Intervention de Jacques Blanc

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 septembre 2006 : 1ère réunion
Traités et conventions — Adhésion de la bulgarie et de la roumanie à l'union européenne

Photo de Jacques BlancJacques Blanc, rapporteur :

Puis la commission a examiné le rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 429 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

a tout d'abord souligné que le traité d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, signé à Luxembourg le 25 avril 2005, était placé sous le signe du respect de la parole donnée. Après l'entrée de 10 nouveaux membres, le 1er mai 2004, l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie achevait un cycle d'élargissement ouvert il y a plus de 13 ans, lors du sommet de Copenhague, où la perspective de devenir membre de l'Union européenne avait été ouverte aux pays d'Europe centrale et orientale. Ce sixième traité d'adhésion, qui concluait la cinquième vague d'élargissement de l'Union européenne, mettait un terme à la tragédie historique qui avait placé ces pays derrière le rideau de fer.

Il a insisté sur le fait que le respect de la parole donnée, dans l'intérêt de l'Union européenne, mais aussi des nouveaux entrants, n'excluait pas l'exigence et la vigilance et qu'il était manifeste que la Commission, chargée de mener à bien le processus, avait fait montre à la fois de l'une et de l'autre. Le passage au crible de l'acquis communautaire de la législation des deux pays avait exigé des efforts considérables d'adaptation pour des Etats qui n'avaient retrouvé la démocratie qu'il y a quinze ans.

Il a indiqué que les conditions d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie étaient en tout point semblables à celles qui avaient prévalu pour les dix nouveaux entrants. La totalité de l'acquis communautaire s'appliquerait aux deux pays dès l'adhésion, avec quelques aménagements : la participation à l'Euro et à l'espace Schengen ne pourrait intervenir qu'après un délai probatoire, les Etats membres actuels pourraient décider d'apporter des restrictions à la libre circulation des travailleurs, tandis qu'un certain nombre de périodes transitoires avaient été accordées par l'Union européenne aux deux nouveaux entrants dans des domaines qui nécessitent un temps d'adaptation plus important.

a précisé que sur la période 2007-2009, un plafond de 16 milliards d'euros de crédits d'engagement avait été fixé pour les deux pays qui devraient recevoir 42 milliards d'euros dans le cadre des perspectives financières 2007-2013. Les deux pays bénéficieraient de manière progressive des aides directes au titre de la politique agricole commune : 25 % en 2007, 100 % en 2016, tout en ayant la possibilité de compléter ces montants par des aides nationales.

Le revenu par habitant des deux nouveaux entrants étant inférieur à 30 % du niveau moyen dans l'Union à 25, déjà revu à la baisse par le précédent élargissement, les deux pays seraient logiquement bénéficiaires des aides régionales dont le montant restait cependant plafonné à 2,4 % du PIB en 2004 et à 4 %, soit les conditions générales, en 2009.

Sur le plan institutionnel, le rapporteur a précisé que la Bulgarie et la Roumanie avaient ratifié le Traité constitutionnel en même temps que le traité d'adhésion qui prévoyait deux options, en fonction de l'entrée en vigueur, ou non, de ce texte. En l'absence d'évolution institutionnelle, c'est le Traité de Nice, prévu pour un maximum de 27 Etats membres qui s'appliquera.

Bulgarie et Roumanie auront chacune un commissaire, le Parlement européen comptera 18 députés bulgares et 35 députés roumains et les deux Etats disposeront respectivement de 10 et 14 voix sur 345 au Conseil.

a rappelé que la conclusion des négociations pour l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie s'était faite sous conditions. Un mécanisme de suivi avait été mis en place, en application duquel la Commission continuait à vérifier la mise en oeuvre effective des différents chapitres de l'acquis communautaire. La Commission avait ainsi publié, en octobre 2005, un rapport global de suivi qui relevait de graves insuffisances, notamment dans deux domaines, Agriculture et Justice-Affaires intérieures. Le rapport du 16 mai 2006, tout en soulignant des progrès considérables, pointait encore, dans ces mêmes secteurs, des points particulièrement préoccupants. Il a indiqué que lors de sa visite, la semaine précédente, les autorités bulgares et roumaines s'attendaient à ce que le dernier rapport de la Commission prévoie, non pas la mise en oeuvre de clauses de sauvegarde, mais la poursuite du mécanisme d'accompagnement dans les domaines, Agriculture et Justice-Affaires intérieures, pour lesquels les efforts faits doivent être prolongés de manière irréversible et efficace. Dans le domaine agricole, la finalisation du cadastre et du système de gestion et la poursuite de la formation des personnels de l'Agence des paiements étaient indispensables au versement des aides agricoles. Il a ajouté que la Commission européenne avait prévu l'adoption d'un règlement permettant de bloquer une partie des subventions agricoles en cas de dysfonctionnement des mécanismes d'attribution. Dans le domaine de la justice, les efforts, bien que très importants, étaient assez récents. Les textes législatifs venaient d'être adoptés et devaient être mis en oeuvre. Des arrestations pour motif de corruption avaient eu lieu, mais aucune condamnation n'était encore intervenue.

a souligné que des « mesures d'accompagnement » viseraient à aider les deux pays à se mettre en pleine conformité avec l'acquis communautaire et la Commission à mesurer les avancées réalisées, avec la possibilité d'activer, le cas échéant, les clauses de sauvegarde.

