a indiqué que le rapport élaboré en commun avec M. Bernard Cazeau sur la dette sociale est le premier de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Il se situe dans le prolongement du rapport Pébereau qui a mis en exergue l'ampleur et la situation préoccupante de l'endettement public global de la France, lequel a atteint 1.100 milliards d'euros à la fin de 2005.
Deux constats préalables peuvent être faits : d'une part, la multiplicité des facettes de la dette sociale qui en rend la consolidation extrêmement délicate, d'autre part, la profonde méconnaissance de plusieurs de ses composantes, alors même qu'elles peuvent se chiffrer en milliards d'euros.
a proposé d'adopter une présentation de la dette sociale de la France en quatre parties : la dette « identifiée », portée par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ; la dette « reniée », correspondant au déficit cumulé du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa) ; la dette « cachée », c'est-à-dire les créances des organismes de sécurité sociale sur l'Etat ainsi que, de façon plus marginale mais non négligeable, les reports de charges des hôpitaux publics ; enfin, la dette « virtuelle », liée aux perspectives d'évolution des différentes branches à l'horizon 2009, terme fixé pour le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
Développant le chapitre de la dette identifiée, M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que la dette reprise par la Cades s'élèvera, à la fin de 2006, à près de 110 milliards d'euros, dont plus de 77 milliards resteront à amortir. Il a rappelé les termes de la loi organique du 2 août 2005, relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui prohibe tout nouveau transfert de dettes à la Cades en l'absence de transfert de ressources correspondantes permettant de ne pas rallonger la durée d'amortissement.
Dans sa décision du 29 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a explicitement souligné le caractère organique de cette mesure, donnant une légitimité particulière au souci du législateur de ne plus reporter les charges de la solidarité sociale sur les générations futures.
Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a insisté sur la qualité de la gestion de la Cades. Evoquant le récent rapport de la commission des finances présenté par M. Paul Girod, ainsi que les termes de l'article 73 de la loi de finances pour 2006, adopté à l'initiative de la commission des finances du Sénat, autorisant le ministre des finances à emprunter pour le compte de la Caisse, il a estimé qu'il serait, à son avis, contre-productif de dissoudre la dette de la Cades au sein de la dette de l'Etat. De réels obstacles juridiques s'opposent à une consolidation des deux dettes, notamment du fait de l'inscription de la Cades dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En outre, l'addition des dettes de la sécurité sociale et de l'Etat pourrait entraîner un relèvement du coût de la ressource empruntée par l'agence France Trésor, équivalent au léger surcoût acquitté aujourd'hui par la Cades, ce qui annulerait de facto le gain attendu de ce rapprochement.
a insisté sur la nécessité d'interdire, à l'avenir, la réouverture de la « boîte » Cades, solution de facilité consistant à reporter sur les générations futures les charges actuellement non financées.
Puis il a exposé les déficits cumulés du FSV et du Ffipsa, composant la dette « reniée » par les pouvoirs publics : au 31 décembre 2005, le premier a atteint 3,7 milliards d'euros et le second 4,6 milliards d'euros, soit au total environ 8,3 milliards d'euros. Or, en droit, l'Etat doit assurer l'équilibre budgétaire de ces deux fonds.
Pour l'avenir, les projections laissent apparaître une progression des déficits, la dette du FSV atteignant 8,2 milliards d'euros fin 2009, soit un montant supérieur à la moitié des recettes prévues pour le fonds à cette date. Cette situation déficitaire a des conséquences dommageables pour la branche vieillesse qui en supporte un coût en trésorerie estimé à 150 millions d'euros pour 2006. Elle a également des effets négatifs sur l'évolution du fonds de réserve des retraites (FRR) qui aurait dû être en principe alimenté par les excédents du FSV.
