Intervention de Marcel-Pierre Cléach

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 juillet 2010 : 2ème réunion
Accord entre la france et l'allemagne visant à mieux sanctionner les infractions aux règles de la circulation — Examen du rapport

Photo de Marcel-Pierre CléachMarcel-Pierre Cléach, rapporteur :

Vous savez que la lutte contre les infractions routières s'est intensifiée en France durant la dernière décennie, et s'appuie, de façon croissante, sur leur constatation par des dispositifs automatisés. Ces moyens nouveaux ont permis de décompter les infractions commises sur le territoire français par des véhicules immatriculés dans d'autres pays européens, et de déceler leur accroissement, année après année. Or, dans l'état actuel de la réglementation, tant nationale qu'européenne, il est difficile pour les autorités françaises compétentes d'identifier les titulaires du certificat d'immatriculation des véhicules étrangers ayant commis des infractions, ce qui assure à ceux-ci une immunité de fait.

Dans l'attente de l'élaboration d'un accord européen en ce domaine, seul à même de régler l'ensemble de ce contentieux, la France a pris l'initiative de négocier un accord bilatéral avec l'Allemagne, signé le 14 mars 2006 à Berlin. C'est de ce pays que provient, en effet, le plus grand nombre de véhicules faisant l'objet de « messages d'infraction » émis par des dispositifs automatisés.

D'autres pays européens ont été également sollicités dans le même sens.

La situation géographique de la France en fait un pays de transit pour de nombreux véhicules en provenance de pays européens. La France a pris conscience, avec la mise en place progressive des dispositions de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, du nombre non négligeable d'infractions commises par des véhicules étrangers. Or, les messages d'infractions émis par les radars, dénommés « contrôle-sanction automatisé » (C.S.A.) se sont révélés inopérants à l'égard des véhicules immatriculés à l'étranger, alors que ceux-ci étaient destinataires de près d'un cinquième de ces messages. En effet, le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CASIR), situé à Rennes, se base sur l'identité et les coordonnées personnelles du contrevenant pour lancer une procédure à son encontre. Faute d'informations de cet ordre sur les conducteurs des véhicules immatriculés à l'étranger, cette procédure reste sans suite, assurant à ces conducteurs une immunité de fait. Cette situation est d'autant plus choquante que leur nombre ne cesse de croître.

Ainsi, le total des messages d'infraction touchant des véhicules immatriculés hors de France s'élevait à près de 9 millions de 2005 à 2008, et les chiffres par année démontraient leur constante progression. C'est ainsi qu'en 2005, ils se montaient à plus d'un million, en 2006, à deux millions, en 2007 à deux millions et demi, et en 2008 à trois millions deux cent mille.

De 2005 à 2008, le nombre de véhicules en infraction croissaient, pour l'Allemagne, de 140 000 à 365 000, pour le Danemark, de 15 000 à 59 000, pour l'Espagne, de 98 000 à 306 000, pour la Grande-Bretagne, de 42 000 à 85 000, et pour l'Italie, de 30 000 à 77 000. Il s'agit là des cinq principaux pays d'où proviennent les conducteurs fautifs.

Pour remédier à une situation choquante, du point de vue tant de l'équité que de l'efficacité, la France a lancé des négociations avec les Etats d'origine des contrevenants. Le texte le plus abouti est l'accord conclu avec la Belgique, ratifié par ce pays en février 2010, et qui doit l'être prochainement par la France. Des négociations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, et des discussions ont été ouvertes, au niveau ministériel, avec le Royaume-Uni, Monaco et le Portugal.

Les dispositions du présent accord instaurent avec l'Allemagne les modalités d'un échange des informations nécessaires à l'aboutissement de la procédure de contrôle-sanction automatisé.

Cependant, la discussion parlementaire visant à la ratification du présent texte par le Bundestag a fait apparaître la difficulté, et peut-être l'inconstitutionnalité, de poursuivre le propriétaire d'un véhicule allemand en l'absence de photographie permettant de l'identifier clairement comme le conducteur lors de la commission de l'infraction. Cet élément a conduit à différer cette ratification par notre partenaire sine die.

Les aléas inhérents à la conclusion d'accords bilatéraux de ce type rendent opportune l'élaboration d'une réglementation européenne dans ce domaine.

C'est l'objet d'une proposition de résolution européenne déposée, le 12 février 2009, par notre collègue sénateur Hugues Portelli, au nom de la commission des affaires européennes, et adoptée par le Sénat le 20 juillet 2009. Notre collègue député Gérard Voisin s'est également saisi de cette question dans un rapport d'information du 18 février 2009, rédigé au nom de la commission de l'Assemblée nationale chargée des affaires européennes, et intitulé : « Sécurité sur les routes d'Europe : la fin des contraventions impunies ? ». Il est également le premier signataire d'une proposition de loi du 1er avril 2009 « destinée à faciliter la perception transfrontalière des amendes et à améliorer les droits des conducteurs », et visant à modifier différents éléments de la législation française qui font obstacle à la conclusion d'accords de coopération pour la perception des amendes routières.

Des initiatives ont donc été prises par des membres de chacune des deux Assemblées, pour inciter le Gouvernement français à se montrer plus offensif dans les enceintes européennes.

Sans sous-estimer les difficultés techniques et politiques inhérentes à ce type de négociation, ces travaux permettent d'appuyer la position de la France dans ce domaine.

En conclusion, il faut constater que l'état actuel des dispositifs techniques utilisés pour constater les infractions routières ne semble pas permettre de répondre, à bref délai, aux exigences juridiques allemandes en matière d'identification des contrevenants routiers sur le sol français par voie automatique.

Il semble cependant judicieux que le Parlement français ratifie le présent accord, pour exprimer la ferme volonté de notre pays que les délits routiers incombant à des véhicules immatriculés en Allemagne, qui sont en constante augmentation, ne restent pas impunis.

Je vous suggère donc d'adopter le présent texte, et vous propose que son examen en séance publique se fasse en forme simplifiée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion