Le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre Radio France et l'État pour la période 2010-2014 doit permettre au service public de la radiophonie de stabiliser, voire d'augmenter, ses audiences, malgré un contexte général d'érosion de l'audience du média radio, en particulier auprès des jeunes.
Grâce à la qualité et à la diversité des programmes diffusés par ses sept chaînes, Radio France constitue, aujourd'hui, le premier groupe radiophonique français avec 13,5 millions d'auditeurs quotidiens et 23,7 millions d'auditeurs sur une période de trois semaines. Le service public de la radiophonie est chargé d'assurer, au bénéfice du plus grand nombre, une série de missions historiques, résumées par le triptyque « informer, éduquer et distraire » qui fonde depuis toujours la philosophie de Radio France.
Le projet de COM qui a été soumis à notre commission s'appuie sur une stratégie ambitieuse et responsable. Il est assorti de nombreux indicateurs cibles et de suivi qui devraient permettre de contrôler efficacement l'utilisation des ressources publiques consenties au groupe. La facture de ce document tranche, ainsi, avec le projet de COM pour 2006-2009 que notre commission avait examiné il y a quatre ans et dont l'imprécision nous avait conduits à demander aux parties contractantes de revoir leur copie.
La signature de ce document stratégique revêt une importance particulière pour l'avenir de Radio France, à un double titre :
- d'une part, ce COM servira de base à la négociation avec les organisations syndicales représentatives d'un nouvel accord d'entreprise appelé à se substituer aux conventions collectives en vigueur. La direction et les représentants du personnel de Radio France auront pour mission de s'accorder sur un nouveau contrat social prenant en compte les nouvelles réalités de l'information et du divertissement radiophoniques dans un environnement numérique de plus en plus concurrentiel, en mettant l'accent sur les efforts de formation et de renforcement de la polyvalence des salariés ;
- d'autre part, ce COM prépare Radio France à affronter, en termes de moyens humains et techniques, le défi posé par le lancement de la radio numérique terrestre (RNT). À ce titre, je rappelle que notre groupe d'études « Médias et nouvelles technologies », présidé par notre collègue Catherine Morin-Desailly, a porté récemment une attention toute particulière au dossier de la RNT, dont le lancement devrait faire l'objet d'un moratoire à la demande des grandes radios. Pour autant, la réflexion doit se poursuivre pour garantir au service public radiophonique une diffusion la plus large possible couvrant l'ensemble du territoire.
Après avoir réussi à stabiliser son niveau moyen d'audience sur la période 2006-2009, Radio France s'est fixé pour objectif, dans le cadre de son deuxième COM, de maintenir, sur la période 2010-2014, une audience cumulée supérieure ou égale à celle enregistrée sur l'année 2009, soit 25,8 %.
À mon sens, le défi essentiel en termes d'audience pour Radio France consiste à lutter contre la désaffection du public jeune à l'égard du média radio. En effet, les nouvelles technologies multimédias ont bouleversé le rapport des jeunes aux médias. Traditionnellement, la radio a eu pour fonctions de proposer un traitement rigoureux de l'actualité en continu et de distraire son public en diffusant de la musique ou des émissions de divertissement. Or, ces fonctions sont de plus en plus assumées à titre gratuit par Internet, qui offre l'avantage de permettre à son public de sélectionner l'information qu'il souhaite consulter (au travers des fils de dépêches) ou la musique ou les émissions qu'il souhaite entendre.
Pour rendre son offre plus attractive auprès des jeunes, Radio France a donc pris soin de diversifier ses supports de diffusion numérique en développant des applications pour la téléphonie mobile et l'ordinateur personnel qui permettent d'écouter les stations de Radio France en streaming ou en différé par le téléchargement de podcasts ou d'audio à la demande. Le groupe public a également mis l'accent sur la refonte de sa plateforme web en modernisant les portails respectifs de ses chaînes.
Pour poursuivre une stratégie offensive de séduction du public jeune je vous propose :
- que nous recommandions à Radio France de mieux identifier les attentes de ses publics par tranches d'âge. Radio France a récemment constitué un panel d'auditeurs représentatifs de ses publics qui devrait le conduire à établir un baromètre de satisfaction de ses auditeurs. Nous devrions donc appeler Radio France à s'appuyer sur ce baromètre pour renseigner des indicateurs d'audience qualitatifs évaluant le niveau de satisfaction des jeunes vis-à-vis de programmes d'actualité et de divertissement diffusés sur des chaînes comme Le Mouv'. En effet, Le Mouv' va s'engager dans un virage éditorial significatif puisqu'à la programmation musicale s'ajoutera la diffusion de programmes d'actualité et de débats. Il faut donc étudier de près l'impact qu'aura ce virage éditorial sur l'écoute des jeunes ;
- d'encourager Radio France à renforcer le caractère multimédia de ses portails web. Lorsqu'un auditeur effectue une recherche sur le site web d'une des sept chaînes de Radio France, il devrait pouvoir disposer d'une grande variété de documents sur le sujet concerné, mêlant tous les supports, à la fois son, vidéo, image et texte. Afin d'évaluer les efforts en termes de contenus multimédias disponibles sur ses portails web, il serait ainsi utile que Radio France renseigne un indicateur de suivi mesurant la proportion de sujets traités de façon pluri-média.
