Intervention de Gisèle Gautier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 février 2011 : 1ère réunion
Statuts de l'agence internationale pour les énergies renouvelables irena — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier, rapporteur :

Les 4 et 5 avril prochains se tiendra à Abou-Dhabi, aux Emirats Arabes Unis, la première assemblée générale de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables, dite IRENA, d'après sa dénomination anglaise (International Renewable Energy Agency). Pour y participer, la France doit en avoir préalablement ratifié les statuts, adoptés à Bonn le 26 janvier 2009. C'est l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à notre examen.

La création de l'IRENA répond à la nécessité de promouvoir activement les énergies renouvelables au niveau international. En effet, tous les Etats, qu'ils disposent ou non d'énergies fossiles sur leur territoire, sont désormais conscients que ce type d'énergies est en voie d'extinction, et que leur utilisation est source de nombreuses pollutions.

Ce constat a été effectué avec une grande clairvoyance, par un scientifique allemand, devenu ultérieurement député SPD au Bundestag, malheureusement décédé en 2010. En effet, dès les années 1990, Hermann Scheer a jugé indispensable que les pays émergents puissent se doter d'un modèle énergétique différent de celui des pays industrialisés. Ses idées ont conduit à l'élaboration, en 2001, par le conseil mondial des énergies renouvelables, d'un mémorandum sur la création d'une Agence internationale des énergies renouvelables.

L'instauration de l'IRENA répond à cet appel. Elle complète en effet l'action de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), créée à la suite de la crise pétrolière de 1973, qui regroupe 28 Etats membres appartenant au monde développé. Cette organisation a, certes, évolué depuis sa création, d'une mission initiale de sécurisation de l'approvisionnement pétrolier de ses membres à une action plus large en faveur de la sécurité énergétique, du développement économique et de sa viabilité environnementale. Elle ne répond cependant pas à la nécessité de rendre accessibles au plus grand nombre d'Etats, y compris les plus pauvres, les technologies utilisées pour produire des énergies renouvelables, sous toutes leurs formes (solaire, éolien...).

L'Allemagne s'est montrée particulièrement sensible à cette problématique et a beaucoup oeuvré en faveur de la création de cette nouvelle organisation. Ainsi, c'est à Bonn qu'à l'issue d'une conférence réunissant 75 pays, dont la France, ont été adoptés les statuts de l'IRENA, le 26 janvier 2009.

A cette occasion, a été également créée une commission préparatoire de l'Agence, dotée de la personnalité juridique internationale qui en constitue l'organe délibérant jusqu'à l'entrée en vigueur des statuts.

Lors d'une réunion tenue à Charm El Cheikh, en Egypte, les 29 et 30 juin 2009, le siège provisoire de l'Agence a été fixé à Abou Dhabi, aux Emirats Arabes Unis, tandis que Vienne (Autriche) accueillait un bureau de liaison avec les autres organisations internationales compétentes en matière d'énergies, et que Bonn (Allemagne) était choisi pour la construction d'un centre d'innovation et de technologie.

L'Agence sera localisée à Masdar, une cité en construction près d'Abou Dhabi, qui doit fonctionner exclusivement au moyen d'énergies renouvelables, au premier rang desquelles le solaire, et devrait compter 50 000 habitants lors de son achèvement, en 2015.

Le grand nombre de pays ayant rejoint l'IRENA souligne combien sa création est opportune, mais des points restent à éclaircir dans son futur fonctionnement.

Au 8 février 2011, 148 pays, auxquels s'ajoute l'Union européenne, ont signé les statuts de l'Agence, parmi lesquels 56 les ont ratifiés. La majorité de ces pays sont dépourvus des ressources humaines et financières nécessaires au développement d'énergies renouvelables, ce qui montre l'opportunité de la création de l'IRENA pour la diffusion des technologies indispensables à la promotion de ces nouvelles formes d'énergie.

Ce succès ne doit pas occulter les questions majeures que devra régler l'Assemblée générale d'avril prochain.

