Intervention de Georges Tron

Mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux — Réunion du 3 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Georges Tron secrétaire d'etat chargé de la fonction publique

Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique :

Je suis très heureux d'échanger avec vous sur ce sujet, car, même s'il n'entre pas dans le périmètre de mes attributions, je discute à chacun de mes déplacements de questions statutaires, de carrières et de repyramidage, autant de questions complémentaires de la réorganisation qui dépend de M. Baroin.

Je partage votre présentation : la RGPP n'est pas, et c'est heureux, exclusivement une approche comptable de la réorganisation de l'administration, même si l'objectif de rétablissement des comptes publics est incontestable. Il y a eu, de 1980 à 2000, 300 000 fonctionnaires supplémentaires. La masse du bloc rémunérations plus pensions, jointe à la charge des intérêts, produisait une contrainte telle qu'il y a eu un consensus sur la nécessité de réformes, de manière à traiter tous les grands problèmes de recrutement, de gestion, de rémunération et de dialogue social - je pense au texte voté l'an dernier après les accords de Bercy.

Contrairement à ce que j'entends souvent, la RGPP a eu des précédents. Dès 2003, Eric Woerth avait conduit des stratégies ministérielles de réforme, des audits au tropisme plus central que déconcentré. Les audits engagés par Jean-François Copé en 2005 ont prolongé les stratégies ministérielles. On avait donc déjà travaillé quand s'est mise en place la RGPP, copilotée par le secrétaire général de l'Elysée et par le directeur de cabinet du Premier ministre.

La simplification a été un axe de la réforme engagée, tant au niveau de l'administration centrale que de l'organisation territoriale de l'Etat (la ReAT). Je suis solidaire de cette réforme fondamentale, dont l'achèvement permettra de simplifier l'organisation territoriale. J'identifie cette réorganisation comme un sujet majeur. L'on voit bien les chantiers. La professionnalisation des concours, d'abord, permettra de valoriser une pratique (je vois avec les négociations sur la résorption de l'emploi précaire que les organisations syndicales y sont favorables). Nous aurons cet été revisité 360 concours. Avec 400 à 450 élèves, les classes préparatoires intégrées marchent bien, même si les résultats au concours de l'ENA ne sont pas tout à fait à la hauteur.

Une meilleure gestion des carrières, ensuite. La fusion des corps avance sans problème majeur : de 685 en 2005, nous sommes revenus à 380, l'objectif étant de 230. La loi sur la mobilité de 2009 fonctionne, à quelques détails près. La rémunération à la performance est bien engagée, la garantie individuelle du pouvoir d'achat s'ajoute à la rénovation des grilles indiciaires.

Le dialogue avec les organisations syndicales se passe mieux. Notre logique de mise en oeuvre des réformes s'est traduite par quatre accords de suite entre 2006 et 2010, qui ont été transposés dans la loi : à un article près (celui sur les infirmières), la loi sur le dialogue social reprenait l'accord avec les organisations syndicales. Avec les nouveaux comités techniques mis en place cet automne dans les directions départementales interministérielles, les instances de concertation sont bien identifiées.

Si la RGPP a permis de prendre conscience de la nécessité d'engager des réformes, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a en réalité dégagé de 900 millions à 950 millions d'économies sur un exercice budgétaire. L'engagement d'en reverser la moitié aux agents a été tenu, le taux de retour étant même très largement supérieur en 2010 : 72%, soit de 650 millions à 750 millions. Il ne faut pas se faire d'illusions, car l'on a engagé des réformes supplémentaires grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Nous avons ainsi dégagé 200 millions pour le LMD (licence-master-doctorat) et, si l'on tient compte des indemnités aux proviseurs, principaux et professeurs en primo-installation, ce sont entre 250 millions et 300 millions qui ont ainsi été fléchés à cette fin à l'Education nationale. Nous avons utilisé plus d'économies que prévu pour les réformes.

L'on ne doit pas attendre à court terme de retours plus importants de l'exercice du un sur deux. L'économie réalisée se fera sentir à plus long terme. On raisonnera ici en termes de carrière : si l'on pense que la carrière d'un agent de la fonction publique c'est 1 300 000 euros, un million en catégorie C et un million et demi en catégorie A+, on comprend que les économies réalisées sur 40 ans sont considérables. Dès que l'on reste sur le court terme, à cinq ans, on dégage un milliard et on finance les réformes que j'ai citées.

Nous avons réussi l'exercice d'engager l'évolution de l'administration et, s'il n'est pas certain que les résultats du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux soient à la hauteur des espérances, cela est rassurant parce que cela montre que l'exercice n'est pas exclusivement comptable. Nous le poursuivrons avec trois gros chantiers dont le premier est la résorption de la précarité dans la fonction publique. La réunion conclusive se tiendra le 7 mars prochain. Il y a consensus pour qu'un CDI soit titularisé après 6 ans. Faut-il qu'il passe vers le statut ? Oui, après un examen professionnel assis sur la reconnaissance des acquis de l'expérience. Faut-il faire de même pour les CDD ? Oui, sans remettre en cause le recrutement par concours. Fixe-t-on une limite dans le temps ? Là encore, la réponse est positive : 4 ans. Nous prévoyons en outre une amélioration des indemnités pour les CDD et une délégation de leur versement à Pôle emploi.

Nous poursuivons la mutualisation des concours administratifs, avec une optimisation de la formation initiale dans le prolongement du rapport Le Bris, et des indicateurs de performance pour les écoles de service public. Il en va de même pour la formation continue.

S'agissant de l'administration déconcentrée de l'Etat, je suis convaincu que toute réforme doit être pilotée de manière identifiée, comme je l'ai dit dans mon rapport sur l'immobilier de l'Etat. Le pilotage par Matignon est très précis et Bercy doit y être directement associé. J'ai rencontré la semaine dernière M. Filippini, le nouvel adjoint au secrétaire général du gouvernement, et nous sommes convenus de coopérer. Les fonctionnaires perçoivent bien ce chantier. Il rencontre néanmoins trois types de difficultés. Premièrement, il suppose un aggiornamento, voire une révolution culturelle afin de mélanger des cultures très verticales en deux ou trois directions départementales et sept ou huit directions régionales ; je l'entends bien lors de mes déplacements, malgré leur bonne volonté les agents restent habitués à des logiques centralisées. Aussi faut-il que le secrétaire général adjoint du gouvernement fasse passer des recommandations aux ministres pour qu'ils cessent de se comporter comme si l'organisation restait verticale.

La deuxième difficulté est difficile à percevoir. C'est ainsi que lorsque j'ai rencontré Jacques Attali, il a craint que les régions fassent les frais de la réforme. Or je perçois exactement l'inverse. Nous avons aujourd'hui un échelon régional déconcentré, à la fois juge et partie des affectations et des réaffectations de postes. Il faut être prudent pour que le niveau départemental, échelon de proximité, ne se sente pas démuni - j'ai perçu une inquiétude. Il convient de trouver un équilibre.

Troisième difficulté, les préfets de région sont confrontés à un exercice très délicat : réorganiser toute l'administration déconcentrée sans disposer des leviers budgétaires et alors que l'organisation reste verticale. De mon point de vue, il est donc important d'apparier l'exercice budgétaire, centralisé, et la nouvelle organisation, horizontale. C'est d'ailleurs la préoccupation majeure des préfets.

Nous sommes en train de relever ces défis. Il fallait apporter des réponses et nous le faisons, mais il reste délicat de modifier des cultures. Enfin, l'implication constitue un enjeu d'importance. L'implication personnelle est là, les agents adhèrent à la simplification et à la lisibilité pour les administrés. Leur adhésion doit en revanche s'exprimer en termes d'engagement et de régime indemnitaire. Il faut faire en sorte que l'harmonisation des statuts se fasse par le haut, ce qui répond à leur souhait. Cela suppose une capacité budgétaire et une harmonisation des échéances. Nous disposons pour cela d'outils statistiques ; il reste à homogénéiser les rémunérations : la prime de fonctions et de résultats aboutit à mettre de l'ordre dans l'incroyable maquis des 1 800 primes. L'accélération de l'homogénéisation des statuts correspond à une attente des agents. Nous sommes au milieu du gué parce que des difficultés surgissent, notamment dans le domaine des restructurations immobilières. Dans l'Essonne, mais aussi à Rennes, des blocages surviennent autour de tels dossiers : on mesure combien la totalité des réformes constitue un groupe homogène.

Les agents sont impliqués, mesurent le service rendu aux usagers, aux collectivités comme aux entreprises. Certes, l'ingénierie concurrentielle a été remise en cause mais non le service rendu aux petites collectivités. Cela se fait avec les agents - j'ai déjà signalé la mise en place des comités techniques en octobre. Les organisations syndicales, les confédérations s'en sont saisies à l'occasion des élections aux comités techniques et aux commissions administratives paritaires, le 20 octobre.

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