Intervention de Bernard Kouchner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 janvier 2010 : 1ère réunion
Action extérieure de l'état — Audition de M. Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères et européennes

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

a rappelé que ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes qu'il avait engagée lors de son arrivée au Quai d'Orsay et qui se décline en deux temps.

La première étape a consisté à réorganiser l'administration centrale du ministère, avec notamment la création d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, qui a vocation à traiter les enjeux globaux.

La deuxième étape, qui fait l'objet du présent projet de loi, consiste à doter le ministère d'opérateurs modernes et efficaces.

Le titre premier du projet de loi, qui constitue le coeur du texte, porte sur les nouveaux opérateurs.

Les articles 1 à 4 créent une nouvelle catégorie d'établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France, et définissent leurs règles constitutives.

Le statut d'établissement public a déjà fait ses preuves pour les opérateurs intervenant dans le domaine de la coopération internationale, comme en témoignent les exemples de l'Agence française de développement (AFD), de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou, plus récemment, d'Ubifrance.

Ces opérateurs, anciens ou nouveaux, doivent agir de manière coordonnée afin d'assurer la cohérence de l'action extérieure française. Ces établissements publics seront d'ailleurs amenés à faire appel aux missions diplomatiques à l'étranger.

Les articles 5 et 6 du projet de loi créent deux établissements publics à caractère industriel et commercial, l'un chargé de développer l'expertise et la mobilité internationales, l'autre chargé de l'action culturelle extérieure.

Le choix a été fait de laisser au pouvoir réglementaire le soin de préciser leurs missions et leur organisation dans le cadre de décrets d'application.

a insisté sur la nécessité d'une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes sur ces deux établissements, en estimant que c'était la condition de l'efficacité et d'une action extérieure cohérente.

Cette tutelle unique du ministère des affaires étrangères devrait être compensée par une association étroite des ministères partenaires dans la gouvernance des établissements. Ainsi, ces ministères devraient participer au conseil d'administration, contribuer au financement des opérateurs, à la préparation et à la signature des contrats d'objectifs et de moyens, ainsi qu'aux différents conseils d'orientation stratégique et comités qui encadreront l'action des établissements.

Le projet de loi prévoit, en premier lieu, la création d'un établissement public pour l'action culturelle extérieure, destiné à succéder à CulturesFrance. Cette agence reprendrait les missions exercées actuellement par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient de nouvelles compétences dans les domaines de la diffusion des idées et des savoirs, de l'enseignement de la langue française, ainsi qu'une mission de conseil et de formation professionnelle des personnels français et étrangers.

Afin d'établir un lien étroit entre l'agence et le réseau culturel à l'étranger, celle-ci sera associée à la gestion des ressources humaines et à la programmation des activités. Surtout, un même nom sera donné à l'agence et aux établissements culturels à l'étranger, afin d'améliorer la visibilité et l'identité du dispositif.

A cet égard, M. Bernard Kouchner a estimé préférable que ce nom ne soit pas gravé dans la loi, mais qu'il relève du décret.

Concernant le réseau des centres et instituts français à l'étranger, M. Bernard Kouchner a indiqué qu'il restera pour le moment rattaché administrativement au ministère des affaires étrangères, mais que, dans un délai de trois ans, sera examinée l'opportunité de rattacher organiquement le réseau à l'agence.

Il a indiqué qu'il avait préféré attendre pour prendre une décision sur ce point car il lui semblait nécessaire de consolider dans un premier temps la nouvelle agence et d'évaluer dans le détail toutes les conséquences financières, juridiques et techniques d'un tel rattachement qui concerne plus de 130 établissements et plusieurs milliers d'agents.

S'agissant de la gouvernance, M. Bernard Kouchner a indiqué que le projet de décret prévoyait, en l'état actuel, que le conseil d'administration serait composé d'une vingtaine de membres, parmi lesquels des parlementaires, des représentants de l'Etat, avec une parité entre les représentants du ministère des affaires étrangères et ceux des autres administrations concernées, des personnalités qualifiées, des représentants des collectivités territoriales et du personnel.

Le président du conseil d'administration serait un président exécutif, assisté par un directeur général délégué, afin de garantir une unité de commandement.

Un conseil d'orientation stratégique, présidé par le ministre, ainsi qu'une commission consultative relative à la coopération décentralisée seraient créés.

L'intérêt de cette réforme est double. D'une part, elle permettra d'améliorer l'efficacité et la visibilité du dispositif d'influence français à l'étranger. D'autre part, elle montrera que la France est pleinement engagée sur la scène internationale, non seulement sur le terrain politique, mais aussi dans la bataille mondiale des idées, des contenus culturels, de la connaissance.

Le deuxième opérateur créé par le projet de loi est l'établissement public pour l'expertise et la mobilité internationales, qui se substituera à trois organismes : l'association Egide et les groupements d'intérêt public CampusFrance et France Coopération internationale.

