Intervention de Bruno Toussaint

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 17 février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Toussaint directeur de la revue « prescrire »

Bruno Toussaint :

La question de l'intérêt d'un médicament et de sa mise sur le marché se pose toujours dans une situation précise. L'aspirine, en sa qualité d'antiagrégant plaquettaire, à petites doses pour limiter le risque de thrombose, artérielle en particulier après un infarctus du myocarde, représente un médicament extrêmement utile. En revanche, à titre de médicament contre la fièvre ou contre les douleurs, l'aspirine est dépassée. Il n'existe en l'occurrence aucune raison d'utiliser l'aspirine aujourd'hui dans ce domaine.

S'agissant de votre question précédente, nous avons effectivement publié deux textes, en 1997, d'analyse approfondie de la balance bénéfice-risque concernant le Mediator. Nous avons constaté l'absence de preuve de l'efficacité tangible du médicament. Dans la catégorie des bénéfices, aucun élément probant ne venait ainsi s'inscrire autre qu'un effet placebo. A l'inverse, en matière de risques, le Mediator étant un coupe-faim, il nous est apparu que les effets indésirables liés à ce type de produit ne tarderaient pas à se faire jour, même si, à l'époque, nous n'avons trouvé qu'un faible nombre de données dans le domaine. Nous avons écrit par conséquent qu'il n'existait aucune raison de se servir de ce médicament et qu'il y avait lieu de revoir sa présence sur le marché et sa prise en charge par l'assurance maladie. A notre avis, à l'évidence, en 1997, le médicament aurait dû ainsi être retiré du marché. L'administration belge avait même étudié le dossier en 1977 pour parvenir à des conclusions identiques.

Il existe sans aucun doute des situations analogues pour d'autres médicaments. Chaque année, quelques nouveaux médicaments nous apparaissent ainsi plus dangereux qu'utiles. Ils n'apportent pas des progrès mais des régressions thérapeutiques. Nous n'en tenons pas cependant une liste précise. Nous apportons simplement l'information sur le sujet au fil des mois et des années aux professionnels de santé. Il leur appartient ensuite d'utiliser les informations concernées pour adapter leurs décisions en les partageant avec les patients. L'aspect désastreux de la liste des soixante-dix-sept médicaments dont nous parlions précédemment réside dans le fait qu'elle ne présente aucune piste pour permettre une réflexion avec le patient. Quoi qu'il en soit, depuis 2005, la liste des médicaments qui n'apportent aucun progrès thérapeutique est passée de quelques unités à une quinzaine chaque année. A l'inverse, les sorties du marché pour effets indésirables sont au nombre de trois ou quatre chaque année. Il en entre ainsi davantage qu'il n'en sort sur le marché. Je ne peux néanmoins pas dresser une liste nominative précise. J'indique simplement qu'un certain nombre d'aspects doivent être modifiés dans les conditions d'autorisation de mise sur le marché et de surveillance des médicaments sous peine de voir le cas du Mediator se renouveler en France et partout dans le monde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion