Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Leclerc sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Régimes sociaux et de retraite »).
A titre liminaire, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, s'est félicité de la création, intervenue en 2005, de la mission interministérielle « Régimes sociaux et de retraite » en raison de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Cette nouvelle mission doit permettre au Parlement d'examiner, de façon plus approfondie, les crédits afférents aux retraites de la SNCF, de la RATP, des marins, des mines ainsi que des transporteurs routiers et par là même d'appréhender la situation des régimes spéciaux les plus importants.
Ces régimes de retraite sont assez divers mais ont comme point commun d'être à la fois coûteux et largement financés par la solidarité nationale.
Trois thèmes principaux sont abordés dans le « bleu » budgétaire et regroupés sans grande cohérence d'ensemble : la pénibilité du travail des transporteurs routiers, la compensation du déséquilibre démographique des grands régimes spéciaux et le financement de la mise en extinction de plusieurs « petits » régimes spéciaux, pour la plupart très anciens.
En ce qui concerne la pénibilité du travail des transporteurs routiers, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a constaté que le mécanisme de préretraite créé en 1997, et consistant à autoriser trois départs en préretraite en contrepartie de l'embauche d'un jeune conducteur, se traduit aujourd'hui par des dépenses très élevées (85 millions d'euros en 2005) dont le rythme s'est fortement accru au cours des dernières années. Cette mesure est par ailleurs incompatible avec l'objectif de la réforme des retraites de 2003 qui vise, à l'inverse, à restreindre les possibilités de cessation précoce d'activité.
Il a estimé que la notion de « déséquilibres démographiques » des grands régimes spéciaux, qui constitue le principal sujet abordé dans cette mission, apparaît ambiguë dans la mesure où les besoins de financement de ces régimes s'expliquent surtout par le coût de leurs avantages spécifiques.
Il en va ainsi de la précocité des départs - l'âge moyen de départ en retraite n'est que de 53 ans et demi à la RATP, de 54 ans et quatre mois à la SNCF et de 57 ans et sept mois pour les marins - mais aussi de l'importance des bonifications d'annuités qui atteignent par exemple en moyenne, pour les personnels masculins de la RATP, trois ans et sept mois.
L'ensemble de ces dispositions dérogatoires aux règles de droit commun représente un coût aussi bien pour l'Etat que pour les usagers et les autres assurés sociaux, dont la mission interministérielle ne révèle que le seul impact budgétaire : respectivement 354 millions pour la RATP et 711 millions pour les marins.
Pour la SNCF, la situation est encore plus frappante : sur les 4,8 milliards d'euros de prestations vieillesse versées en 2006, les cotisations ne dépassent pas 1,8 milliard d'euros, soit 37 % du total. Elles sont complétées par l'Etat, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, et par la solidarité nationale pour 300 millions d'euros au titre de la compensation, soit respectivement 54 % et 6 % des produits de la branche vieillesse du régime spécial.
Après avoir observé que la mission budgétaire fournit des précisions utiles sur les modalités de mise en extinction des « petits » systèmes de retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a souligné la longueur des délais nécessaires à l'achèvement du processus : le régime de la Seita, bien que fermé en 1981, coûte ainsi encore plus de 121 millions d'euros par an au budget de l'Etat.
S'y ajoutent les versements réalisés au profit du régime des mines (680 millions par an) dont la légitimité démographique et sociale est incontestable, d'autant que les bénéficiaires ne touchent que de faibles retraites.
Puis M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a regretté que les indicateurs associés à la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne donnent qu'une vision partielle des problèmes des régimes spéciaux en se limitant pour l'essentiel aux dépenses de gestion courante. Ils ne précisent ni le niveau des engagements à long terme de ces régimes, ni la décomposition des prestations entre les « droits de base », c'est-à-dire ceux que sert le régime général, et leurs « avantages spécifiques », ni les hypothèses de projection et le mode de calcul des estimations. En dépit des observations déjà formulées l'an dernier, confirmées par écrit au ministre du budget en janvier 2006, aucune amélioration n'a été apportée au contenu de la mission interministérielle qui est resté le même.
