobre 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de Mme Dominique Versini défenseure des enfants accompagnée de Mme Carol Bizouarn magistrate et conseillère de la défenseure des enfants

Dominique Versini, défenseure des enfants :

a tout d'abord rappelé le champ d'intervention du Défenseur des enfants, tel qu'il a été défini par la loi du 6 mars 2000, votée à l'unanimité. Elle a indiqué que la création de cette institution était intervenue dans le cadre du suivi de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée par l'Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 2 septembre 1990, elle-même conçue comme une déclinaison de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée après la Seconde Guerre mondiale, et posant comme principe que l'enfant a besoin d'une protection et de soins spéciaux, ainsi que d'une protection juridique appropriée, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle. Elle a rappelé que, initialement, un certain nombre de pays nordiques avaient créé des défenseurs des enfants appelés « Ombudsperson pour les enfants », qui sont actuellement au nombre de 35 dans 27 pays européens, soulignant ainsi que cette institution n'était pas une spécificité française. Elle a ajouté que même dans les pays disposant déjà d'une institution comme le Médiateur de la République ou en Espagne le Défenseur du peuple, l'institution spécifique du Défenseur des enfants trouvait largement sa place. Elle a indiqué aux membres de la délégation qu'elle assurait cette année la présidence du Réseau européen des défenseurs des enfants et que cette expérience l'avait amenée à constater que, dans chaque pays européen, la fonction de Défenseur des enfants avait vocation à être une institution visible, capable d'aborder de façon généraliste toutes les problématiques qui les concernent et d'intervenir plus comme un médiateur que comme un défenseur, rappelant qu'il intervenait d'abord dans l'intérêt supérieur de l'enfant, parfois au-delà du droit national. Pour illustrer son propos, elle a cité l'exemple de la présence d'enfants, accompagnés de leurs parents, dans les centres de rétention administrative, soulignant que si cette présence n'était pas illégale en droit français, le Défenseur des enfants avait pour mission de contribuer à privilégier éventuellement d'autres options ou d'autres dispositifs mieux adaptés, dans la mesure où, selon la Convention internationale des droits de l'enfant, un enfant ne devrait pas se retrouver dans un espace privatif de liberté s'il n'a pas commis d'infraction.

a indiqué que le Défenseur des enfants avait pour mission de promouvoir l'intérêt supérieur de l'enfant, rappelant à ce propos que cette notion n'avait pas été précisément définie par la Convention internationale des droits de l'enfant, qu'elle restait une notion subjective, variant d'un pays à un autre et d'un enfant à un autre, et justifiant un travail de médiation avec les institutions, plutôt que de confrontation, de manière à éviter les blocages.

Elle a estimé que si un Défenseur des droits pouvait jouer un rôle important, notamment pour renforcer celui du Médiateur de la République, qui traite de thèmes très larges mais le plus souvent relatifs aux rapports des citoyens avec les administrations, sur des sujets techniques, il n'avait pas vocation à remplacer la spécificité du Défenseur des enfants, agissant le plus souvent dans un esprit de médiation. Elle a d'ailleurs rappelé qu'en 2000, au moment du vote de la loi instituant le Défenseur des enfants, un débat avait eu lieu pour savoir s'il aurait le titre de défenseur ou celui de médiateur.

Elle a expliqué que le champ d'intervention du Défenseur des enfants était large dans la mesure où il couvrait celui de la Convention internationale des droits de l'enfant. Elle a cependant indiqué aux membres de la délégation qu'il n'avait pas été amené à intervenir massivement pour les enfants détenus dans la mesure où ces derniers ne connaissaient pas l'existence d'une telle institution. Elle a ainsi insisté sur l'aspect pédagogique du rôle du Défenseur des enfants, qui a également pour mission de faire savoir aux enfants l'existence de cette institution et la possibilité d'y faire appel. Elle a cité l'exemple d'une petite fille de douze ans en Guyane, qui, faute de famille d'accueil, avait été oubliée pendant près de deux ans dans un service psychiatrique d'adultes placés sous contrainte à Cayenne, enfermée dans une chambre grillagée pour ne pas se faire agresser par les adultes, et qui n'avait finalement fait appel à la Défenseure qu'après l'avoir vue à la télévision. Elle a d'ailleurs souhaité attirer l'attention des membres de la délégation sur les atteintes aux droits des enfants, qui sembleraient particulièrement fréquentes dans des zones éloignées de la métropole, comme en Guyane ou à Mayotte.

a indiqué qu'elle travaillait de façon conjointe avec le Contrôleur des lieux privatifs de liberté, M. Jean-Marie Delarue, s'agissant des établissements pour les mineurs, notamment dans le cadre de visites communes et dans un esprit de parfait échange.

Elle ensuite précisé aux membres de la délégation que la question des femmes dans les espaces privatifs de liberté ne la concernait pas directement sauf dans deux cas précis : celui des jeunes filles mineures détenues et celui des enfants de moins de dix-huit mois restant auprès de leur mère détenue. Elle a souligné que dans ce dernier cas, elle était conduite à évaluer l'intérêt de l'enfant en fonction de deux critères : les conditions de son accueil en détention auprès de sa mère et le maintien du lien familial.

Elle a rappelé que l'incarcération des mineurs demeurait exceptionnelle et que ces derniers étaient détenus soit dans des établissements pénitentiaires au sein de quartiers spécialisés, soit dans des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Elle a indiqué que ce dernier dispositif n'était quasiment jamais appliqué pour les jeunes filles mineures, qui, en raison de leur faible nombre, ne sont pas détenues dans des quartiers spécialisés mais avec les femmes majeures, ce qui peut être préjudiciable à leur sécurité. Elle a relevé que dans les établissements pénitentiaires pour mineurs conçus pour être mixtes, les difficultés de la détention des jeunes filles n'étaient pas davantage prises en compte. Elle a par ailleurs regretté que seulement six établissements pénitentiaires pour mineurs aient été ouverts.

a expliqué que, sur la question essentielle du maintien des liens avec l'enfant, la mission du Défenseur des enfants était de privilégier d'abord l'intérêt de l'enfant. Dans cette perspective, l'enfant a un droit de voir ses parents, même détenus, tandis que les parents ont le devoir de maintenir le lien avec leur enfant. Elle a ajouté que la détention des parents constituait la plupart du temps une épreuve très difficile pour l'enfant, à laquelle s'ajoutait parfois un fort sentiment de culpabilité, notamment lorsque l'enfant avait été victime des faits reprochés à leurs parents.

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