a tout d'abord souhaité replacer l'entreprise dans le contexte énergétique mondial. Rappelant que Total était le quatrième pétrolier, mais aussi le quatrième gazier, au monde, il a indiqué que l'entreprise était présente là où existent des gisements gaziers, qu'il s'agisse de l'Europe, de l'Afrique, du Moyen-Orient, de l'Asie ou de l'Australie. Tout en précisant que les partenariats bâtis par Total dans le secteur gazier étaient équilibrés, il a souligné que l'entreprise intervenait dans l'aval de cette branche afin d'assurer aux pays producteurs des débouchés pour leur gaz. Il a ainsi expliqué que, dans des pays comme le Brésil ou le Mexique, où le marché n'était pas ouvert à la concurrence, Total entretenait des relations contractuelles à long terme avec la compagnie gazière nationale, et que, sur les marchés libéralisés, Total exerçait directement des activités de fourniture, par exemple au Royaume-Uni, où l'entreprise dispose de 15 % du marché de la fourniture aux clients industriels, mais aussi en France et en Espagne. Il a ajouté que l'entreprise avait pris des participations financières ou des locations de capacités à long terme dans plusieurs terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) existants, notamment en Inde et au Mexique, ou en construction, comme en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Puis M. Philippe Sauquet a relevé que, même si le groupe avait pu détenir certains actifs importants dans la production électrique, qu'il avait du reste cédés, par exemple au Royaume-Uni et en Argentine, ou s'il détient des participations dans des installations de cogénération en France et à Abu Dhabi, une centrale à cycle combiné à gaz (CCG) en Thaïlande ou un projet de CCG au Nigeria, il n'avait jamais fait de cette activité une fin en soi et n'entendait pas, pour le moment, devenir un producteur électrique. Après avoir toutefois souligné que cette activité constituait un débouché pour la production gazière avec les CCG, il a indiqué que l'objectif était, pour préparer l'entreprise à la future donne énergétique mondiale, de faire en sorte qu'elle dispose de positions dans certaines filières qui joueront un rôle important pour la sécurité d'approvisionnement de la France et de l'Europe.
Dans cette perspective, il a expliqué que Total :
- en tant que producteur de charbon, avait acquis une véritable expertise dans cette filière depuis plus de trente ans ;
- investissait constamment depuis vingt-cinq ans dans le domaine de l'énergie photovoltaïque et, plus récemment, dans celui de l'énergie éolienne ;
- procédait à des recherches dans le secteur des énergies marines et dans les processus de transformation des énergies fossiles ou de la biomasse en combustibles liquides.
Commentant ensuite le bilan énergétique mondial de l'année 2004 réalisé par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), ainsi que les perspectives qu'elle avait établies à l'horizon 2030, M. Philippe Sauquet, directeur stratégie « gaz-électricité » de Total, a souligné qu'aujourd'hui :
- la production d'électricité et de chaleur absorbe un peu moins de 40 % de la demande mondiale d'énergie primaire ;
- les processus de production d'électricité sont fortement consommateurs d'énergie et présentent, au niveau mondial, un rendement énergétique de 44 %, la production d'électricité nucléaire ayant quant à elle un rendement conventionnel de 33 % du fait des déperditions de chaleur ;
- les énergies fossiles ont un poids prépondérant dans la production mondiale d'électricité, avec 66 %.
Puis il a relevé que cette étude, en faisant l'hypothèse d'une croissance de la consommation d'électricité de 2 % par an en moyenne, estime que la part des énergies fossiles s'établirait encore à 60 % à l'horizon 2030, ce qui démontre leur caractère incontournable à moyen terme et la nécessité de développer les techniques de captage et de séquestration du dioxyde de carbone (CO2) pour faire de la lutte contre le changement climatique une véritable priorité. Il a également observé que, dans ce scénario, l'énergie nucléaire continuerait à croître (166 tranches nouvelles, soit six par an) mais que sa part relative diminuerait, l'électricité hydraulique serait stable et la part des énergies renouvelables augmenterait très fortement, passant de 2 % du bilan mondial actuellement à plus de 8 %, l'éolien représentant la moitié de cette croissance. Il en a donc conclu que l'éolien serait, à terme, une énergie également incontournable, le photovoltaïque étant susceptible d'acquérir une importance significative à l'horizon 2050 seulement.
