Intervention de Christian Cointat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 décembre 2007 : 1ère réunion
Arctique antarctique et terres australes — Communication

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

Puis la commission a entendu une communication de M. Christian Cointat sur les auditions du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, consacrées à la présence française en Arctique, en Antarctique et dans les Terres australes et au développement de la recherche scientifique.

a rappelé que le groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, dont il assumait la présidence, avait procédé, le 25 septembre 2007, à une série d'auditions visant à dresser un bilan de la présence française dans les régions polaires et subantarctique. Soulignant que l'année polaire internationale 2007-2008 avait été ouverte au Sénat le 1er mars 2007, il a indiqué que le groupe d'études, rattaché à la commission des lois, avait d'abord entendu M. Eric Pilloton, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), puis des représentants de l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) et des chercheurs, afin d'étudier le développement de la recherche scientifique.

Relevant que la quatrième édition de l'année polaire internationale intervenait au moment où l'homme, prenant conscience de l'impact de son activité sur la planète, s'inquiétait pour sa sauvegarde, il a précisé que les régions polaires et subantarctiques présentaient un intérêt indéniable pour l'étude du climat, des séismes et de la biodiversité. Il a expliqué que l'IPEV était un groupement d'intérêt public réunissant notamment le ministère de la recherche, le ministère des affaires étrangères, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les TAAF, afin d'apporter aux programmes scientifiques dans les régions polaires un appui juridique, technique, logistique et financier.

Considérant que les TAAF représentaient un atout exceptionnel pour la France, il a indiqué que cette collectivité sui generis était dotée d'un statut défini par la loi du 6 août 1955 et comportait cinq districts :

- les Kerguelen ;

- Crozet ;

- Saint-Paul-et-Amsterdam ;

- la Terre Adélie, correspondant à la zone attribuée à la France en Antarctique, la France étant l'un des sept Etats possessionnés par le traité sur l'Antarctique conclu à Washington le 1er décembre 1959 ;

- les îles Eparses (Glorieuse, Europa, Bassas da India, Juan de Nova et Tromelin), intégrées à la collectivité des TAAF par la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Précisant que la préfecture des TAAF était établie à Saint-Pierre de la Réunion, M. Christian Cointat, rapporteur, a expliqué que le préfet, administrateur supérieur, chef du territoire, était représenté par un chef de district assumant notamment les fonctions d'officier de police judiciaire et d'officier d'état-civil aux Kerguelen, à Crozet, à Saint-Paul-et-Amsterdam et en Terre Adélie. Soulignant qu'en l'absence de résidents permanents, les TAAF n'étaient représentées par aucun élu, il a rappelé que l'administrateur supérieur était assisté d'un conseil consultatif et que la collectivité disposait de la personnalité morale, ce qui lui permettait de disposer d'un budget et de ressources propres. Il a indiqué que la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-mer avait actualisé la loi du 6 août 1955 portant statut des TAAF et de l'île de Clipperton et réaffirmé l'application, dans le territoire, du principe de spécialité législative, sauf dans les matières régaliennes.

Estimant que les régions australes et antarctiques offraient des conditions uniques d'observation de notre planète et de la biodiversité, il a insisté sur le rôle des TAAF dans le soutien aux projets scientifiques. Il a rappelé que les programmes de recherche, généralement coordonnés par l'IPEV, s'appuyaient sur le navire des TAAF, le Marion Dufresne, desservant les îles australes, ainsi que sur l'Astrolabe, chargé de relier la base Dumont d'Urville en Terre Adélie et Hobart en Tasmanie. Se félicitant de la coopération efficace établie par les TAAF et l'IPEV pour le développement des travaux de recherche scientifique, il a précisé que ces projets portaient en particulier sur la sismologie, l'histoire du climat, l'étude de la stratosphère et de la couche d'ozone, le cycle atmosphérique du soufre et les sciences de la vie.

