Intervention de Jean-Paul Delevoye

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 avril 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Paul deleVoye médiateur de la république

Jean-Paul Delevoye :

a ensuite indiqué que trois difficultés ressortaient des dossiers reçus tant par le Médiateur de la République que par les délégués.

Il a tout d'abord mentionné l'abus de droit régulièrement dénoncé par les réclamants. A cet égard, il a souligné que le système de traitement des amendes en matière routière, qui restreint le droit d'exercice des recours devant le juge, devait être amélioré afin d'être plus conforme aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Il a d'ailleurs rappelé que ce dispositif avait valu à la France d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme à deux reprises pour avoir ainsi refusé l'accès au juge.

Il a également signalé des abus de droit liés à l'insuffisance des garanties entourant la consultation des fichiers STIC et JUDEX, du fait notamment de l'absence de mise à jour de ces fichiers. Il a appelé à une meilleure articulation entre les pouvoirs de l'administration et ceux de la police, par exemple en matière d'urbanisme, et souligné la nécessité de lutter contre les trop nombreuses fraudes aux politiques sociales, notamment s'agissant des allocations chômage. A cet égard, il a souhaité que les administrations utilisent des logiciels informatiques compatibles pour recouper les données mises à leur disposition, afin de mieux détecter les reconnaissances de paternité abusives.

a ensuite relevé que la rupture des droits constituait un autre sujet de préoccupation particulièrement mis en avant par les citoyens. La défense des droits des consommateurs devant le juge mérite d'être améliorée, a-t-il expliqué, dans la mesure où le consommateur se trouve souvent en situation de faiblesse à la fois économique et juridique face à un professionnel (société de crédit par exemple). Il a rappelé que la Cour de cassation, dans un arrêt de 1995, avait interdit au juge de soulever d'office un moyen de droit tiré de la violation d'une disposition issue du droit de la consommation. Il a estimé que cette jurisprudence n'était pas conforme à la position de la Cour de justice des Communautés européennes en matière d'application de directives communautaires sur les clauses abusives.

a jugé indispensable de réfléchir à la mise en place d'un recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale et de rechercher les moyens de remédier à la non-exécution des décisions de justice. Il a également souligné la nécessité de fiabiliser les expertises judicaires et de mettre un terme aux conflits entre les caisses primaires d'assurance maladie et les départements pour la prise en charge du transport de certaines personnes handicapées.

Enfin, il a signalé que les réclamations adressées au médiateur faisaient apparaître des conflits entre des droits contradictoires, évoquant l'articulation difficile entre le droit à l'enfant et les droits de l'enfant, le droit des épouses victimes de violences et l'exercice de l'autorité parentale par le père. Il a par ailleurs considéré que la difficile conciliation entre le droit national et le droit communautaire contribuait à nourrir un sentiment anti-européen.

Le Médiateur de la République s'est félicité de la reprise par le législateur de nombre de ses propositions de réforme, se réjouissant en particulier du renforcement de l'arsenal juridique de lutte contre les mariages forcés. Il a néanmoins estimé nécessaire de poursuivre certaines réflexions engagées depuis plusieurs années, mais qui demeurent en attente de concrétisation, en particulier s'agissant de la protection des personnes vulnérables. Il a, à cet égard, évoqué la nécessaire réforme des tutelles et des curatelles, après avoir dénoncé les nombreux dysfonctionnements du dispositif (tutelles et curatelles abusives, lenteurs, négligences, opacité, détournements de fonds et abus divers).

Il a également appelé de ses voeux une réforme pour corriger l'impact négatif du traitement du surendettement des particuliers, mettant en avant le besoin d'un rééquilibrage des responsabilités du créancier et du débiteur. M. Jean-Paul Delevoye a dénoncé l'inertie des pouvoirs publics en ce qui concerne les allocations de logement, dont il a rappelé qu'en vertu d'un décret, elles n'étaient pas versées lorsqu'elles étaient d'un montant inférieur à 24 euros. Il a jugé indispensable d'établir le principe selon lequel une aide doit être accordée au premier euro dès lors que son bénéficiaire remplit les conditions légales nécessaires à son obtention.

a souhaité en outre une amélioration du régime juridique des enfants nés sans vie et une adaptation des conditions d'octroi des prestations familiales aux deux parents en cas de garde alternée. Enfin, le médiateur a souhaité que le législateur prenne toute la mesure du drame de l'amiante et assure la protection sociale de tous les travailleurs victimes.

Il a conclu en signalant une série de thèmes sur lesquels la réflexion était en cours, citant en matière de logement la clarification des rapports entre les propriétaires et les locataires, le débat sur la « class-action », la retraite anticipée des travailleurs handicapés, l'amélioration des droits de la défense notamment sous l'angle du problème des interprètes réquisitionnés, la réforme des prestations compensatoires ou encore la retraite des mères adoptantes. Il a enfin souligné que l'application de la LOLF aux administrations devrait être affinée, afin de permettre à une administration réalisant des efforts pour rationaliser son activité de bénéficier directement des économies ainsi réalisées.

s'est déclaré disposé à recevoir les parlementaires dont les travaux pourraient concerner des dossiers traités par le Médiateur de la République, afin de leur faire part de son expérience et de son analyse. A cet égard, il a indiqué que les membres de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'amiante avaient été reçus à la médiature.

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