Intervention de Nassif Hitti

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 janvier 2007 : 1ère réunion
Audition de s. exc. M. Nassif Hitti ambassadeur directeur de la mission de la ligue des etats arabes à paris

Nassif Hitti :

a souligné que la Ligue des Etats arabes s'impliquait dans la résolution de nombreux conflits et crises, dont les plus difficiles pouvaient être qualifiés de « crises otages », c'est-à-dire de crises autonomes dans leurs causes, mais marquées par un haut degré d'interdépendance dans leur dynamique. C'est ainsi que le Liban a toujours été une caisse de résonance des conflits régionaux, qui se sont greffés sur des problèmes et des différends strictement libanais, portant surtout sur le partage du pouvoir et sur les relations du Liban avec son environnement immédiat. Cette démocratie consensuelle ou communautaire a vu fréquemment ses tensions internes instrumentalisées par des acteurs extérieurs. M. Nassif Hitti a ainsi comparé la crise libanaise actuelle à un immeuble dont l'ensemble des étages devait être pris en considération en même temps : le rez-de-chaussée purement libanais, le premier étage, arabe, le deuxième, régional, et enfin l'étage international, tous ces étages étant reliés en permanence par un ascenseur. La spécificité de la récente mission du Secrétaire général de la Ligue arabe, M. Amre Moussa, dans ce pays, consistait à intégrer l'ensemble de ces aspects dans une logique globale. La proposition formulée au terme de cette mission consiste à un partage des 30 portefeuilles ministériels permettant à l'opposition de disposer d'une capacité de blocage, mais non d'un droit de veto. Cette suggestion résumée par la formule 19 + 10 + 1 présente l'avantage d'inclure l'opposition au sein du gouvernement, par la répartition des postes ministériels au nombre de 19, pour la majorité, et de 10 pour l'opposition, auxquels s'ajouterait un poste charnière, qui serait attribué par consensus entre les deux forces précédentes. Simultanément à cette nouvelle composition, un réaménagement des modalités de fonctionnement du tribunal à caractère international chargé de juger l'assassinat de l'ancien premier ministre, Rafic Hariri, pourrait être envisagé. Ainsi le Secrétaire général, M. Amre Moussa, a-t-il suggéré de réunir un comité d'experts, composé de deux représentants du gouvernement, deux représentants de l'opposition et deux juristes non engagés politiquement, pour réfléchir à ces réaménagements et trouver un accord sur le tribunal international, la formation d'un gouvernement d'unité nationale intervenant simultanément et en parallèle.

Dans un deuxième temps, M. Amre Moussa propose de procéder à des élections anticipées à la présidence de la République, étant entendu que le Président Lahoud resterait en fonction jusqu'au terme de son mandat, le 24 novembre 2007. Ces élections anticipées auraient le mérite de réduire les tensions autour de l'enjeu présidentiel et donc d'aider à la décrispation à l'intérieur du pays.

Puis le parlement procéderait à un nouveau découpage électoral plus représentatif que l'actuel, sur lequel seraient organisées des élections législatives.

Le blocage actuel s'explique par le fait que l'opposition pose la condition de la composition du gouvernement comme un préalable, alors même qu'il faut traiter l'ensemble des questions simultanément et en parallèle.

Pour M. Nassif Hitti, le plan précédemment décrit forme ainsi un « paquet » qu'il faut traiter dans sa totalité. Il aurait l'avantage d'aider à « décrisper » les relations au sein du monde arabe qui influencent la crise libanaise, ainsi que les tensions régionales marquées par la forte influence iranienne. M. Nassif Hitti a souligné, sur ce point, que l'effritement de l'Etat et le chaos en Irak ont créé des répercussions et des bouleversements stratégiques importants dans la région et ont pesé lourdement sur les équilibres régionaux, que ce soit dans le Golfe ou au Moyen-Orient. Ces bouleversements ont fortement profité à l'Iran. D'autre part, il a précisé qu'à ses yeux le Liban était marqué par un communautarisme « doux », qui le distingue d'autres situations communautaristes caractérisées par une solidarité sectaire d'une nature fanatique et revancharde. Il a estimé que les conditions de l'exécution de Saddam Hussein avaient produit un choc dans le monde arabe et sunnite, qu'il serait vain de nier.

a souligné qu'une décrispation des principaux conflits affectant le Moyen-Orient produirait une influence positive sur le Liban. A la veille de la réunion de Paris III, on ne peut disjoindre l'économie du politique. Selon lui, le Liban connaît une situation économique très difficile, aggravée par la fuite des cerveaux qui contribuaient à l'avantage comparatif de ce pays ou à sa « puissance douce ». Par ailleurs, le Liban a été longtemps un modèle réussi de diversité cultuelle enrichissante où les communautés différentes vivaient en bonne entente, modèle dont l'échec ne pourrait avoir qu'un effet négatif sur les autres pays de la région.

Abordant ensuite l'intervention de la Ligue arabe en Somalie, M. Nassif Hitti a relevé que ce pays s'était effrité quelques années seulement après son indépendance. Ce type d'Etat « défaillant » et délaissé n'a jamais réussi à se construire en État national. Le tribalisme, le clanisme ainsi que les conflits régionaux ont pesé lourdement sur son sort, le rendant otage de cet effritement. C'est dans ce contexte que la Somalie s'est « talibanisée ». Les tribunaux islamistes ont suivi le même chemin que les talibans : rassurer la population, garantir l'ordre et la stabilité et incarner une certaine pureté. M. Nassif Hitti a rappelé que la mouvance des « tribunaux islamistes » ne constituait pas un parti politique mais était composée de plusieurs tendances et sensibilités. Pour faire face à la crise somalienne, la Ligue arabe et l'Union africaine oeuvrent pour mettre en place un plan de paix comportant deux volets complémentaires, l'un sécuritaire et l'autre sociétal, c'est-à-dire économique, social et éducatif. Ces deux actions doivent être menées en parallèle. Il faut déployer le plus vite possible une force de paix panafricaine n'incluant pas des troupes issues des pays limitrophes, afin d'éviter notamment que la Somalie ne devienne le champ de bataille entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Il faut également prévoir des mesures de normalisation rapides et doter le gouvernement d'un projet de construction nationale, faute de quoi, on retombera dans le chaos des guerres absurdes et sans fin.

Puis M. Nassif Hitti a évoqué le conflit israélo-arabe. Considérant que le temps est l'ennemi de la paix, il a estimé qu'il incombe au Quartet de créer les conditions de facilitation, d'accompagnement et de gestion du processus de négociations. Faisant référence à la récente conférence de Madrid +15, il a rappelé le plan de paix arabe adopté à l'unanimité à Beyrouth, en 2002, dont l'atout principal consistait dans son approche globale. Il a insisté sur la nécessité de la reprise des négociations après ces années perdues qui n'ont fait que radicaliser la situation et la rendre plus compliquée, et ce dans le cadre d'une conférence internationale sous l'égide de l'ONU. En conclusion, il a estimé que ce conflit était de nature politico-nationale et non religieuse, comme le prétendent certains, les solutions ne pouvant en être que politiques. Il a conclu que la résolution de ce conflit ferait baisser la tension régionale, et faciliterait une « stabilisation légitime » à l'échelle régionale.

Puis un large débat s'est ouvert au sein de la commission.

1 commentaire :

Le 02/01/2014 à 23:12, Ahmed-Ridha Abbès (Musique Arabo andalouse de Tunisie ) a dit :

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Je souhaiterais avoir le contact de son Excellence l'ambassadeur Monsieur Nassif Hitti pour lui faire parvenir une invitation à un concert

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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