Intervention de Jean-Jacques Jégou

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2006 : 1ère réunion
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis :

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, a tout d'abord dressé le bilan de l'évolution des comptes de la sécurité sociale au cours de la présente législature (2002-2007).

Il a relevé un début de redressement des comptes en 2006, après deux années de déficit record en 2004 et 2005, précisant que le déficit du régime général avait atteint ses niveaux les plus élevés en 2004 (- 11,9 milliards d'euros) et 2005 (- 11,6 milliards d'euros), et qu'il serait ramené à - 9,7 milliards d'euros en 2006, grâce notamment à une croissance des produits supérieure à celle des charges.

Il a ajouté que la prévision tendancielle pour 2007, incluant l'objectif d'une croissance des dépenses d'assurance maladie de 2,5 %, conduisait à un déficit de 9,4 milliards d'euros, le solde de l'ensemble des régimes de base et des fonds de financement ayant connu un profil proche de celui du régime général, même si son déficit avait continué de se creuser en 2005 en raison de la dégradation des soldes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA).

a mis en évidence que la réduction du déficit obtenue en 2006 portait principalement sur l'assurance maladie et prolongeait l'amélioration engagée en 2005. En effet, en deux ans, le déficit de la branche maladie du régime général avait été réduit de 5,6 milliards d'euros, grâce à l'apport de recettes nouvelles et à un ralentissement très net de ses dépenses.

Il a estimé que le ralentissement des dépenses d'assurance maladie était un fait marquant de la législature. Il a indiqué que la consommation de soins de ville au sein de tous les régimes avait progressé d'1,5 % en 2006 (1,7 % pour le régime général), ce qui représentait un ralentissement très net par rapport aux années précédentes. Il a précisé que cette inflexion avait porté principalement sur deux postes de dépenses : les indemnités journalières et la consommation de médicaments, qui pourrait être en légère baisse en 2006. En revanche, il a observé que les honoraires des professionnels libéraux devraient connaître, en 2006, une progression plus forte qu'en 2005.

Concernant les établissements de santé, il a noté que ceux-ci présentaient un risque de dépassement de l'objectif de dépenses estimé à environ 300 millions d'euros au cours de l'été 2006, mais que ce risque avait été ramené à une centaine de millions d'euros après les mesures correctrices annoncées par le ministre de la santé et des solidarités au début du mois de septembre 2006. Compte tenu de ces mesures, les versements de l'assurance maladie aux établissements de santé augmenteraient de 3,4 % en 2006. Au total, il a indiqué que les dépenses d'assurance maladie dépasseraient d'environ 700 millions d'euros, en 2006, l'objectif fixé par la loi de financement initiale.

a relevé qu'à l'inverse, le déficit de la branche vieillesse apparu en 2005 continuait de se creuser en raison d'une forte augmentation des prestations. Il a précisé que cela résultait de la montée en charge du dispositif de retraites anticipées et de l'arrivée à l'âge de 60 ans des premières générations du baby boom. L'augmentation des charges s'était ainsi établie à plus de 5,5 % par an en 2005 et 2006 et devrait être encore d'environ 5 % en 2007, malgré l'hypothèse du décalage de certains départs à la retraite grâce aux nouvelles incitations à la poursuite d'activité.

Il a noté que l'accélération des rentrées de recettes permettait un retour à l'équilibre de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi qu'une stabilisation du déficit de la branche famille, après la forte dégradation constatée en 2005. Il a observé que les prestations familiales connaissaient depuis 2004 une croissance supérieure à 4 %, qui se poursuivrait en 2006, mais s'infléchirait à partir de 2007, du fait de la décélération de la montée en charge de la PAJE.

a ensuite relevé que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) avait connu une augmentation très nette de ses charges au cours de la présente législature : au total, 45,62 milliards d'euros lui avaient été ainsi transférés depuis 2004. Il a précisé qu'au 6 octobre 2006, le montant total de la dette reprise par la CADES s'établissait à 107,676 milliards d'euros et qu'il lui restait donc encore 77,08 milliards d'euros à amortir.

Il a toutefois ajouté qu'un des apports majeurs de la législature résidait dans le coup d'arrêt porté au transfert sur les générations futures de la charge de la dette sociale, l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) disposant que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ».

a ensuite mis en évidence une tendance très nette à la hausse des charges financières du régime général, particulièrement marquée en 2007, après deux années de charges financières plus maîtrisées pour l'assurance maladie grâce aux transferts opérés vers la CADES. Il a estimé que cette tendance illustrait les difficultés auxquelles était confronté le régime général aujourd'hui. Il a remarqué que l'Etat, du fait de ses dettes à l'égard de la sécurité sociale, était responsable d'une partie de ces charges financières, l'article 23 du projet de loi de finances prévoyant, au demeurant, d'affecter, à ce titre, une fraction de droits sur les tabacs au régime général de la sécurité sociale, à hauteur de 160 millions d'euros.

Il a indiqué qu'en parallèle, le plafond d'avances de trésorerie du régime général connaissait une nouvelle envolée. Il a précisé que l'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 proposait de fixer à 28 milliards d'euros le plafond d'avances de trésorerie du régime général pour 2007, et qu'il s'agissait là du plafond le plus élevé fixé depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, après le « record » enregistré en 2004. Il a indiqué qu'il proposerait toutefois un amendement tendant à légèrement réduire le montant de ce plafond.

