Les difficultés sont identiques partout, avec seulement quelques nuances. Le désastre du Vioxx est simplement apparu comme davantage américain. Il s'agit en effet d'un médicament américain, tandis que les seules statistiques sérieuses disponibles sur les victimes ont été américaines. En France, nous n'avons presque rien su. Il n'en demeure pas moins que les ingrédients sont identiques. L'ensemble des dysfonctionnements mis à jour après le scandale du Vioxx, y compris dans le cadre de la mission d'enquête sénatoriale, sont ainsi toujours à l'oeuvre. Aucune des préconisations de l'époque n'a effectivement été mise en oeuvre. Les conditions n'ont pas changé. Si rien ne change à présent, nous subirons d'autres désastres de grande ampleur. Il s'agit d'une évidence.
Si nous considérons la liste, qui est déjà connue, nous pouvons constater que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) est accordée selon un dossier monté par la firme elle-même. La firme pharmaceutique est par conséquent placée dans un conflit d'intérêts massif puisque les pouvoirs publics lui demandent d'évaluer elle-même le médicament dont elle sollicite l'autorisation de mise sur le marché pour gagner de l'argent. Il conviendrait en réalité que la recherche sur le médicament, en particulier la recherche clinique, ne soit plus financée majoritairement par l'industrie pharmaceutique. Ensuite, en ce qui concerne les critères d'obtention de l'AMM, aussi longtemps que des preuves de progrès thérapeutique apportées par le nouveau médicament par rapport aux moyens déjà à disposition ne sont pas exigées, nous serons confrontés à des médicaments qui font courir des risques injustifiés aux patients. Dans le système actuel, une firme peut en effet obtenir une autorisation de mise sur le marché pour un médicament qui n'apporte aucun progrès par rapport à l'existant. Parallèlement, il existe un nombre suffisant de moyens de communication pour convaincre un grand nombre de prescripteurs de prescrire le médicament. L'affaire est donc rentable sans dégager le moindre progrès. Bien entendu, eu égard aux incertitudes qui entourent les effets indésirables dans le dossier d'AMM (qui ne porte que sur quelques centaines de patients), dès lors que le médicament est largement distribué dans la population, de nouveaux effets indésirables sont découverts, parfois extrêmement graves.
Le système actuel d'AMM, en France et ailleurs, est en définitive trop perméable à des médicaments qui n'apportent aucun progrès voire qui représentent une régression thérapeutique. Malgré tout, les firmes pharmaceutiques disposent d'un nombre suffisant de moyens de promotion pour gagner de l'argent avec de tels médicaments. Le système perdure ; la population reste ainsi exposée à un trop grand nombre de médicaments plus dangereux qu'utiles.