Il serait pourtant nécessaire que ces demandes soient satisfaites d'ici à 2008, afin de permettre au Parlement de préparer dans de bonnes conditions la première clause de rendez-vous de la réforme des retraites qui interviendra cette même année.
Il n'est pas envisageable, en effet, de réformer les régimes spéciaux sans avoir, au préalable, mis en évidence la spécificité de leurs modes de financement, procédé à des comparaisons avec les systèmes de retraite de droit commun et appréhendé le caractère atypique de leur effort contributif. A la RATP et à la SNCF par exemple, les cotisations des salariés ne représentent respectivement que 13 % et 7 % des prestations de retraite versées. Peut-on alors, dans ces conditions, parler de régime de retraite par répartition ? L'ampleur de l'effort budgétaire consenti par l'Etat justifie, par l'intermédiaire du Parlement, un droit de regard de la collectivité qui n'est que la contrepartie légitime du principe de solidarité nationale.
a ensuite souligné la sévérité du constat dressé par la Cour des comptes en septembre 2006 sur la situation actuelle des régimes spéciaux, critiquant la « logique rétributive » dont bénéficient ces régimes. Ce phénomène s'explique tout à la fois par la faiblesse relative des cotisations des assurés, leur situation plus avantageuse que dans le droit commun et la part prédominante des ressources extérieures dans leur équilibre. Les magistrats financiers ont relevé l'ambiguïté de la technique de l'adossement sur les caisses de retraite du secteur privé et jugé qu'elle risque de pérenniser les avantages spécifiques.
Pour toutes ces raisons, la poursuite du statu quo semble impossible. Certains petits régimes se sont d'ailleurs engagés dans la voie de l'autoréforme depuis le début de cette législature : tel est le cas, cette année, de celui des clercs de notaire.
Sachant que plus de 90 % des assurés sociaux participent désormais à l'effort collectif de sauvegarde de l'assurance vieillesse, il appartient aux ressortissants des régimes spéciaux de justifier le maintien de leurs avantages, ce qui sera de moins en moins facile. Grâce aux adossements, chacun peut en effet connaître le coût des avantages spécifiques de ces régimes : par exemple 39 milliards d'euros (sur un total d'engagements futurs de prestations de 95 milliards) pour les industries électriques et gazières et 8 milliards d'euros (sur 21 au total) pour la RATP.
s'est dit convaincu de la nécessité de développer une réflexion visant à intégrer progressivement les retraites des grandes entreprises publiques dans le cadre du régime général ou de celui des trois fonctions publiques. La solution pourrait consister à fermer aux nouveaux entrants l'accès à ces régimes spéciaux sans remettre en cause les droits déjà acquis par les salariés et retraités actuels.
Avant de conclure, le rapporteur a abordé la question des majorations de pension servies outre-mer par le régime spécial des fonctionnaires. Celui-ci prévoit en effet que les retraités, titulaires d'une pension civile ou militaire de l'Etat, résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient, depuis les décrets du 10 septembre 1952 et du 24 décembre 1954, d'une majoration de pension variant entre 35 % et 75 %.
Dans le rapport particulier qu'elle y a consacré en avril 2003, la Cour des comptes a appelé à la suppression de ce dispositif qu'elle qualifie d'« injustifié » et dont le contrôle est, selon ses termes, « quasi impossible ». Ce constat a été confirmé par l'audit de la mission de modernisation, réalisé conjointement par l'inspection des finances, l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées, dont les conclusions sont plus sévères encore. Ce nouveau rapport préconise non seulement « l'arrêt immédiat de l'entrée de nouveaux bénéficiaires » mais aussi le lancement d'un processus étalé dans le temps « de résorption du stock » pour les actuels bénéficiaires.
Pour ces raisons, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il soumettrait à la commission un amendement proposant de figer les situations individuelles au 1er janvier 2007, afin de fermer l'accès à ce dispositif.