Accueillant le Général Jean-Louis Georgelin, M. Robert del Picchia, président, a rappelé que le chef d'état-major des armées était responsable du programme « Préparation et emploi des forces » et co-responsable, avec le délégué général pour l'armement, du programme « Equipement des forces ». Il a invité le Général Georgelin à s'exprimer sur les principales orientations du projet de loi de finances pour 2008, sur la situation actuelle de l'outil de dDéfense et sa préparation aux enjeux à venir ainsi que sur l'évolution des opérations.
Le Général Jean-Louis Georgelin a tout d'abord noté que le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrivait dans un contexte d'intenses débats institutionnels sur les questions de dDéfense, tant dans le cadre tant de la commission du Livre Blanc que de celui de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et que le Comité présidé par M. Edouard Balladur réfléchissait aux formes d'une intervention rénovée du Parlement dans le contrôle de l'outil de dDéfense.
Rappelant que l'année 2008 était la dernière année d'exécution de la loi de programmation (LPM) en cours, il a replacé cette loi de programmation dans une perspective historique, soulignant que l'investissement militaire avait obéi, depuis 1945, à des cycles d'une quinzaine d'années, alternant des périodes d'investissement et des périodes de consommation du capital. Pendant la période 1945-1960, la France avait ainsi reconstruit son outil conventionnel, notamment sa marine, dans le contexte de la guerre froide naissante. De 1960 à 1975, elle avait fait primer la croissance économique sur les investissements militaires tandis le financement de la force de dissuasion créait un « effet de ciseau », au détriment du financement de l'outil militaire conventionnel. Apparues à cette période, les premières lois-programmes étaient limitées aux seuls équipements nécessaires à la dissuasion. Après la période 1975-1990 correspondant à un nouvel effort de « recapitalisation » de l'outil militaire, la période 1990-2005 a, quant à elle, été marquée par un nouvel effet de ciseau : la volonté initiale de toucher les « dividendes de la paix » associée à un engagement significatif dans les opérations extérieures ont consommé le capital militaire accumulé précédemment.
Il a tiré trois conclusions de cette mise en perspective historique : la construction d'un outil de défense s'inscrit dans un temps long; l'investissement de défense obéit à des cycles et il convient d'entrer dans une période de reconstitution du capital ; les LPM ont été d'autant plus efficaces qu'elles ont intégré l'ensemble des composantes d'une capacité militaire, équipement, effectifs, entraînement.
Evoquant le bilan de la programmation 2003-2008, le Général Georgelin a indiqué que son exécution exemplaire n'avait pas suffi à stopper la dégradation de l'effort de défense nationale.
Il a souligné qu'au début des années 1990, une orientation stratégique principale s'imposait, celle des frontières de l'Est, à laquelle s'était progressivement ajoutée celle de l'action extérieure.
Il a qualifié de « triangle stratégique » les trois grandes orientations actuelles.
En premier lieu, les forces armées permettent de faire face à une aggravation brusque de la situation internationale. Si le Président de la République estime les intérêts vitaux de la France menacés, il dispose des moyens de la dissuasion. D'autres circonstances pourraient nous conduire à participer à un conflit majeur, en particulier dans le cadre de l'Alliance atlantique. Aux termes de la loi de programmation qui s'achève, les armées doivent être capables d'engager une force de 50 000 hommes, un groupe aéronaval et son accompagnement et 100 avions de combat. La seule existence de cette capacité est un atout et sa manoeuvre constitue en elle-même un geste politique et un témoignage concret de la volonté nationale. En second lieu, il faut assurer la sécurité de nos concitoyens et la protection de nos intérêts contre les menaces et les risques immédiats. Enfin, troisième orientation stratégique, la France apporte sa contribution à la sécurité collective. Dans ce cadre, elle est aujourd'hui engagée dans cinq opérations majeures au Tchad, au Kosovo, au Liban, en Côte d'Ivoire et en Afghanistan. Près de 11 000 hommes sont déployés en opérations (sur un total de 33 000 hors du territoire métropolitain).
La crédibilité de chacune de ces orientations conforte les deux autres, ce dont témoigne l'interdépendance fréquemment soulignée des aspects intérieur et extérieur de la sécurité.
Evoquant les opérations multinationales, le Général Georgelin a souligné la nécessité, d'une part, d'une conduite stratégique et, d'autre part, d'une coordination locale des différentes organisations internationales. Il a rappelé que la doctrine et l'interopérabilité étaient des éléments fondamentaux des alliances militaires aujourd'hui. .
Il a souligné que les opérations étaient toujours longues, (cinq ans en Côte d'Ivoire) ; elles sont en voie de durcissement, notamment en raison de la dissémination d'armes conventionnelles sophistiquées. Elles appellent une réflexion tant sur les équipements que sur le commerce des armes et la prévention des crises pour laquelle la coopération de défense joue un rôle très important.
Abordant les lacunes des équipements, il a fait valoir qu'au-delà du vieillissement de nos matériels, les carences en transport stratégique, en aéromobilité ainsi que les progrès à réaliser en matière de frappes de précision, de renseignement et de protection du combattant devaient retenir l'attention.
Le Général Georgelin a indiqué que le projet de loi de finances proposait un budget stable en valeur à 48 065 milliards d'euros, construit pour permettre de prendre en compte les orientations attendues des différents travaux en cours comme le Livre blanc, la revue générale des politiques publiques et la loi de programmation à venir, tout en respectant les grands axes de la LPM qui s'achève.
Il a précisé que la réduction des effectifs en application de la règle commune de non remplacement d'un départ sur deux se traduirait par la suppression de 6 037 postes (dont 4 795 militaires) et porterait principalement sur les fonctions d'administration et de soutien, s'effectuant dans le cadre de réorganisations déjà amorcées.
Après avoir observé que l'effort entrepris au profit de la revalorisation de la condition militaire serait poursuivi avec 102 millions d'euros de mesures catégorielles attendues par les personnels, il a évoqué le financement des OPEX maintenu à 375 millions d'euros. Il a confirmé que les armées réaliseraient de nouvelles économies en fonctionnement, tout en soulignant l'importance de la tension qui pèse sur la vie quotidienne des unités comme sur leur entraînement. Un effort dans ce domaine est indispensable à l'avenir, probablement en trouvant des sources d'économie dans les réorganisations. Il a également noté, comme le ministre, une progression des crédits de paiement légèrement inférieure aux prévisions de la loi de programmation. Compte tenu des décisions du Président de la République de lever la réserve de 1,15 milliard d'euros en 2007 et du Premier ministre concernant l'ouverture des crédits destinés aux frégates multimissions (FREMM) en loi de finances rectificative (338 millions d'euros), l'équilibre du budget reposera sur l'ouverture de la totalité des reports de crédits 2007 en 2008.
Ce dernier budget de la LPM se devait de respecter deux conditions : garder ouvertes toutes les options envisageables à l'issue des travaux en cours ; permettre aux armées de fonctionner et de remplir leurs missions. Ces deux conditions étant remplies, le prochain budget saura traduire les orientations nouvelles de la défense.
En conclusion, il a rappelé que les armées demeuraient un atout essentiel pour le pays qu'il convenait de se réapproprier et de repenser et a affirmé que ce rôle revenait à la commission du Livre blanc, au Parlement comme à chacun des Français.
Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.