Dans toute cette affaire, il faut garder la tête froide. La défense antimissile ne doit pas être diabolisée. Elle correspond à un besoin militaire avéré s'agissant de la défense de théâtre -et nous avons beaucoup à travailler dans ce domaine, notamment dans les couches hautes où rien n'a encore été fait - et à un besoin qui se dessine d'ordre politique : la demande des populations contre la menace des proliférants. Encore une fois, l'idée n'est pas celle du parapluie, mais d'optimiser la réponse à une salve de quelques missiles.
Par ailleurs, l'approche « phasée » des Etats-Unis doit être prise avec beaucoup de prudence. La première phase, pour contrer les missiles de courte et moyenne portée, est réaliste. Elle est en cohérence avec le programme ALTBMD, pour lequel nous avons tout de même dépensé 25 millions d'euros jusqu'à présent. A partir de la phase 2, cela est moins clair et le calendrier est indicatif. Le véritable frein vient de la situation financière de l'OTAN. Pour 2011, les besoins sur le budget d'investissement de l'OTAN sont évalués à 1,4 milliard d'euros, soit plus du double du plafond autorisé. L'une des raisons pour lesquelles les Etats-Unis insistent tellement sur la réalisation d'économies est qu'ils souhaitent que l'OTAN dégage des marges pour le financement du système de commandement et de contrôle de la défense antimissile de l'Alliance, de façon à garantir la connexion avec leur propre structure C2. C'est également pour cela qu'est avancée une première hypothèse basse de 83 millions d'euros seulement.
A Lisbonne, une opposition frontale ne serait pas opportune, il n'en est d'ailleurs pas question. Nous avons déjà réorienté les projets américains au sommet de Bucarest et nous avons remis les choses sur les rails au sommet de Strasbourg-Kehl. Le fait d'inscrire la défense antimissile parmi les missions de l'OTAN emporte peu de conséquences juridiques, mais impose la plus grande vigilance sur la mise en oeuvre. Et nous sommes parmi les rares pays à disposer de la compétence technique pour demander aux Etats-Unis des éclaircissements sur l'architecture et les coûts. Il ne faut pas que ce dossier devienne un prurit dans les relations entre la France et les Etats-Unis. Les Américains sont très intéressés par nos capacités d'alerte avancée. Il y a donc un dialogue constructif possible entre nos deux pays. Il est normal que les fabricants de missiles, MBDA et Astrium, luttent pour promouvoir leurs options. Mais la question est de savoir si la DGA dispose des moyens pour financer des plans d'études-amont. Nous imaginons de participer au financement et au développement du système otanien de commandement et de contrôle et, pour le reste, d'apporter une contribution en nature, notamment à travers notre alerte avancée. La loi de programmation actuelle ne prévoit en l'état aucune ressource pour apporter d'autres briques.