Intervention de René Ricol

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 12 janvier 2011 : 1ère réunion
Audition de M. René Ricol commissaire général à l'investissement

René Ricol, commissaire général à l'investissement :

L'aménagement du territoire est une question centrale, mais qui ne figure pas dans mes attributions ! Je gère des initiatives d'excellence, mais je vois bien les problèmes qui découleraient d'une concentration de toutes les initiatives à Paris, par exemple. Mon équipe comprend un préfet de région chargé de cet aspect. La Bretagne et les Pays-de-Loire ont réparti intelligemment sur leur territoire les équipements scolaires et universitaires. Ils se trouvent en conséquence disqualifiés lorsqu'il s'agit de créer des « campus d'excellence ». Voilà précisément pourquoi nous avons remplacé cette dénomination par les « initiatives d'excellence », qui ouvrent le jeu aux régions que vous avez citées. Nous travaillons en collaboration étroite avec la Datar et son nouveau délégué. J'ajoute que si je devais faire une seule exception au respect des décisions prises par les jurys internationaux en matière d'équipements d'excellence, ce serait pour préserver notre souci de l'aménagement du territoire. Et c'est du reste un signal que nous donnerons peut-être dans quelques jours. Un classement sera produit par les jurys. Nous ne pouvons l'ignorer - vous connaissez les universitaires et vous n'imaginez donc pas qu'ils l'accepteraient sans broncher - mais entre deux projets, premier chacun dans leur groupe, celui qui favorise l'aménagement du territoire aura notre préférence.

Il nous faudra, entre juillet et septembre prochains je pense, effectuer un « arrêt sur image », pour faire le point. Les projets sont plus nombreux que ce à quoi nous nous attendions, et de qualité supérieure ! La chose est particulièrement notable pour les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts hospitalo-universitaires (IHU). Nous avons aidé les porteurs de projet et encouragé des regroupements. Je ne regretterai jamais d'avoir demandé un examen par vagues.

Je suis bien incapable de chiffrer les fruits à attendre de nos investissements sur la croissance ; je suis expert-comptable, pas économiste. D'ores et déjà, nous influons sur les organes de recherche, instillant l'obsession des applications de la recherche et faisant découvrir aux intéressés que la gestion n'est pas une préoccupation absurde ! Qu'ils puissent mettre en avant la création de trois start-up ne m'impressionne pas : il s'en est créé 30 000 en trente ans aux Etats-Unis, et seulement trois ont connu un succès considérable. Ce qu'il ne faudrait pas rater, c'est le saut technologique sur le photovoltaïque, qu'on doit au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Grenoble.

Nous encourageons OSEO, lorsqu'il est saisi de demandes d'aides par des très petites (TPE) ou moyennes (PME) entreprises du même secteur, à suggérer une fusion ; sinon, nous ne constituerons jamais de groupes solides. Expert-comptable depuis trente ans, j'estime que la société civile immobilière (SCI) est un poison à ce sujet. Souvent, l'usine n'est pas la propriété de l'entreprise, mais d'une SCI dont les actionnaires sont le dirigeant et ses enfants. Ils s'opposent à toute fusion par crainte d'une délocalisation de l'usine. Je déplore cette mauvaise maladie française qui est de croire plus en la pierre qu'en l'entreprise. OSEO ne respecte pas vraiment la demande que nous lui avons faite de demander une fusion en cas d'aides sollicitées au titre de projets identiques par des entreprises du même secteur - quitte à organiser l'équité fiscale pour les actionnaires des SCI.

J'en viens au développement du numérique. Il a été décidé un peu vite que les 250 millions d'euros iraient au satellite. Ce n'était pas du reste ce que vous aviez voté. Mais les projets présentés en ce domaine ne nous ont pas paru impressionnants. Nos interlocuteurs prétendaient couvrir, avec un budget de 250 millions d'euros, 20 % des zones désertiques, mais en réalité ils ne couvraient que 10 % de ces 20 %, et pendant quinze ans seulement ! Aussi nous avons refusé.

Sept expérimentations nous ont formés à comprendre ce que l'on nous dit. Je crois à présent qu'il n'est pas dans nos moyens de nous doter du très haut débit partout. Nous avons besoin de schémas directeurs sur lesquels puissent s'accorder les acteurs nationaux et régionaux, et les opérateurs, réservant le très haut débit aux zones d'activité, aux écoles, aux universités ; le « haut débit + » me semble suffisant pour les autres utilisateurs, et a le mérite d'emprunter les réseaux existants, en cuivre. Du reste, avant de se préoccuper du « haut débit + », il faudrait résoudre les lacunes du haut débit « tout court », faute de quoi, dans peu de temps, nombre de personnes âgées ne pourront plus regarder la télévision... Il convient d'élaborer un plan directeur en fonction de ce que nous pouvons faire sur les circuits d'avenir. Et de déterminer les responsabilités de chacun. Les opérateurs ont-ils besoin d'un milliard d'euros ? Nous voulons d'abord les réunir. Et comprendre pourquoi, par exemple, les boîtiers doivent contenir quatre sorties, une par opérateur. Et si un cinquième arrive, on greffera quelque chose en plus ! Je leur demanderai pourquoi ne pas utiliser un seul câble. Un important travail de préparation technique a déjà été conduit avec la Secrétaire d'Etat à l'économie numérique, devenue depuis numéro quatre du Gouvernement.

J'attends aujourd'hui de savoir combien coûtera l'implantation sur le territoire du très haut débit et du « haut débit + ». Je pourrai alors évaluer les montants à la charge de l'Etat, des régions, des autres collectivités et des opérateurs.

Sur le projet global, nous sommes fondamentalement d'accord. Comme nous voulions valoriser la recherche au plus près des universités, nous avons monté des sociétés par actions simplifiées (SAS) et avons alors eu du mal à intégrer les régions. C'est pourquoi j'ai surtout parlé de l'amorçage, phase où, pour ne pas répéter la même erreur, nous tenterons d'intégrer les régions à chaque fois qu'elles sont d'accord et que les collaborateurs du fonds d'amorçage acceptent nos règles.

Les garanties des règles du jeu doivent être posées. Il s'agit tout de même de 35 milliards d'euros ! Bien sûr, certains nous en ont voulu; bien sûr, il y a eu des réactions ; mais des points d'entente se dessinent. Il semble qu'il y ait aujourd'hui un accord unanime ; nous travaillons avec tous et tentons d'avancer du mieux que nous pouvons. Concernant par exemple Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, je n'ai pas une ligne à changer aujourd'hui à ses déclarations. Car si nous dépensons tout d'un seul coup, nous n'aurons plus rien dans cinq ans. Et aucun responsable politique ne pourra alors consacrer 35 milliards d'euros à des investissements d'avenir. Notre chance est que le Président de la République ait eu cette idée il y a un an et demi. Aujourd'hui, nous ne pourrions plus la lancer : tous les spéculateurs fondraient sur la France. Alors, ne gâchons pas ces 35 milliards ! Je voulais que ce soit géré par un commissariat général et non un ministère, pour pouvoir travailler de façon républicaine, ensemble : sur le terrain, il n'y a plus de partis politiques, tout le monde est d'accord.

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