Intervention de Dominique Hoestlandt

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 décembre 2010 : 1ère réunion
Archéologie préventive — Audition de M. Jean Chapelot directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique cnrs de M. Dominique Hoestland administrateur de l'institut national de recherches archéologiques préventives inrap et ancien président de l'union nationale des industries de carrières et matériaux de construction unicem de M. Bertrand deSmarest dirigeant de la carrière desmarest et de Mme Maud Tarnot chargée des relations institutionnelles auprès de la direction générale de l'unicem

Dominique Hoestlandt, administrateur de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) :

M. Desmarest, qui m'accompagne, gère une petite carrière et il est également agriculteur. Les industries extractives, regroupées dans l'UNICEM, produisent pour 90 % des granulats, à côté de gypse, de craie ou de roches ornementales. Ces matériaux sont pour 85 % extraits de sablières alluvionnaires, où l'on ne creuse guère au-delà de 5 mètres, contre 100 mètres pour les carrières éruptives, déséquilibre qui nécessite la consommation de 1 000 à 1 500 hectares par an.

La profession se soucie des coûts et des délais occasionnés par l'archéologie préventive. Le législateur a encadré les délais dès 2003, des décrets sont intervenus en 2004 puis en 2007, la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés a encore précisé les modalités pratiques de l'archéologie préventive : les professionnels rendent hommage à l'activité du législateur. Cependant, des difficultés demeurent, occasionnant des délais coûteux, qui peuvent durer plusieurs années.

La loi dispose, par exemple, que les délais du diagnostic sont définis par la convention entre l'opérateur et l'aménageur, mais dans les faits, la négociation est déséquilibrée puisque l'opérateur a le monopole du diagnostic : il peut être tenté de retarder la signature, qui fait courir les délais, et menacer ainsi de retarder le chantier. Faut-il pour autant changer la loi ? Pas nécessairement, mais les professionnels souhaitent qu'un code de bonne conduite précise les conditions dans lesquelles les délais sont fixés par la convention, pour éviter toute dérive et ne pas dépasser deux ans. Les délais entre l'arrêté d'autorisation de la carrière et le feu vert accordé par le préfet peuvent atteindre trois ans, ce n'est pas raisonnable.

Ensuite, les délais - jusqu'à quatre ans - peuvent tenir aux décalages entre le phasage des fouilles fixé par le premier arrêté et leur déroulement dans la réalité. Il faut alors un arrêté préfectoral rectificatif, ce qui peut entraîner jusqu'à 18 mois de retard supplémentaire.

J'ai fait part de ces difficultés à la mission de l'Inspection générale des finances (IGF). Les carriers payent la redevance sur l'archéologie préventive (RAP), jusqu'à 5 000 euros par hectare de terrain réservé à la carrière, mais ils n'ont aucun service en retour. Pire, les retards peuvent occasionner des dépenses supplémentaires de plusieurs centaines de milliers d'euros, qui ne sont pas sans incidence sur l'économie même de l'exploitation. Les fouilles, qui représentent environ le dixième des surfaces exploitées, coûtent en moyenne 200 000 euros l'hectare, mais ce coût peut facilement s'élever à 500 000 euros l'hectare pour les opérations plus complexes. Le prix du granulat en est augmenté de 1,6 euro par tonne, c'est loin d'être négligeable pour un prix de vente de 8 euros la tonne, au point de faire renoncer à des exploitations.

En théorie, le Fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP) devrait subventionner les fouilles, mais en pratique, il n'en a pas la trésorerie puisque celle-ci sert à l'INRAP. Ce manque de trésorerie bloque actuellement 110 chantiers et les carriers en sont à se demander à qui profite leur redevance, ils paient 6 à 7 millions de RAP, 2 millions doivent revenir au FNAP, mais celui-ci n'a aucun argent : où va donc l'argent ?

Une solution pour ne pas grever davantage les finances publiques consisterait à ouvrir davantage le secteur aux opérateurs privés. Actuellement, sur les 88 opérateurs agréés, 20 sont privés. Existe-t-il une sorte de numerus clausus officieux, qui ferait écarter les opérateurs privés ? On invoque, contre le secteur privé, le risque d'un manque de qualification professionnelle et celui d'une collusion d'intérêts. Mais les archéologues embauchés par le privé sont tout aussi compétents que leurs confrères du public, puisque tous sont maîtres de conférence, ou bien c'est à ne plus rien y comprendre. Quant au risque de collusion, il existe bien des manières de s'en prémunir. Il faudra pourtant sortir de cette situation, qui ressemble à celle de l'entrée dans la vie active, où les employeurs demandent des débutants mais qui aient aussi cinq années d'expérience... Le dispositif d'agrément est en question.

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