Intervention de Michel Miraillet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 juin 2010 : 2ème réunion
Défense antimissile — Audition de M. Michel Miraillet directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense :

S'agissant de la Chine, soyez assurés qu'on en parle ! En tant qu'exportateur d'équipements qui intéressent les proliférants, tels que le missile M600 utilisant des propergols solides. C'est un missile robuste et performant dont les perspectives de reverse engineering sont inquiétantes.

S'agissant de l'Europe, le nouveau positionnement de l'administration Obama a changé les termes du débat. La démarche est plus pragmatique, plus cohérente et plus en adéquation avec la menace potentielle. Cette menace est aujourd'hui perçue par tous les Européens, notamment par le front Sud-est de l'Europe. Pour autant, peu nombreux sont les alliés ou partenaires qui disposent de moyens techniques d'évaluation des architectures proposées ou des moyens d'interception. Face à l'offre de mise à disposition de capacités américaines, on comprend la passivité, la neutralité de ceux dont la cotisation au financement en commun est faible.

Les autres Européens sont un peu troublés et cherchent une réponse. Le concept de la défense antimissile ne doit pas être rejeté, car cette défense correspond à un vrai besoin, tel que celui auquel les Israéliens ont du faire face pendant la guerre avec le Hezbollah en 2006, ou lors de la crise irakienne en 2003. On demandera toujours à un moment ou à un autre aux hommes politiques de prouver qu'ils ont tout fait pour protéger les populations. Or, on fait de la défense antimissile partout, sauf en Europe. Les Européens sont en train de réaliser que ce n'est pas une affaire de petite importance. Il y a dix ans, les Américains voulaient nous faire admettre que les Iraniens avaient des capacités balistiques bien au-delà ce que nous savions de leurs véritables capacités. Mais aujourd'hui, la réalité a dépassé la fiction. Des pays comme la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie, expriment des préoccupations de sécurité légitimes par rapport à la menace balistique. Or les Américains arrivent avec un package global, les frégates Aegis, leurs intercepteurs, des radars et nous disent : « nous avons tout cela, prêt ou à développer, tout ce que vous avez à faire c'est de financer dans un premier temps le C2 ».

Quant à la réflexion européenne, elle est inexistante. C'est pourquoi les Européens sont mal à l'aise dans cette affaire.

Certains sont avant tout demandeurs d'une réassurance politique, et parallèlement au débat en cours à l'OTAN, les Etats-Unis ont des contacts spécifiques avec des pays comme la Turquie, la Pologne ou la Roumanie. L'Allemagne entame une période de vaches maigres. Certains à Berlin imaginent aussi qu'une défense antimissile robuste rendrait la dissuasion inutile. Les Italiens, avec Finmeccanica, ont des intérêts industriels potentiels. Les Britanniques sont prudents en raison de leur relation spéciale avec Washington, mais au fond, leur perception de la problématique est proche de la notre : il n'y a pas d'argent pour travailler sur le développement d'intercepteurs.

Pour conclure, et pour répondre à une question initiale du président sur la possibilité d'intégrer la défense antimissile dans les missions de l'OTAN, il faut bien voir que la notion de mission n'est pas juridiquement définie dans le traité de l'Atlantique Nord. Soit l'on considère que la définition d'une mission n'emporte aucune obligation juridique, soit l'on considère que la notion de mission emporte celle d'obligation de moyens. En l'absence de moyens spécifiques, on fera appel aux financements communs. Pour le moment, cela n'apparait pas comme important compte tenu de l'offre américaine. Mais qu'en sera-t-il lorsqu'on abordera l'étape 3 de la Phased Adaptive Approach ?

Dans le même temps, l'administration reste attachée au terme de mission car il s'agit de la phraséologie du Président Obama. Il serait bien inutile d'entrer en conflit avec les Américains pour une question de syntaxe. Donc que faire ? Etre vigilant. Y-a-t-il un vrai objectif industriel américain ? La réponse est oui. Un seul industriel arrive avec une solution globale. Il est potentiellement intéressé par ce que la France peut apporter sur l'alerte avancée, les radars de Thales, nos satellites, mais les possibilités de coopération sont limitées. Sur le C2, seule la filiale Thalès/Raytheon est potentiellement concernée et, c'est un segment très limité de ce champ très vaste que constitue les C2. .

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