Intervention de Christophe Vital

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe Vital président de l'association générale des conservateurs des collections publiques de france

Christophe Vital :

L'association générale des conservateurs des collections publiques de France (AGCCPF) a été créée en 1922 et reconnue d'utilité publique en 1932. Elle réunit depuis sa création essentiellement des conservateurs mais a été élargie à d'autres collaborateurs tels que les attachés de conservation Elle est composée d'une majorité de conservateurs exerçant dans les musées. L'AGCCPF réalise divers travaux tels qu'une revue diffusée dans le monde entier, des congrès ou des journées d'étude.

J'ai proposé, il y a deux ans et demi, de mener une grande réflexion sur les musées de France. Dans un contexte en évolution, il devenait nécessaire d'engager une réflexion approfondie comprenant un état des lieux et des préconisations. Le Livre blanc, présenté le 4 février dernier, est le fruit d'une réflexion élargie à d'autres associations, notamment à la société française des amis de musées, évitant ainsi l'écueil d'un travail corporatiste.

Le contexte historique est important puisque, depuis la libération et plus encore depuis les années 1970, les musées de France ont connu une évolution spectaculaire, à la fois qualitative et quantitative : leur nombre, de 1 418 aujourd'hui, a en effet presque doublé en 50 ans. Cette évolution a été marquée par de grands chantiers parisiens mais aussi par une dynamique portée par les collectivités territoriales. L'évolution est aussi celle de la présence de l'État qui joua un rôle d'incitation, d'accompagnement, à travers une administration centrale forte à l'époque et des financements très significatifs - ce qui a d'ailleurs pu avoir des effets pervers, la réflexion sur le coût de fonctionnement des musées n'ayant pas alors été encouragée. Aujourd'hui, même si l'on ne peut pas parler de désengagement de l'État, on peut évoquer un accompagnement moins fort et un affaiblissement de la direction des musées de France dû à l'émergence d'établissements publics autonomes et de la réunion des musées nationaux (RMN), ainsi qu'à la révision générale des politiques publiques (RGPP) ayant reformaté la direction devenue un service intégré à la direction générale du patrimoine du ministère de la culture.

Le Livre blanc insiste sur plusieurs points :

- l'importance du cofinancement sur lequel ont été fondés tous les projets muséaux et dont la remise en cause nous inquiète tout particulièrement. Les financements de l'État dédiés aux musées territoriaux sont devenus très insuffisants. La problématique des ressources propres met en évidence deux contraintes : l'objectif d'accessibilité des musées qui pose des limites à l'outil tarifaire, et le mécénat culturel en chute, notamment pour les établissements de taille modeste. Ces difficultés, soulignées par la Cour des Comptes dans un récent rapport, nous font penser qu'il existe un risque de fracture dans le monde des musées où l'on trouve des situations très contrastées. En effet, la moitié de la fréquentation, soit 25 à 26 millions de visiteurs, est concentrée sur les grands musées parisiens. La fracture se creuse alors que les aides de l'État diminuent et que de nombreuses questions émergent avec les réformes territoriale et fiscale. L'avenir des conservations départementales est d'ailleurs un sujet particulièrement préoccupant puisqu'il concerne environ un quart des musées de France ;

- la prise en compte très insuffisante des musées scientifiques. En effet, la réflexion relative aux musées se fait trop souvent sous l'angle des beaux arts, ce qui a pour conséquence d'édicter des normes inappropriées aux enjeux des collections scientifiques. De nombreux musées dépendant d'autres ministères de tutelle comme celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, il manque une vision interministérielle ;

- la question des professionnels puisque les conservateurs ont le sentiment d'être oubliés dans les textes et rapports. La Cour des Comptes, dans son rapport, insiste sur le travail positif réalisé en matière d'inventaires et de récolements, alors que les conservateurs ne sont jamais cités. Il conviendrait à la fois de revoir les textes, la formation de l'Institut national du patrimoine (INP), et de se préoccuper des conséquences de la pyramide des âges de la profession. En effet, environ 500 conservateurs seront partis en retraite dans les 5 à 10 prochaines années, or il faudrait plus de 30 promotions de l'INP pour assurer la relève. Nous tirons la sonnette d'alarme pour l'avenir des musées de France car il faut trouver des solutions pour cette profession qui fait la force de la France et l'admiration des conservateurs étrangers ;

- la gestion des collections qui a fait l'objet de réflexions de la profession bien en amont, comme ce fut le cas pour la loi sur les têtes maories, contrairement à ce qui a pu être dit. Nous sommes d'ailleurs très inquiets pour la situation des réserves de collections qui n'a globalement pas beaucoup évolué depuis le rapport de Philippe Richert publié en 2003 ;

- la lourdeur des procédures, notamment d'acquisition et de restauration ;

- l'inaliénabilité et le maintien des prêts gratuits des collections auxquels nous rappelons notre attachement ;

- l'accès des musées au plus grand nombre puisque les études sur les pratiques culturelles des Français montrent que 30 % d'entre eux sont des visiteurs habitués tandis que 70 % ne fréquentent que très rarement, voire jamais, les musées.

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