Intervention de René Ricol

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 12 janvier 2011 : 1ère réunion
Audition de M. René Ricol commissaire général à l'investissement

René Ricol, commissaire général à l'investissement :

Notre pays traverse une crise et, comme tous les pays de la zone euro, subit des attaques financières. Interrogé par votre commission lorsque j'étais médiateur du crédit, je vous avais indiqué que la crise à mes yeux était loin d'être terminée et qu'il faudrait de longues années avant de parvenir à mettre au pas les spéculateurs.

La médiation du crédit a sauvé 220 000 emplois et ceux-ci ont aujourd'hui la même sinistralité que la moyenne des autres emplois dans notre pays. La médiation du crédit est périodiquement objet de débats, mais j'en suis un fervent défenseur pour cette raison. Elle ne consiste pas seulement à pousser les banques à accorder du crédit, mais à pousser les entreprises à améliorer leur gestion, éventuellement à changer de dirigeant, etc.

J'en viens au commissariat général à l'investissement (CGI). L'ouverture des crédits du « grand emprunt » a été réalisée et figure en exécution dans le déficit 2010. En pratique, l'Etat a isolé 35 milliards d'euros en son sein. Si, à travers la médiation du crédit, on cherche à sauver tout ce qui peut l'être, ici, en revanche, on sélectionne les projets les meilleurs, porteurs d'emplois dans le futur. Les 35 actions décidées représentent entre 100 millions d'euros et 8 milliards - pour les initiatives d'excellence. En juillet dernier, toutes les conventions qui nous lient avec les opérateurs ont été signées : nous avons gagné cinq mois sur le calendrier fixé par le Parlement.

Les conventions fixent le cadre dans lequel nous intervenons. Nous avons apporté quelques changements à la feuille de route initiale, ce qui nous écarte du cadre de la loi : au terme de subvention, j'ai voulu substituer celui de co-investissement et cela concerne l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), les démonstrateurs et les énergies renouvelables, mais aussi bien d'autres domaines, les véhicules du futur par exemple. Nous ne voulons pas distribuer de subventions pures, afin de bénéficier d'un éventuel retour financier. En 2014, 2015 et 2016, nous aurons encore besoin de financer la modernité et serons dans une phase de restriction budgétaire. Le ministère de la culture lui-même a accepté que la numérisation des ouvrages de la Bibliothèque nationale de France (BNF), dès lors qu'elle évite aux utilisateurs de se rendre sur place - où ils ne peuvent photocopier des ouvrages entiers ! - donne lieu à la perception de sommes modiques. L'équivalent de quelques tickets de métro pour imprimer les livres consultés, ce n'est pas un effort insoutenable, mais un process vertueux, qui nous aide puissamment !

Sur la biomasse et les démonstrateurs, nous avons considérablement progressé. Des scientifiques brillants, accompagnés de parlementaires réputés et de représentants du monde socio-économique, nous ont présenté des projets fascinants. Cependant, nous les avons interrogés sur les retours financiers, et il n'y en avait pas réellement ; nous avons donc écarté ces projets.

Nous avons introduit cette notion de retour financier, donc de co-investissement, et je vous demande votre soutien sans réserve, car les industriels se livrent à un lobbying fou en faveur des subventions. Grâce à celles-ci, ils seraient en mesure de distribuer un peu plus de dividendes à leurs actionnaires, des fonds offshore généralement ; mais cela tuerait notre système. J'espère votre aide face à ceux qui viendraient se plaindre à vous ! Les discussions ont été vigoureuses, mais le Premier ministre nous soutient fermement.

Nous voulons bannir les mauvaises habitudes de gestion. C'est un autre élément que nous avons introduit dans les conventions. Nous allons lancer un fonds d'amorçage de 400 millions d'euros, pour intervenir au plus près des régions et du terrain. Mais nous avons posé une condition à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) : nous refusons de financer des fonds dont les gestionnaires ne renonceraient pas, sur l'ensemble de l'activité, à leur carried interest - ils perçoivent généralement entre 20 et 25 % des dividendes.

Ces trente dernières années, on a fait des découvertes médicales formidables en France. On finance les quelques millions d'euros nécessaires pour pousser la recherche jusqu'au brevet. Puis on a l'obsession de vendre, car « un tient vaut mieux... ». Nous sommes prêts, pour notre part, à verser des bonus à ceux qui auront poussé le projet du dépôt de brevet jusqu'à l'industrialisation.

L'élaboration des conventions était achevée en juillet, toutes ont été publiées au Journal officiel avant le 31 décembre et les fonds sont à présent chez les opérateurs. S'ouvre désormais le deuxième temps, celui des appels à projets. La sélection se fera en plusieurs vagues : ce fut un sujet de discussion, mais nous sommes convaincus que c'est la meilleure solution.

Ce sont 8 milliards d'euros qui seront consacrés aux initiatives d'excellence. Décider d'un coup ne laisserait pas aux projets le temps parfois nécessaire à leur mûrissement. Certains pourtant de grande valeur seraient exclus, au profit d'autres déjà prêts mais qui présentent un intérêt moindre. La première vague de décisions sera achevée entre juillet et septembre prochains. Ces décisions, à la demande de la communauté universitaire, seront prises par des jurys internationaux. Lorsque nous les constituons, je demande aux services spécialisés de l'Etat de m'indiquer si la présence de tel ou tel représente un risque et je suis parfois conduit à rayer un nom. Quant aux décisions qui seront prises par les jurys, afin de ne pas décrédibiliser notre pays, je ne les remettrai pas en cause. Les projets sont nombreux, un travail incroyable est effectué dans les régions. Sauf cas exceptionnel, je n'écarterai pas les jurés internationaux choisis.

Les procédures de guichets uniques tels qu'OSEO sont bien sûr plus rapides : 750 contrats de développement participatif ont été conclus. La première sélection des projets concerne les équipements d'excellence. Nous sommes dans chaque cas sensibles aux perspectives d'emploi, emplois sauvés, créés ou à créer... Nous travaillons avec la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) et les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR). Pour que le système tourne bien, trois partenaires doivent coordonner leurs efforts, le commissariat général, les préfectures - et le SGAR - et enfin les collectivités locales. Nos liens sur le terrain sont excellents.

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