Le processus de ratification du Traité d'adhésion était désormais très avancé au sein de l'Union européenne, 22 Etats ayant déjà achevé leur procédure. Après la ratification française, l'Allemagne et le Danemark devraient clore le cycle de ratification.

a ensuite évoqué le degré de préparation de la Bulgarie et de la Roumanie et les conséquences de leur adhésion.

Evoquant la situation de crise profonde où se trouvait l'Union européenne et ses difficultés à retrouver un élan, il a considéré qu'il serait injuste d'en faire porter la responsabilité aux nouveaux entrants. Ils étaient cependant bien conscients que cette situation de morosité renforçait les conditions qui leur étaient imposées.

Il a estimé que plusieurs défis restaient à relever pour réussir, non pas seulement l'adhésion, mais surtout l'intégration.

Celui, tout d'abord, de la poursuite de l'assainissement sur les questions de corruption et de lutte contre la criminalité organisée. Il était engagé avec résolution, mais devait donner des résultats dans une société longtemps déstructurée où ces pratiques s'étaient installées. Les forces qui ont engagé cet assainissement doivent être soutenues, notamment par les mesures d'accompagnement de la Commission afin de rendre le processus irréversible.

L'absorption des fonds communautaires était une autre difficulté. Les mécanismes de gestion pourraient être en place pour l'échéance du premier janvier 2007, mais la question était plus structurelle : les capacités d'initiative locales étaient limitées et l'organisation territoriale des deux pays, faiblement décentralisée. Un mouvement était là aussi engagé, qui devait être soutenu, faute de quoi la capacité à irriguer le territoire par les fonds européens serait insuffisante.

Le rapporteur a estimé que ces mesures conditionnaient l'effort de rattrapage économique engagé. Bulgarie et Roumanie enregistraient des taux de croissance supérieurs à 5 % depuis plusieurs années, ainsi qu'une augmentation des flux d'investissements directs étrangers. Ce rattrapage était déterminant pour l'Europe entière : les questions d'harmonisation fiscale et sociale se poseraient d'autant plus vivement que les écarts de richesse resteraient aussi importants.

a rappelé que l'environnement régional des deux Etats, à l'heure où le statut du Kosovo devait être défini, restait instable et constituait une préoccupation. Il devrait appeler à la vigilance et à la solidarité de la part de l'Union européenne.

Il a ensuite évoqué un sujet qui ne semblait pas encore constituer une préoccupation pour les deux pays, la démographie. Il a indiqué que la population des deux nouveaux entrants était en baisse sous le double effet de l'émigration et de la chute de la natalité. Le taux de fécondité, inférieur à 1,3 enfant par femme, était très faible. Il a considéré, d'une part que cette situation pourrait, à terme, nuire au dynamisme de ces pays et que, d'autre part la France ne devrait pas assister à une vague migratoire très importante dans la mesure où la croissance était forte, le chômage en nette diminution et où les personnes qui souhaitaient quitter le pays l'avaient probablement déjà fait, en direction, pour l'essentiel, de l'Italie et de l'Espagne.

Ces réserves étant faites, il a souligné l'unanimité qu'il avait constatée, quels que soient les partis, sur l'adhésion à l'Union européenne et au projet européen. Ce sentiment était partagé par la population, qui soutenait à plus de 70 % l'adhésion.

Voisins des Balkans occidentaux, dont la décomposition se poursuivait et dont la stabilité était loin d'être assurée, ces deux pays réalisaient pleinement ce qu'un espace de paix et de prospérité signifiait. Ils étaient également conscients que cette paix dépendait du renforcement des capacités de l'Union et adhéreraient à une intégration politique plus importante. L'équilibre Nord-Sud, le projet euro méditerranéen et la politique de voisinage rencontraient un écho particulier dans ces pays, nouvelle frontière extérieure de l'Union.

a estimé que la France trouverait dans ces nouveaux partenaires fortement francophones, deux Etats attachés au principe de solidarité et aux politiques communes.

Il a précisé qu'interrogés sur les élargissements à venir, tous ses interlocuteurs avaient fait état de la nécessité d'une pause et d'un temps de consolidation pour l'Union européenne.

Il a ensuite recommandé l'adoption du projet de loi, soulignant que l'enjeu était désormais de réussir l'intégration des nouveaux membres et de redonner à l'Union européenne l'élan qui lui faisait défaut.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

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