a alors présenté les analyses de l'entreprise sur les coûts de l'électricité issue de différents types de moyens de production. L'électricité produite à partir du nucléaire, d'un CCG ou d'une centrale à charbon classique présente, dans l'environnement économique de l'année 2006, un coût au mégawattheure (MWh) similaire, compris dans une fourchette située entre 65 et 70 euros, faisant observer que, pour les centrales à charbon, chaque MWh produit provoquait l'émission d'une tonne de CO2 environ, dont le prix pouvait être évalué à 20 euros. En revanche, l'électricité issue d'une centrale à « charbon propre » (IGCC), dotée de dispositifs de captage et de séquestration du CO2, présente, à l'heure actuelle, un coût supérieur à plus de 80 euros le MWh. Il a néanmoins nuancé son propos en indiquant que ces facteurs économiques devraient sans doute évoluer à la baisse à l'avenir.
Comparant ensuite le bilan énergétique de l'année 2004 de l'Europe-OCDE réalisé par l'AIE à ses projections pour l'année 2030 dans un scénario de croissance de la consommation qui s'établirait à 0,7 % par an et avec une stabilité des émissions de CO2, il a tout d'abord noté qu'en s'établissant à 47 %, le rendement énergétique de la production électrique européenne est supérieur à la moyenne mondiale. S'agissant des parts respectives de chaque énergie pour la production d'électricité, il a relevé que l'AIE prévoyait une diminution très sensible de l'utilisation du charbon, sa part revenant de 29 à 18 % en raison de la nécessité de réduire les émissions de CO2, et, plus généralement, des énergies fossiles, qui seraient ramenés de 50 à 40 %. Dans ce scénario, la part du nucléaire serait également réduite de 29 à 20 %, ce qui signifierait l'arrêt de vingt centrales nucléaires, l'AIE faisant l'hypothèse que les pays européens seront dans l'attente de développements technologiques complémentaires portant sur la mise au point des centrales nucléaires de quatrième génération avant de relancer des programmes électro-nucléaires. Enfin, s'agissant des énergies renouvelables, la part de l'hydraulique progresserait de deux points et la part des autres énergies renouvelables (ENR) passerait de 4 à 22 %, ce qui est très ambitieux, mais constitue une prévision inférieure à ce qui résulterait du respect des objectifs définis par le Conseil européen des 8 et 9 mars tendant à ce que les énergies renouvelables représentent, en 2020, 20 % du bouquet énergétique européen. Il a souligné que ces statistiques démontraient à nouveau le caractère incontournable de l'éolien, qui contribuerait pour douze points à la croissance des ENR électriques, et que la part de l'énergie solaire serait appelée à croître à partir de 2030.
a ensuite présenté les scénarios de l'entreprise en matière d'approvisionnement en gaz de l'Europe, fondés sur une croissance annuelle de la demande de 2 %. Il a noté que l'épuisement des ressources gazières de la mer du Nord conduirait l'Europe à avoir plus massivement recours aux importations d'ici à 2020, leur part dans les approvisionnements gaziers européens passant de 45 à 64 %. Evoquant l'origine géographique de ces importations, il a souligné que les gaz russe et algérien représentaient aujourd'hui 36 % du total et que cette part serait stable à l'horizon 2020, avec un plafonnement de ces importations à des niveaux annuels respectifs de 200 et de 80 giga mètres cubes (Gm3). La croissance des importations proviendra donc de la diversification des sources d'approvisionnement, ce qui améliorera la sécurité énergétique de l'Europe, avec un recours plus important au GNL venant du Moyen-Orient (10 % des importations en 2020) ou du Nigéria et de Trinidad (7 %), ou au gaz issu de pays méditerranéens, comme l'Egypte ou la Libye (5 %) et de la Caspienne (5 %).