Ce nouvel opérateur reprendra les missions de ses trois composantes. Il sera donc chargé de l'appui à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers, notamment par la gestion des bourses du gouvernement français, de la promotion des formations supérieures et du soutien au développement de l'expertise française et de la mobilité.

Pour mener à bien ces missions, l'opérateur s'appuiera sur le réseau des ambassades et des espaces CampusFrance gérés par le dispositif culturel à l'étranger.

L'objectif est d'améliorer, quantitativement et qualitativement, l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, comme le placement des experts français hors de nos frontières. Cette agence sera dirigée par un conseil d'administration comprenant des représentants de l'Etat, issus des différents ministères concernés, des parlementaires, des représentants des établissements d'enseignement supérieur, des collectivités territoriales, ainsi que des personnalités qualifiées et des élus du personnel.

Un Haut Conseil d'orientation sera également créé qui comprendra notamment des représentants des étudiants et des établissements d'enseignement supérieur.

Le titre II du projet de loi vise à rénover le cadre juridique de l'assistance technique internationale, tel qu'il est issu de la loi du 13 juillet 1972.

Face aux évolutions et aux enjeux importants du marché de l'expertise internationale, le projet de loi vise à renforcer la place de la France, en permettant une diversification des équipes d'experts et des profils.

Le projet de loi prévoit ainsi :

- d'étendre la possibilité de placer des experts techniques internationaux auprès d'organisations internationales et d'instituts indépendants de recherche, les « think tanks », afin de mieux répondre aux appels d'offres internationaux et de développer l'influence française au sein de ces organismes ;

- d'élargir le vivier de nos experts aux fonctionnaires des pays membres de l'Union européenne, ainsi qu'aux agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public ;

- de modifier la durée des missions, qui sera limitée à trois ans, renouvelable une fois, et de clarifier le statut des experts à l'issue de leur mission en assimilant les missions d'expertise à des périodes de service public quant aux conditions d'ancienneté pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques.

Cette rénovation de l'expertise technique internationale constitue une réforme indispensable du dispositif de coopération internationale, qui tient une place essentielle dans la modernisation de notre politique de rayonnement et d'aide au développement.

Le titre III du projet de loi crée une allocation au conjoint. Il s'agit d'une mesure qui répond à une revendication très ancienne des conjoints des agents du ministère en poste à l'étranger, qui connaissent des sujétions particulières, par exemple lorsqu'ils sont contraints d'abandonner un emploi en France, ou lorsque, n'étant pas fonctionnaires ou ne trouvant pas de poste disponible à l'ambassade, ils doivent s'abstenir de mener une activité professionnelle dans le pays d'accueil.

L'article 12 vise donc à instaurer une allocation versée directement aux conjoints des agents expatriés, qui se substituerait au « supplément familial », prévu par le décret du 28 mars 1967. Cette allocation serait versée dans les mêmes conditions : elle s'appliquerait aux conjoints n'exerçant pas d'activité professionnelle ou ayant des revenus limités, qu'ils résident en France ou à l'étranger. Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace une allocation par une autre et qui sera neutre sur le plan budgétaire, n'en demeure pas moins d'une grande portée pour les familles d'agents expatriés.

Elle peut apparaître comme un premier pas vers la création d'un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses voeux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007.

Enfin, le titre IV du projet de loi est relatif au remboursement des frais engagés par l'Etat à l'occasion des opérations de secours à l'étranger.

L'Etat est de plus en plus souvent amené à engager des opérations de secours au profit de ressortissants français qui s'exposent à un danger immédiat dans des pays notoirement dangereux et déconseillés par le ministère des affaires étrangères, notamment par le biais de la rubrique « Conseils aux Voyageurs » du site Internet du ministère.

Or, ces personnes ne se voient pas réclamer le montant des frais engagés par l'Etat, en raison d'une conception exorbitante de la gratuité des secours, qui n'a pas d'équivalent juridique à l'étranger.

Les professionnels du tourisme, des transports et de l'assurance sont eux aussi tentés de s'en remettre à l'Etat pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n'est pas véritablement constituée. Les services de l'Etat doivent alors supporter des dépenses qui peuvent s'élever à plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'euros. Ainsi, lors du blocage de l'aéroport de Bangkok, en novembre 2008, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros à l'Etat pour le seul affrètement de l'avion.

Afin de mieux sensibiliser les citoyens aux conséquences des risques inutiles qu'ils prennent et font prendre aux équipes de secours, le projet de loi prévoit, d'une part, la faculté d'exiger des personnes s'étant délibérément mises en danger, sauf motif légitime, le remboursement de tout ou partie des frais induits par des opérations de secours à l'étranger et, d'autre part, d'exercer une action récursoire à l'égard des opérateurs défaillants, qu'ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d'assurance, lorsqu'ils n'ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, hors cas de force majeure.

a souligné que l'objectif visé n'était pas de limiter la liberté de voyager ou bien d'exercer une profession. Il a fait observer que la demande de remboursement ne pourra s'appliquer qu'en l'absence d'un motif légitime, cette réserve étant susceptible par exemple de préserver le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information.

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