Faisant valoir son expérience dans le domaine électrique, acquise successivement chez Schneider, Alstom et Areva, ainsi que les dix années d'enseignement et les missions réalisées dans la recherche-développement en matière de réseaux et de fourniture de matériel électrique, M. Jean-Luc Thomas a indiqué qu'il avait participé aux rapports d'enquête de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et du Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l'électricité et du gaz (ERGEG) sur les causes de la panne du 4 novembre dernier.
Puis, après avoir procédé à un bref rappel historique depuis la première liaison de transport d'électricité en octobre 1882, il a souligné l'actualité des problèmes rencontrés à l'époque, observant par exemple que se posait toujours la question du choix entre un réseau à courant continu et un réseau à courant alternatif. Constatant que ce dernier s'était imposé grâce aux transformateurs, il a expliqué que la liaison à courant continu présentait aussi des avantages, notamment celui d'une insensibilité aux variations de fréquence du réseau connecté en alternatif. Puis il a observé qu'en matière de réseau électrique, les fonctions dévolues aux gestionnaires restaient identiques quelles que soient les époques et les évolutions de la technologie, soulignant ainsi l'immuabilité des lois de la physique.
a ensuite mis en évidence les changements intervenus sur la gestion des réseaux électriques, précisant qu'avant la dérégulation, un seul acteur prenait en charge la production, le transport et la distribution de l'électricité, alors que le processus de libéralisation avait fait émerger une production décentralisée (éolien, photovoltaïque, etc.) ainsi qu'un véritable marché de l'électricité comportant de nombreux intervenants. Puis il a identifié les trois composantes de la qualité de l'électricité : la qualité de la tension, la continuité du service et le coût associé, estimant que ces trois points étaient fondamentaux pour une utilisation efficace et économique du « produit électricité ». Ajoutant que les électrons ignoraient les lois du marché, il a indiqué que, contrairement aux apparences, l'électricité n'était pas un produit de consommation banale, mais un « produit frais » qui devait être consommé immédiatement en raison de son caractère non stockable en courant alternatif (le coût industriel, notamment par utilisation de l'hydrogène, étant aujourd'hui toujours prohibitif). Il a ainsi souligné que tout le système électrique est basé sur un équilibre instantané entre production et consommation et que sa rupture brutale est de nature à causer des pannes similaires à celles du 4 novembre 2006. Il a observé, à cet égard, que la production d'électricité éolienne présente des risques d'intégration dans le réseau, en raison notamment de son caractère aléatoire et difficilement prévisible, de l'absence de réglage fréquence/puissance, du réglage limité de la tension, ainsi que de sa sensibilité aux chutes brutales de tension et aux variations rapides de la force du vent.
a par ailleurs abordé la question des « black out » sur les réseaux, rappelant la règle du N-1 qui doit permettre au réseau électrique de transport de subir la perte d'un élément (ligne ou poste électrique) sans conséquences graves pour la sécurité. Indiquant que cette règle fondamentale n'avait pas été respectée lors de la panne du 4 novembre, il a toutefois écarté la qualification de « black out » pour cet incident, estimant qu'il s'agissait d'une perturbation sévère, certes, mais éloignée d'un véritable effondrement final du système, comme cela avait pu être le cas aux Etats-Unis le 14 août 2003, où 50 millions de personnes avaient été privées d'électricité pendant deux jours dans certains États, et en Italie le 28 septembre 2003, où 57 millions de personnes avaient été touchées pendant plusieurs heures. Puis, évoquant la chronologie des incidents en cascade qui ont conduit à la panne du 4 novembre 2006 en Europe, il a indiqué que le déséquilibre production/consommation consécutif aux dysfonctionnements en Allemagne avait abouti à la division du réseau de l'Union pour la coordination de la transmission de l'électricité (UCTE) en trois zones, privant finalement d'électricité pendant deux heures dix millions de personnes en Europe, dont cinq millions en France.
Afin d'accroître la sécurisation des réseaux de transport d'électricité, il a tout d'abord jugé indispensable de renforcer la coordination entre les différents gestionnaires en Europe. Par ailleurs, après avoir expliqué la nécessité d'opérer un double réglage, primaire et secondaire, de la fréquence sur les réseaux de transport interconnectés, il a souligné l'opportunité qu'il y aurait à multiplier l'installation d'équipements d'électronique de puissance (les FACTS : « Flexible Alternating Current Transmission Systems », c'est-à-dire des systèmes flexibles de transmission en courant alternatif) afin d'améliorer la possibilité de contrôle et les capacités de transfert de ces réseaux ainsi que la qualité du produit électricité. Enfin, il a insisté sur la nécessité de normes de raccordement aux réseaux plus rigoureuses des générateurs éoliens.