Tout en notant que Total n'était pas parvenu, pour le moment, à devenir un opérateur gazier en Russie, il a déclaré que la fourniture russe était fiable, malgré les crises récentes dont l'impact méritait d'être relativisé au regard du volume des approvisionnements européens concernés : à titre d'exemple, l'interruption de la fourniture russe pendant deux jours au cours du mois de janvier 2006 a représenté 0,1 % de l'approvisionnement européen, et l'incident qui a frappé l'Italie au cours de l'hiver 2006, résultant quant à lui de simples problèmes techniques, n'a représenté qu'1 % de la demande à cette période. A titre de comparaison, il a souligné qu'un incendie ayant touché le principal centre de stockage de gaz du Royaume-Uni au cours de la même période avait ponctuellement privé ce pays de 20 % de ses approvisionnements, sans toutefois que cela suscite de crise aigue, grâce à l'utilisation par les CCG de produits pétroliers et à l'adaptation de la demande. Après avoir souligné que, compte tenu de l'importance des investissements financiers, les relations en matière gazière se caractérisaient plus par une interdépendance entre pays producteurs et pays consommateurs que par un strict rapport de dépendance de ces derniers vis-à-vis des premiers, M. Philippe Sauquet a relevé tout l'intérêt de développer des sites de stockage souterrain de gaz au plus près des besoins de consommation, jugeant que la situation française en la matière était satisfaisante.
Puis, évoquant la question de la sécurité d'approvisionnement en électricité, il a considéré que la première des priorités devait être de répondre à la demande en période de pointe de consommation. Il a indiqué qu'en France, plus de 11.000 mégawatts (MW) de moyens de production d'électricité fonctionnaient pendant moins de 250 heures par an. Jugeant que l'utilisation de centrales au fioul constituait une réponse appropriée pour réagir à ces pointes, il a noté qu'EDF partageait cette analyse, comme en témoignait sa récente décision de remettre en service 2.600 MW de capacités de production fonctionnant au fioul lourd, notant d'ailleurs que cette énergie présentait des facilités de stockage à des coûts réduits. S'agissant des CCG, après avoir noté qu'était projetée en France la mise en service de 5.400 MW de telles capacités, il a considéré que l'installation d'équipements permettant à ces centrales de fonctionner également avec des distillats pétroliers, comme cela est le cas pour certaines CCG au Royaume-Uni, serait de nature à améliorer la sécurité d'approvisionnement.
En ce qui concerne le charbon, M. Philippe Sauquet a souligné que cette énergie présentait de réels atouts, avec des réserves prouvées de 150 années et un prix (cotation API 2) inférieur de quatre fois à celui du gaz et de cinq à six fois à celui du pétrole. Relevant cependant que ce moyen de production émettait une tonne de CO2 par MWh produit, soit deux fois plus qu'une centrale fonctionnant au gaz, il a estimé qu'il ne pourrait se développer qu'à condition que des progrès soient effectués en matière de technique de captage et de stockage du CO2. A cet égard, il a précisé que Total, très impliqué dans ce dossier, menait actuellement des expérimentations en mer du Nord, en partenariat avec Statoil, ainsi que sur le site de Lacq, où le groupe vient de décider un investissement de près de 50 millions d'euros via un procédé d'oxycombustion.
Il a achevé sa présentation par une analyse des coûts de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables. Il a considéré que, sur la base d'un scénario au sein duquel l'électricité d'origine éolienne représenterait entre 10 et 15 % de la production nationale, la gestion de la variabilité de cette production aurait, selon une étude réalisée par Total, un coût d'environ six euros le MWh, compte tenu de la nécessité de mettre en service d'autres moyens de production pour contrebalancer l'intermittence de cette filière. Il a estimé que l'électricité issue d'installations éoliennes on-shore était proche de la rentabilité, alors que celle issue d'installations éoliennes off-shore présentait encore des coûts élevés, proches de 140 euros le MWh. Il a indiqué que Total exploitait actuellement un parc éolien terrestre situé à proximité de Dunkerque, que l'entreprise projetait de développer une ferme éolienne de 90 MW dans l'Aveyron, retenue dans le cadre de l'appel d'offres national d'éolien terrestre, et qu'elle souhaitait toujours développer un projet off-shore au large de Dunkerque car, bien qu'il n'ait pas été retenu dans le cadre de l'appel d'offres lancé l'an dernier par le ministère de l'industrie, les nouveaux tarifs d'obligation d'achat de l'éolien off-shore le rendaient désormais envisageable.