a indiqué que la Cour des comptes attachait le plus grand prix à sa mission d'assistance au Parlement, et qu'elle se félicitait à cet égard de la confiance que lui faisait le Sénat, et plus particulièrement la commission. Aux deux rapports présentés ce jour, s'ajouterait à la fin du mois de juin un troisième rapport, portant sur la situation et les perspectives des finances publiques, destiné à apporter de nouveaux éclairages sur l'ensemble des finances publiques à la veille du débat d'orientation budgétaire pour 2008.
Il rappelé que l'exercice 2007 correspondait seulement au deuxième compte général de l'Etat établi selon les nouvelles normes comptables. Il a estimé que les états financiers relatifs à l'année 2007 étaient plus riches que les précédents, et appelés à s'enrichir encore dans les années à venir. Il a jugé qu'en conséquence, il faudrait quelques années supplémentaires pour que les comparaisons d'un exercice à l'autre aient une réelle signification.
Il a indiqué qu'en comptabilité générale, c'est-à-dire dans un cadre qui prenait en compte l'ensemble des droits et des obligations de l'Etat, et non seulement ses encaissements et ses décaissements, le résultat de l'exercice 2007 s'établissait à - 41,4 milliards d'euros, contre - 31,6 milliards d'euros en 2006, soit une dégradation de près de 10 milliards d'euros. Cette dégradation aurait été encore plus importante si l'Etat n'avait pas enregistré un produit exceptionnel lié à l'opération de règlement de ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale, pour 5 milliards d'euros. Elle provenait d'une augmentation importante des charges de personnel et financières nettes de, respectivement, 5,3 milliards d'euros et 13 milliards d'euros. On observe une diminution de 4 milliards d'euros des produits de fonctionnement, due pour l'essentiel à la baisse des produits de cession de participation. Il a souligné que la hausse des charges de fonctionnement nettes des produits de même nature était de 6,5 %, ce qui contrastait avec l'apparente maîtrise des dépenses qui ressortait des données de comptabilité budgétaire. Pour ce qui était des produits régaliens, on constate aussi une baisse de l'impôt sur le revenu de 4 milliards d'euros.
S'agissant du bilan, également soumis à l'approbation du Parlement, l'actif s'établit fin 2007 à 555 milliards d'euros, soit une progression de 21 milliards d'euros, cette progression étant, pour une large part, liée aux immobilisations, comme les routes ou les constructions, qui ont été fortement réévaluées par rapport à 2006. Il a indiqué que le passif, pour sa part, avait davantage augmenté, passant de 1.127 milliards d'euros à 1.211 milliards d'euros, en raison, non seulement de l'alourdissement de la dette « financière », de plus de 51 milliards d'euros, mais aussi d'une hausse de 16 milliards d'euros des dettes non financières, et d'une hausse de près de 12 milliards d'euros des provisions pour risques et charges, dont une part importante risquait de se transformer en dette non financière. Il a ajouté qu'au total, la situation nette de l'Etat s'établissait fin 2007 à - 656 milliards d'euros, plus défavorable qu'en 2006 de 63 milliards d'euros.
Il a souligné que la Cour des comptes avait, concernant les comptes de l'Etat, quatre options possibles : se déclarer dans l'impossibilité de certifier, refuser de certifier, certifier avec réserves ou certifier sans réserve. Il a rappelé qu'elle avait certifié les comptes de 2006 avec 13 réserves substantielles. Il a estimé que ces réserves traduisaient, avant tout, le fait que « tout ne pouvait pas être parfait » dès le premier exercice, et qu'en conséquence, la Cour des comptes avait préféré accompagner la réforme, plutôt que d'en sanctionner l'inachèvement en refusant de certifier. Il a déclaré que la Cour des comptes avait raisonné de la même façon s'agissant des comptes de 2007.
A l'automne 2007, des « missions intermédiaires » se sont traduites par l'envoi à l'administration d'une quarantaine de rapports contenant plus de 500 recommandations et points d'attention. Puis, en mars et avril 2008, la Cour des comptes a mené, dans un laps de temps très resserré, des « missions finales », qui ont débouché sur 232 observations d'audit, dont un grand nombre ont été prises en compte par l'administration, d'où des ajustements et des reclassements de plusieurs milliards d'euros.
Il a déclaré que des progrès notables avaient été accomplis par l'administration en 2007, qui avaient conduit à la levée de 3 des 13 réserves substantielles formulées sur les comptes de 2006. Ces trois réserves substantielles concernaient la comptabilisation des contrats d'échange de taux d'intérêt pour la gestion de la dette de l'Etat, celle du réseau routier national -dont les enjeux financiers dépassaient les 110 milliards d'euros- et les comptes des pouvoirs publics, qui n'étaient pas intégrés dans le compte général de l'Etat. Sur ce dernier point, il a estimé que la commission n'était pas étrangère aux « progrès significatifs » enregistrés en la matière pour le Sénat, et s'est félicité de ce que la Présidence de la République se soit engagée à soumettre à la Cour des comptes, à partir de l'exercice 2008, l'examen de sa gestion et de ses comptes.