Or, en estimant que la loi lui crée pour seule obligation une information du Parlement sur l'évolution des soldes, le Gouvernement détourne l'esprit de la loi qui fait obligation à l'Etat d'équilibrer les comptes du FSV. Cette interprétation laxiste a été dénoncée tant par la commission que par la Cour des comptes dont le Premier président, M. Philippe Seguin, avait clairement laissé entendre, à l'occasion de sa venue en novembre 2005, qu'elle pourrait en tirer les conséquences en allant jusqu'à refuser de certifier les comptes du FSV.
Décrivant ensuite la situation du Ffipsa, M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que le bilan d'ouverture de ce fonds a fait apparaître d'emblée un déficit de 3,2 milliards d'euros au 1er janvier 2005. Une partie de cette dette, soit 2,5 milliards d'euros, a été reprise par l'Etat au début de 2006. Il n'en demeure pas moins que subsiste une dette de 700 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les déficits des exercices 2005 et 2006, soit 3,2 milliards d'euros.
Jusqu'en 2009, les déficits vont continuer à s'accumuler et le solde cumulé négatif du Ffipsa pourrait ainsi atteindre 9,4 milliards d'euros si l'Etat persiste dans son refus d'en assurer l'équilibre en dépit de l'obligation qui lui en a été faite par le législateur.
Le Gouvernement, à qui la commission avait dénoncé cette situation lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, a répondu par la création d'un groupe de travail sur la compensation. Bien que très imparfaite, cette réponse constituait déjà un premier pas. Il semble toutefois que les travaux, auxquels participent MM. Dominique Leclerc et Claude Domeizel, doivent prochainement conclure au statu quo. Le problème du Ffipsa reste donc entier.
a ensuite développé les éléments relatifs à la « dette cachée », et en premier lieu les créances des organismes sociaux sur l'Etat. L'article 17 de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a instauré l'obligation pour le Gouvernement de communiquer au Parlement la situation semestrielle des sommes restant dues par l'Etat aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Le premier état semestriel, qui vient d'être transmis au Parlement, fait ressortir qu'au 31 décembre 2005 l'Etat devait 6,1 milliards d'euros aux organismes de sécurité sociale. Toutefois, après prise en compte d'opérations intervenues dans le courant du mois de janvier 2006, venant en partie apurer ses dettes, sa situation nette s'établit à 4,4 milliards d'euros, ce qui reste une somme assez considérable par rapport aux masses en jeu.
Les charges financières afférentes aux dettes de l'Etat sont estimées en outre à près de 150 millions d'euros pour 2006.
En définitive, l'Etat mauvais payeur s'affiche comme relativement vertueux en matière budgétaire, mais au détriment de la sécurité sociale qui est ainsi conduite à financer la politique de l'emploi en offrant une confortable variable d'ajustement budgétaire.
A la « dette cachée » de l'Etat, M. Alain Vasselle, rapporteur, a ajouté les reports de charges des hôpitaux publics qui étaient évalués à plus de 500 millions d'euros à la fin de 2004, tant par le conseil de l'hospitalisation que par la Fédération hospitalière de France. La Mecss s'attachera d'ailleurs à approfondir ses investigations sur le sujet lorsque la Cour des comptes aura présenté l'étude précédemment demandée par la commission sur le contrôle de gestion dans les hôpitaux publics.
a indiqué qu'il convient d'ajouter aux montants déjà évoqués, une « dette sociale virtuelle » correspondant aux déficits cumulés du régime général prévisibles sur la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009. Ce déficit atteindrait presque 19 milliards d'euros en l'absence de reprise totale ou partielle par l'Etat ou la Cades. Ce chiffre, préoccupant, montre la nécessité de nouvelles mesures de redressement.
En conclusion de ce tableau, l'addition des quatre composantes de la dette sociale donne pour résultat 105 milliards d'euros environ au 31 décembre 2009, en augmentation de 20 à 25 % par rapport à la fin du dernier exercice connu, soit 2005. Il était urgent que le montant de la dette sociale soit mieux connu afin de susciter un débat au fond et d'engager une réflexion à la fois sur les moyens d'y faire face et sur la meilleure manière d'éviter qu'une nouvelle dette sociale n'apparaisse dans notre pays.