Il a ensuite noté, sur le long terme, une tendance de fond à l'accroissement de la part des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale dans le financement du système de sécurité sociale. Il a mis en évidence, toutefois, le fait que les impôts et taxes affectés avaient connu une évolution hachée au cours de la présente législature, celle-ci s'expliquant essentiellement par l'évolution du mode de financement des allègements généraux de cotisations sociales.

a ensuite présenté les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il a précisé que le texte transmis au Sénat comprenait 94 articles, contre 71 dans le projet de loi initial, dont de nombreuses mesures techniques et plusieurs dispositions étrangères au champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a relevé que le projet de loi comportait peu de mesures nouvelles d'économies et se contentait, pour l'essentiel, d'enregistrer les effets des mesures antérieures, ce qui pouvait le faire apparaître comme manquant d'envergure. Puis il a estimé que la démarche de performance restait embryonnaire, les programmes de qualité et d'efficience, perfectibles, ne permettant pas de juger de la performance de l'action publique en matière de sécurité sociale.

a ensuite présenté les principales mesures du projet de loi de financement concernant les recettes. Il a indiqué, à cet égard, que la recette de 115 millions d'euros correspondant à l'affectation à l'assurance maladie d'une partie des produits de cession du patrimoine immobilier des établissements de santé était fictive, ce qui soulevait un problème de sincérité.

Il a mentionné que celui-ci contenait plusieurs mesures entraînant des pertes de recettes, sans toujours justifier précisément leur utilité. Il a noté qu'il validait l'accord sur les 39 heures dans l'hôtellerie-restauration, à la suite de l'annulation, par le Conseil d'Etat, des dispositions réglementaires portant validation et extension de cet accord.

Puis il a relevé qu'il accroissait le champ possible des bénéficiaires du crédit d'impôt au titre des contrats d'assurance complémentaire de santé individuels et qu'il neutralisait les effets de la réforme de l'imposition sur le revenu sur l'assiette des cotisations sociales des indépendants et réajustait les taux d'abattement forfaitaires à l'impôt sur le revenu applicables pour les régimes des micro-entreprises, ce qui entraînait une perte de recettes de 30 à 40 millions d'euros pour l'Etat.

Il a ensuite observé que l'article 16 modifiait substantiellement les règles relatives à la taxation de l'épargne. Il a précisé qu'à la suite d'une modification adoptée par l'Assemblée nationale dans le but de fournir 200 millions d'euros de recettes supplémentaires pour financer l'augmentation des dépenses de « soins de ville », cet article conduisait à rendre plus complexes les règles applicables en matière de prélèvements sociaux sur l'épargne.

a ensuite présenté les objectifs de dépenses des différentes branches.

S'agissant de la branche maladie, il a indiqué que le projet de loi initial fixait à 144,6 milliards d'euros le montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), soit une progression de 2,5 % des dépenses à périmètre constant. Il a précisé que l'Assemblée nationale avait, toutefois, sur proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, relevé le montant de l'ONDAM de l'ensemble des régimes obligatoires de base pour 2007, afin d'intégrer une augmentation des dépenses de soins de ville de 200 millions d'euros, ce qui représentait une progression de l'ONDAM « soins de ville » de + 1,1 % par rapport aux réalisations de 2006, au lieu de + 0,8 % dans le projet de loi initial.

Il a ensuite détaillé la situation de la branche vieillesse, en soulignant que la progression des prestations versées par la CNAV était très sensible aux hypothèses retenues, qui intégraient, notamment, une augmentation moins forte qu'en 2006 du coût de la mesure de retraite anticipée et une croissance des prestations amortie par les effets du « Plan Seniors ». A titre d'illustration, il a précisé que si les nouveaux retraités quittaient le travail un mois plus tôt ou plus tard que prévu, la masse des prestations versées augmentait ou diminuait de 350 millions d'euros.

Puis il a présenté la situation de la branche « accidents du travail - maladies professionnelles » (AT-MP) et mis en évidence la progression de 100 millions d'euros des dotations versées par la branche AT-MP aux fonds liés à l'amiante, les dotations totales versées s'élevant à près de 5,4 milliards d'euros sur la période 2002-2007.

S'agissant de la branche famille, il a relevé que la croissance de ses charges s'infléchissait en 2006, tout en restant très forte (+ 4,3 %), et se ralentissait encore en 2007 (+ 3,2 %), en raison du ralentissement de la montée en charge de la PAJE.

s'est enfin interrogé sur la crédibilité des projections quadriennales annexées au PLFSS, relevant leur caractère très optimiste. Il a relevé que, dans le « pire » des scénarios présentés, le régime général serait quasiment à l'équilibre en 2010. Seule la branche vieillesse connaîtrait un déficit évalué à 5,1 milliards d'euros, alors que la branche maladie serait excédentaire à hauteur de 2,4 milliards d'euros. Il a souligné que, dans le scénario le plus favorable, le régime général connaîtrait en 2010 un excédent de 4,5 milliards d'euros, le déficit de la branche vieillesse s'établissant à 3,3 milliards d'euros, tandis que la branche maladie serait excédentaire de 4 milliards d'euros.

Après avoir fait état des critiques formulées par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale devant la commission des affaires sociales du Sénat, il a souligné que les hypothèses retenues étaient très volontaristes, puisqu'elles intégraient, notamment, un taux de progression de l'ONDAM compris entre 2,2 % et 2,5 % par an, soit un rythme inférieur à celui du PIB, alors qu'à l'inverse, la masse salariale croîtrait plus rapidement.

Un large débat s'est ensuite instauré.

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