Il a indiqué que la Cour des comptes avait décidé de certifier les comptes de l'Etat de 2007 sous 12 réserves : 9 réserves substantielles, dont il a évoqué les deux premières, transversales et communes à l'ensemble des ministères (l'insuffisance des systèmes d'information financière et comptable de l'Etat, ainsi que du contrôle et de l'audit internes) ; et 3 réserves nouvelles, considérées comme non substantielles, portant sur les comptes de trésorerie, sur les provisions pour risques et sur diverses procédures d'inventaire.
Il a estimé que le travail fourni par les administrations et par la Cour des comptes contribuait à éclairer certaines décisions, soulignant, à titre d'exemple, que le ministère de la défense ne savait pas valoriser certains de ses actifs, comme le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, ou ses navires de surface. Des programmes en développement aussi importants que le futur avion de transport A 400 M, les frégates multi-missions, l'hélicoptère Tigre ou le missile nucléaire M 51 ne sont pas encore correctement valorisés dans les comptes, ce qui faisait l'objet de la troisième réserve.
Certaines des réserves formulées par la Cour des comptes touchent à des problèmes tels qu'il faudrait du temps avant de parvenir à les résoudre, en particulier les systèmes d'information. Par contre, d'autres insuffisances peuvent être réglées rapidement. En conséquence, « à l'avenir, si l'effort se relâchait, si les engagements n'étaient pas tenus, la Cour ne se sentirait pas prisonnière de sa position actuelle ».
a ensuite présenté le second rapport, portant sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2007.
Il a jugé qu'il était inutile d'entrer dans une vaine polémique pour déterminer quel était le « vrai » niveau de déficit budgétaire pour 2007, considérant ce débat inévitable en l'absence d'un référentiel budgétaire adéquat, que la Cour des comptes appelle de ses voeux. Il a souligné que le gouvernement avançait deux chiffres : 34,7 milliards d'euros en comptant les recettes exceptionnelles issues de la cession de titres EDF, et 38,4 milliards d'euros sans les intégrer. Il a relevé que le gouvernement mettait, par ailleurs, l'accent sur l'amélioration du solde en exécution fin 2007 par rapport au solde prévu par la loi de finances initiale pour 2007.
Il a considéré que cette présentation n'était pas suffisante, estimant que si l'on voulait approcher au plus près de la réalité, on devait comparer le déficit en exécution fin 2007 avec le déficit en exécution fin 2006, c'est-à-dire 34,7 milliards d'euros pour 2007 et 39 milliards d'euros pour 2006. Il a jugé que cette amélioration apparente, de 4,3 milliards d'euros, devait être interprétée avec prudence. En comptabilité générale, le déficit était passé de 31,6 milliards d'euros en 2006 à 41,4 milliards d'euros en 2007, soit une dégradation de 9,8 milliards d'euros, de sorte que « l'amélioration de la situation budgétaire » n'était qu'« apparente ».
Il a indiqué que le gouvernement a eu recours à un certain nombre d'opérations pour « enjoliver » le résultat budgétaire, comme le financement par le Crédit foncier des primes dues aux banques lors de la clôture des plans d'épargne, soit près de 600 millions d'euros. Il a critiqué les modalités de prise en compte, en comptabilité budgétaire, du montage financier auquel l'Etat avait eu recours pour régler une partie de ses dettes envers la sécurité sociale. Cette opération, entièrement réalisée en comptabilité générale, aurait dû figurer en comptabilité budgétaire, et donc accroître le déficit. Il a craint que cette opération ne demeure pas exceptionnelle, le déficit ainsi apuré étant déjà en voie de reconstitution, ce qui serait de nature à aggraver « l'effritement de la signification et de la portée de l'acte budgétaire ». Il a déploré les reports de charges sur 2008, indiquant que la dette non financière de l'Etat exigible à la fin de 2007 s'élevait à 7,5 milliards d'euros. Il a souligné que le déficit budgétaire avait également été limité par la mobilisation de recettes exceptionnelles, bien au-delà des évaluations de la loi de finances initiale, comme la cession de titres EDF, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, destinés en principe au financement des universités. De même des recettes non fiscales supplémentaires ont été mobilisées pour « boucler » le budget, alors même que la progression spontanée des recettes fiscales était satisfaisante.