Cette Assemblée générale sera présidée par le sultan Al Jaber, vice-ministre des affaires étrangères et directeur du projet Masdar, qui représentera les Emirats Arabes Unis, pays hôte du siège provisoire de l'Agence, et réunira les pays ayant ratifié les statuts de l'Agence. Elle devra prendre plusieurs décisions importantes comme l'élection du Directeur général, l'élaboration du règlement, le choix du régime linguistique de l'Agence, de son accord de siège, et la définition de ses perspectives financières.

C'est en raison de l'importance de ces questions que je vous recommande vivement d'autoriser la ratification de cette convention afin que notre pays puisse prendre part à ces votes, sachant que seuls les Etats qui auront ratifié le pourront.

Nous ne pouvons que regretter, une fois de plus qu'une convention, signée en janvier 2009, fasse l'objet d'une procédure accélérée du fait que le Gouvernement s'aperçoit, tardivement, qu'elle doit être ratifiée pour que la France fasse entendre sa voix. Mais je crois savoir que notre président, M. Josselin de Rohan, est intervenu de manière particulièrement claire en Conférence des présidents sur ce point.

Pour en revenir à l'Agence, l'actuel Directeur général par intérim, M. Adnan Amin (Kenya), s'est efforcé d'aligner les modes de fonctionnement des instances provisoires sur les règles en vigueur dans le système onusien, en dépit du fait que l'Agence n'en relève pas.

Pour la France et, plus largement, les pays francophones membres de l'IRENA, le régime linguistique de celle-ci revêt une importance particulière.

En effet, un arrangement oral conclu lors de la conférence préparatoire des statuts précise que l'anglais sera la seule langue de travail de l'Agence. Cet arrangement a conduit à introduire dans le règlement intérieur de la commission préparatoire la notion de « langue de travail officielle » (« official working language »). L'anglais est ainsi devenu la langue officielle, non plus du fait d'un arrangement oral, mais dans un document écrit, ce qui confère à cette décision une portée beaucoup plus importante.

Malgré les efforts déployés par la France pour faire évoluer cet état de fait, plusieurs Etats membres s'en satisfont, car il permet de limiter le coût des services de traduction et d'interprétariat. Ainsi, les coûts d'interprétariat des deux dernières sessions de la commission préparatoire ont été assurés par les seules autorités émiriennes, ce qui ne saurait constituer une solution pérenne à cette difficulté.

Le président de l'Organisation internationale de la francophonie, M. Abdou Diouf, a donc décidé l'envoi d'une mission de cette organisation auprès des autorités émiriennes et, surtout, du secrétariat général de l'IRENA pour souligner la nécessité de diversifier le régime linguistique de l'Agence. Cette mission se rendra à Abou Dhabi à partir du 15 février prochain.

Il faut relever que le Premier ministre français accomplira une visite officielle en Arabie saoudite et aux Emirats Arabes Unis les 12 et 13 février prochains, et que la question sera abordée à cette occasion.

Rappelons que la France a déjà apporté à l'Agence 1,5 million de dollars américains de contributions volontaires, soit 20 % du budget de 2009. Lorsque l'IRENA sera dotée d'un statut définitif, des contributions obligatoires, fixées probablement au niveau de celles dues à l'ONU, autour de 7 %, prendront le relais de ces contributions volontaires.

Voici, présentés à grands traits, les enjeux de la ratification parlementaire. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale y a procédé le 3 février dernier. L'Assemblée a tenu, sur demande du groupe communiste, un débat. Outre la question de la francophonie qui me paraît effectivement le point central de notre attention, les questions évoquées ont tourné autour du caractère dictatorial d'Abou Dhabi, et de la corruption qui aurait conduit à l'achat de votes pour en faire le siège de l'organisation plutôt que l'Allemagne. Faut-il un débat ? C'est évidemment aux groupes d'en décider. Pour ma part, je vous recommanderai l'adoption en forme simplifiée.

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