Rappelant que la surface de la zone économique exclusive entourant les TAAF atteignait 1.750.000 km2 sans les îles Eparses, et 2.240.000 km² avec ces dernières, M. Christian Cointat, rapporteur, a salué l'efficacité de la lutte contre la pêche illicite qui avait permis, en collaboration avec l'Australie et l'Afrique du Sud, de préserver les ressources halieutiques.

Il a expliqué que M. Gérard Jugie, directeur de l'IPEV, et les personnalités scientifiques du CNRS, du Muséum national d'histoire naturelle et de Météo France, entendues par le groupe d'études, avaient unanimement souligné la nécessité de maintenir l'effort de la France en faveur de la recherche dans les régions polaires et subantarctiques. Il a précisé que ces recherches portaient en particulier sur l'exceptionnelle biodiversité de ces régions, les TAAF constituant l'un des derniers et des plus spectaculaires sanctuaires de la nature sur notre planète. Il a déclaré que selon M. Guy Duhamel, professeur en ichtyologie au Muséum national d'histoire naturelle, l'Océan austral constituait la source de protéines du XXIème siècle, alors que les jachères présentes en Europe ne permettraient pas de nourrir indéfiniment la population.

Relevant que les recherches conduites dans ces régions avaient de nombreuses applications pratiques, il a expliqué que les recherches conduites sur les populations de manchots dans les îles australes avaient permis d'identifier chez ces animaux la production d'une protéine permettant de conserver la nourriture intacte pendant plusieurs semaines, cette bactérie étant aujourd'hui synthétisée pour être utilisée dans la lutte contre les maladies nosocomiales. Expliquant que les recherches en matière de biodiversité avaient également permis la découverte chez l'ours blanc de la production de bactéries lui permettant de jeûner en ne consommant que ses réserves de lipides et non ses protéines, il a précisé que cette découverte devrait permettre à l'avenir d'améliorer le traitement de l'obésité.

Il a en outre souligné que l'évolution du climat et ses conséquences étaient beaucoup plus sensibles dans les régions australes et polaires, précisant qu'une augmentation de température d'1,3 degré aux Kerguelen depuis les années 1960 avait permis l'installation d'une mouche entrée en concurrence avec les mouches autochtones et mettant en péril la biodiversité. Estimant qu'une augmentation de température minime pouvait produire des effets considérables, il a relevé qu'en Terre Adélie, les chercheurs avaient observé qu'une hausse de 0,3 degré entraînait un surcroît de mortalité de 10 % chez les manchots.

a par ailleurs indiqué que les conditions d'hivernage extrêmes pour l'homme dans les régions polaires et subantarctique permettaient de conduire des études préparatoires aux vols spatiaux de longue durée et que les recherches climatologiques avaient conduit à la découverte dans les carottes de glace d'une pollution remontant à l'époque romaine et due à l'utilisation du plomb.

Il a indiqué que les scientifiques entendus par le groupe d'études avaient insisté sur la nécessité pour la France de participer à des programmes internationaux de recherche sur le modèle du projet européen de forage des glaces à Dôme C, en Antarctique (European Project for Ice Coring in Antarctica, EPICA) et d'être davantage présente dans les projets de recherche en Arctique. Il a expliqué qu'une coopération entre les organismes intervenant dans les régions polaires et subantarctique était indispensable au développement de travaux de recherche susceptibles de bénéficier à l'ensemble de l'humanité.

Rappelant que la suppression de l'immatriculation des navires de commerce au registre des TAAF (pavillon des Kerguelen), prévue par la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français (RIF), entraînerait une perte de 940.000 euros pour le budget des TAAF à compter de 2008, soit 10 % de leurs ressources propres, il a estimé qu'une compensation devait être organisée afin de préserver l'exercice des missions de la collectivité. Il a précisé que M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, avait évoqué à cet égard l'attribution aux TAAF d'une partie des recettes issues des taxes sur les produits des jeux de casino installés à bord des navires immatriculés au RIF.

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