Tout cela montre bien les limites de la signification du seul solde budgétaire dans la mesure où « en réalité les principaux équilibres [se sont] dégradés ».
Si la norme d'augmentation des dépenses, fixée pour 2007 à 0,8 % en euros courants, avait bien été respectée, c'était en grande partie grâce aux opérations traitées de façon extrabudgétaire et aux reports de charges sur 2008. Il a déploré le caractère partiel de cette norme, qui ne couvre que la moitié des dépenses de l'Etat. La Cour des comptes recommande depuis plusieurs années que ce périmètre soit élargi à certains prélèvements sur recettes, à des dépenses financées par des ressources affectées, aux remboursements et dégrèvements d'impôts quand ils sont assimilables à des dépenses, et aux dépenses effectuées sur certains comptes spéciaux. Si certaines de ces demandes ont été prises en compte en 2008, il conviendrait de poursuivre pour 2009 ce « mouvement vertueux » d'élargissement de la norme.
L'absence de norme d'évolution des dépenses fiscales explique, en partie, les difficultés budgétaires de l'Etat, dépenses qui doivent relever des seules lois de finances ou lois de financement de la Sécurité sociale. A défaut, il faudrait limiter leur durée de vie, ce qui obligerait à un vote pour leur reconduction éventuelle. Il a jugé que toute dépense fiscale nouvelle devait donner lieu à évaluation.
Si le plafond global d'emplois est en réduction en loi de finances initiale de près de 68.000 équivalents temps pleins travaillés (ETPT), cela représentait moins de 3 % des 2 millions d'ETPT, et, pour l'essentiel, résulte de transferts d'emplois aux collectivités territoriales. De même, si la loi de finances initiale pour 2008 prévoit une nouvelle réduction de plus de 80.000 ETPT, les deux tiers résultent également de transferts vers les collectivités territoriales.
La situation des recettes est également problématique, avec une légère diminution des recettes fiscales nettes (- 0,5 %), pour la deuxième année consécutive, alors que ces recettes stagnaient depuis 2004, situation inédite dans l'histoire récente de nos finances publiques. Ce phénomène vient du fait que, si en 2007 la croissance avait suscité 16,4 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2006, ceux-ci ont été intégralement annulés par des baisses d'impôts, décidées par le précédent gouvernement.
Il a considéré qu'en conséquence, on se trouvait face à un « effet de ciseaux », avec des recettes fiscales nettes qui stagnaient et des dépenses, au sens large, qui restaient dynamiques.
Il a déploré la sous-budgétisation de certains postes, qui a suscité l'ouverture en cours d'année par décrets d'avance de nouveaux crédits, souvent dans des conditions peu respectueuses des règles budgétaires, ainsi que des reports de charges sur l'exercice suivant. Il a regretté que l'une des innovations de la LOLF, l'établissement du budget en autorisations d'engagement qui doivent donner une vision pluriannuelle, et en crédits de paiement valables pour l'année, soit restée lettre morte, des engagements étant pris sans que des autorisations d'engagement n'aient été ouvertes.
Il a déclaré que la notion de budget paraissait « dangereusement s'effriter », la disparition des chapitres et articles et leur remplacement par les missions et programmes s'étant accompagnés d'une dégradation de l'information budgétaire, là où la LOLF souhaitait plus de transparence. Il est donc nécessaire de mettre rapidement à niveau les systèmes d'information pour bénéficier de tous les avantages de la nouvelle nomenclature, sans perdre la précision et la fiabilité de l'information nécessaire au suivi de la loi de finances.
En ce qui concerne la performance, il a indiqué que la Cour des comptes avait examiné les 34 missions du budget général, ainsi que les budgets annexes et les principaux comptes spéciaux, et conduit une analyse plus approfondie de 14 programmes. Il a considéré que le nombre de programmes, 132, était trop élevé, de nombreux gestionnaires ne disposant pas d'une « masse critique » suffisante pour faire jouer les mécanismes de « fongibilité » des crédits. Des progrès substantiels concernant la comptabilité d'analyse des coûts, très lacunaire, et en matière de contrôle de gestion et de mesure de la performance doivent être accomplis. Les indicateurs sont manifestement trop nombreux, renseignés de façon partielle et souvent non sécurisée ; globalement, la lecture des indicateurs ne permet pas de dégager une appréciation sur l'amélioration des performances des administrations. De même, les délais de fabrication des rapports annuels de performances sont trop longs pour leur permettre leur utilisation dans le dialogue budgétaire avec le ministère du budget.
L'Etat est encore largement dans la phase de mise en place des outils et des méthodes, et de nombreuses potentialités de la LOLF n'ont pas encore pris corps. Si l'effort fourni a été considérable, il ne doit surtout pas être relâché, sous peine d'en perdre tout le bénéfice.