Intervention de Jacques Berthou

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 mars 2009 : 1ère réunion
Accord entre la france et la guinée sur les investissements — Examen du rapport

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou, rapporteur :

a tout d'abord rappelé que ce type d'accord avait été conçu pour pallier l'absence de système multilatéral de protection des investissements en dehors de la zone OCDE. Il prévoit, pour les investissements, le traitement national et celui de la nation la plus favorisée ; il instaure certaines protections juridiques et met en place un mécanisme de règlement des différends. Il permet aussi d'envisager d'accorder, par l'intermédiaire de la COFACE, des garanties aux investisseurs pour leurs opérations dans le pays.

a considéré que cet accord ne présenterait qu'un intérêt limité s'il ne concernait pas la Guinée, un pays agité par des troubles récurrents depuis plus de six ans et qui a connu, le 22 décembre 2008, un coup d'État militaire à la suite du décès du président Lansana Conté au pouvoir depuis 24 ans. Il a rappelé que, en dépit de l'organisation d'élections à partir de 1995, la Guinée était largement restée à l'écart des processus de transition démocratique à l'oeuvre sur le continent africain.

Il a souligné que la Guinée disposait d'un potentiel économique indéniable du fait de ses richesses naturelles.

Ces différentes ressources en font un exportateur de minerai et, potentiellement, une puissance agricole.

En dépit de ces atouts réels, la Guinée souffre cependant d'un grave retard de développement. Elle figure au nombre des pays les moins avancés avec un revenu moyen par habitant de 400 dollars par an. Elle est classée au 167ème rang mondial par le programme des nations unies pour le développement.

Alors que les pays africains ont enregistré une croissance de l'ordre de 5 % en moyenne ces dernières années, la situation économique et sociale de la Guinée n'a cessé de se dégrader. Elle se caractérise par une croissance faible, une forte inflation, un assèchement des réserves de change et une forte dépréciation de la monnaie. La dette publique, de plus de 3 milliards de dollars, est totalement insoutenable.

a souligné que la Guinée ne disposait que d'un accès limité à l'aide extérieure. Premier pays à être entré dans l'initiative « pays pauvres très endettés » en 2001, qui permet de substantielles annulations de dettes, la Guinée a vu le processus très rapidement suspendu par le FMI pour cause de mauvaise gouvernance, ce qui lui a fermé l'accès au crédit des grands bailleurs, dont le Fonds européen de développement.

Cette situation s'est traduite par un mécontentement social croissant, entretenu par les forces syndicales du pays.

A plusieurs reprises, au printemps 2006 puis en juin 2007, le pays a été paralysé par des grèves et des manifestations. La répression particulièrement brutale menée par les hommes de troupe, qui constituent l'assise du régime, a fait plus de 200 morts.

La gravité de la situation a conduit le président Conté à nommer, le 26 février 2007, un premier ministre dit « de consensus » qui n'a pas été en mesure d'imposer son autorité ni de répondre aux attentes concrètes de la population. Limogé le 20 mars 2008, il n'a pas permis la nécessaire transition démocratique dans le pays, bien qu'ayant réussi à restaurer la confiance des bailleurs de fonds. C'est d'ailleurs au cours de cette brève période que l'accord soumis aujourd'hui au Sénat a été signé.

Les audits réalisés pendant cette période ont mis à jour le caractère systématique du vol des ressources publiques sous la présidence Conté et la mise en coupe réglée du pays avec l'appui de l'armée.

Le 22 décembre 2008, a poursuivi M. Jacques Berthou, rapporteur, la mort du président Lansana Conté, qui aurait dû se traduire par l'intérim du président de l'Assemblée nationale, a été suivie par la prise de pouvoir du capitaine Dadis Camarra qui s'est autoproclamé président de la République et a nommé un premier ministre et un gouvernement au sein duquel les militaires tiennent les postes-clés.

Sous la pression de la communauté internationale, le pouvoir a promis des élections avant la fin de l'année. M. Camarra a promis de ne pas être candidat, tout comme les membres du conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) ; il a également promis la restauration des libertés politiques et syndicales, suspendues depuis le coup d'État, et la levée des barrages routiers où les personnes sont rançonnées. Deux mois après le coup d'Etat, la situation reste très incertaine.

Dans ce contexte, M. Jacques Berthou, rapporteur, s'est interrogé sur le signal que ne manquera pas de donner au pouvoir en place à Conakry la ratification de cet accord par la France. Dans le contexte dans lequel il a été signé, cet accord constituait un soutien politique à un premier ministre de transition. Le contexte n'est plus le même aujourd'hui.

Aussi, tout en invitant la commission à adopter ce projet de loi, le rapporteur a suggéré de demander au Gouvernement d'en différer la notification aux autorités guinéennes jusqu'à ce que des garanties suffisantes aient été obtenues quant au retour à l'ordre constitutionnel dans ce pays qui, pour sa part, n'avait pas encore procédé à la ratification de ce texte. Un tel décalage ne serait par conséquent pas de nature à nuire aux intérêts des investisseurs français.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

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