Par ailleurs, les chaînes de Radio France seront appelées à soutenir la création musicale et culturelle, ainsi que les nouveaux talents, au travers de spécificités de programmation et de l'organisation de concerts et d'événements. C'est pourquoi je vous propose de recommander que le nombre de concerts enregistrés et diffusés sur France Musique et le nombre d'éditions et de coéditions fassent désormais l'objet d'indicateurs cibles et non plus d'indicateurs de suivi, afin que soient respectés des objectifs ambitieux dans ces domaines. L'accent doit en particulier être porté sur la mise à disposition en différé et sur des supports multimédias de concerts et d'événements culturels retransmis.
En outre, il est, selon moi, indispensable que soit inséré dans le COM un indicateur de suivi destiné à évaluer le rôle de Radio France comme vecteur de l'identité européenne, en mesurant le cas échéant le nombre de programmes consacrés à des sujets européens ou issus de la création européenne.
J'aimerais également insister sur le rôle que Radio France serait susceptible de jouer dans l'apprentissage des langues étrangères. Le groupe se rapproche ainsi de ses homologues européens, en particulier la Deutschlandradio et la BBC, pour multiplier les projets bilingues. Dès lors, je vous propose d'encourager Radio France dans ce sens, en introduisant dans le COM un indicateur cible fixant un objectif en nombre de programmes bilingues diffusés chaque année.
Aujourd'hui, Radio France a achevé la numérisation totale de ses moyens de production. Le défi actuel réside désormais dans la numérisation de sa diffusion et la mise en oeuvre du projet de radio numérique terrestre prévue par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Radio France et l'État ont indiqué, toutefois, que le calendrier de déploiement de la RNT est encore trop incertain et les coûts en jeu trop importants pour que le COM fixe avec certitude une trajectoire financière concernant la RNT.
En 2009, Radio France a poursuivi ses tests de diffusion numérique terrestre. Néanmoins, les débats se poursuivent sur le choix de la norme de diffusion et sur le coût que représenterait une double diffusion analogique et terrestre que les grands groupes de radio privés ne sont pas encore prêts à supporter.
En conséquence, le projet de COM prévoit que, pendant la première phase de développement, le financement de la double diffusion analogique et numérique s'effectuera par redéploiement au sein du budget de diffusion de Radio France. L'État et Radio France ont fixé une clause de rendez-vous pour réétudier ensemble en 2013 les besoins de financement additionnels qui seraient rendus nécessaires par le développement de la RNT.
Dès lors, je vous propose de demander à l'État que soit présenté au Parlement à la mi-2013 un rapport précisant le choix de la norme de diffusion ainsi que les phases de mise en oeuvre de la RNT par Radio France, en détaillant le montant prévisionnel des investissements devant être engagés.
En matière de gestion des personnels, Radio France s'est engagée à garantir la stabilité de ses effectifs tout en cherchant à développer des activités nouvelles, en mettant l'accent sur les redéploiements et les gains de productivité. À cet égard, le projet de COM table sur un objectif cible de la part cumulée de collaborateurs formés au multimédia et au numérique dans l'effectif total d'au moins 50 % à la fin de 2014.
À mon sens, il serait souhaitable que cet objectif soit plus ambitieux compte tenu de l'ampleur des défis qui se posent à Radio France, notamment en matière de diffusion numérique. D'ailleurs, je rappelle que l'Institut national de l'audiovisuel (INA) dispose d'une offre de formation aux technologies du numérique extrêmement performante ; il serait donc intéressant que les deux entreprises publiques poursuivent leurs partenariats dans ce domaine.
Par conséquent, je vous propose d'appeler Radio France et l'État à se fixer un objectif plus ambitieux en termes de formation des effectifs aux technologies multimédias et à la diffusion numérique, de l'ordre d'au moins 60 % des effectifs formés en cumulé sur la période 2010-2014.
Je vous propose de recommander également à Radio France de s'attacher à consolider ses ressources propres, en étudiant les pistes suivantes :
- le renforcement de ses ressources publicitaires sur Internet, dans les limites du respect de l'identité du service public de la radiophonie. À ce titre, un indicateur de suivi mesurant les recettes issues de la publicité sur Internet devrait être renseigné dans les rapports d'exécution du COM ;
- le développement des ressources issues du mécénat, pour lesquelles un indicateur de suivi devrait également être renseigné dans les rapports d'exécution du COM.
Enfin, nous pouvons nous féliciter des performances enregistrées par France Bleu, une des seules chaînes de Radio France dont l'audience a augmenté de façon significative sur la période du premier COM. Radio France portera ainsi une attention particulière au développement de France Bleu en complétant le nombre et le maillage des implantations pour offrir au plus grand nombre d'auditeurs un service public radiophonique de proximité. Une station de France Bleu a ainsi été ouverte le mois dernier au Mans et une autre verra le jour en 2011 à Toulouse.
Toutefois, afin que nous puissions avoir une idée plus précise de la gestion du coût des grilles régionales et pour mieux identifier et expliquer les éventuelles disparités entre les différentes antennes régionales de France Bleu, il serait utile, selon moi, de demander que soit renseignée chaque année dans les rapports d'exécution du COM la répartition du coût global des grilles régionales de France Bleu et des heures de diffusion. Nous serions ainsi en mesure de mieux évaluer le coût horaire de chaque grille régionale et la productivité respective des différentes antennes régionales.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à la signature du projet de COM entre Radio France et l'État pour la période 2010-2014, en l'assortissant des recommandations que j'ai formulées précédemment.