Intervention de Marie-France Beaufils

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « remboursements et dégrèvements » - examen du rapport spécial

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils, rapporteure spéciale :

A titre liminaire, Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, a signalé que les réponses qu'elle avait reçues, de la part du gouvernement, au questionnaire budgétaire, se caractérisaient par une excessive brièveté. Elle a précisé que les questions les plus fondamentales avaient fait l'objet d'une réponse laconique. Elle a fait valoir le caractère insatisfaisant de cette situation, en soulignant que le questionnaire budgétaire n'avait de sens, à ses yeux, que s'il permettait un véritable échange entre le gouvernement et le Parlement, en amont de la discussion budgétaire proprement dite.

Elle a ensuite rappelé que la mission « Remboursements et dégrèvements », en termes de volume de crédits, se présentait comme la plus importante du budget, et qu'elle retraçait pour 2007, au total, 76,4 milliards d'euros. Cependant, elle a indiqué que les deux programmes composant la mission s'avéraient d'importance inégale.

Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat » regroupait des crédits d'un montant de 62,3 milliards d'euros, correspondant, pour les deux tiers, aux remboursements et dégrèvements de TVA (pour 41,3 milliards d'euros).

Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » regroupait des crédits d'un montant de 14 milliards d'euros, correspondant, pour les deux tiers, aux remboursements et dégrèvements de taxe professionnelle (pour 9,8 milliards d'euros).

Puis Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, a formulé trois séries de critiques sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

En premier lieu, ayant rappelé que les crédits de cette mission étaient des crédits évaluatifs, elle a déploré que ni le « bleu » budgétaire, en particulier la justification « au premier euro » des crédits demandés, ni les réponses apportées au questionnaire budgétaire par le gouvernement, ne donnent d'indications suffisamment précises sur les bases à partir desquelles, pour 2007, l'évaluation avait été menée.

En deuxième lieu, reprenant une analyse qu'elle avait déjà exposée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006, elle a estimé que la mission, en tant que telle, n'avait « pas de raison d'être », dans la mesure où elle retraçait des dépenses participant de politiques publiques différentes.

Sur ce point, elle a d'abord rappelé que, dans leur rapport d'information n° 292 (2003-2004) relatif à la mise en oeuvre de la LOLF, M. Jean Arthuis, président, et M. Philippe Marini, rapporteur général, avaient jugé nécessaire, afin d'accroître la lisibilité des dépenses de l'Etat, de ventiler entre les différentes missions concernées les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». En particulier, il était proposé d'inclure les dégrèvements législatifs d'impôts locaux dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont le rapporteur spécial est M. Michel Mercier. Elle a précisé que l'adossement, en 2005, de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation, avait accentué la confusion, les exonérations de redevance ayant été remplacées par des dégrèvements relevant désormais de la mission « Remboursements et dégrèvements ». A cet égard, elle a signalé que la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, avait estimé que, pour préserver la lisibilité des dépenses relatives à cette politique, il serait préférable de rattacher les dégrèvements de redevance à la mission « Médias », dont le rapporteur spécial est M. Claude Belot.

Puis elle a présenté les deux arguments que le gouvernement, en 2005, avait avancés pour justifier son refus d'un semblable regroupement par finalité.

D'une part, ce regroupement, du point de vue technique, n'aurait pas été possible pour le 1er janvier 2006. Mais elle a fait valoir que cet argument ne pouvait plus tenir pour l'année 2007.

D'autre part, le gouvernement ne souhaitait pas la coexistence, au sein d'une même mission, de crédits limitatifs et de crédits évaluatifs, afin d'éviter que les parlementaires ne proposent, par voie d'amendement, d'accroître les crédits limitatifs d'un programme à partir d'un programme constitué de crédits évaluatifs.

Elle a rappelé que ce dernier point de vue, toutefois, n'avait pas convaincu la commission des finances. Elle a exposé les trois arguments qui avaient été retenus.

Tout d'abord, la seule exigence posée par l'article 10 de la LOLF consistait dans « l'isolement » des crédits évaluatifs en programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs. De fait, la seule autre mission, au sein du budget, comportant des crédits évaluatifs, la mission « Engagements financiers de l'Etat », comprenait également, pour deux de ses quatre programmes, des crédits limitatifs.

En outre, la compensation qui consisterait en une diminution de crédits évaluatifs pourrait difficilement être considérée comme « réelle », au sens où l'exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Enfin, la LOLF allait nécessairement entraîner, durant une première période de son application, la constitution progressive d'une « doctrine », non seulement de la part du Conseil constitutionnel mais aussi de la part des commissions des finances des deux assemblées, en particulier en matière de recevabilité financière des amendements. Il semblait, en ce qui concernait la commission, qu'une augmentation de crédits limitatifs ne pourrait être valablement gagée par une diminution de crédits évaluatifs.

a signalé que la réponse reçue en ce domaine, de la part du gouvernement, au questionnaire budgétaire, s'avérait très décevante. En effet, le gouvernement, pour l'essentiel, afin de justifier le maintien en l'état de la mission, s'en tenait à une interprétation, selon elle contestable, de l'article 10 de la LOLF.

En dernier lieu, elle a critiqué la mesure de la performance des programmes de la mission. Elle a indiqué qu'aucun changement n'y avait été apporté, pour 2007, par rapport à la loi de finances initiale pour 2006. Cette situation laissait subsister, selon son analyse, trois séries d'anomalies.

D'une part, elle a relevé que les indicateurs en place ne permettaient pas d'évaluer, de manière satisfaisante, dans quelle mesure était atteint l'objectif unique de la mission, consistant à « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible ». En effet, les indicateurs prévus pour le programme relatif aux impôts d'Etat ne couvraient ni les versements de la prime pour l'emploi, ni les opérations relatives à l'action 5 du programme, concernant des « produits directs, indirects et divers », soit environ le sixième des crédits de ce programme. De même, l'indicateur unique du programme relatif aux impôts locaux, portant sur la taxe d'habitation, ne couvrait, de la sorte, qu'environ 20 % des crédits du programme.

D'autre part, elle a jugé que l'objectif unique, identique, associé aux deux programmes de la mission, restait, à l'évidence, insuffisant, dans la mesure où aucun indicateur ne permettait de mesurer la performance des dégrèvements et remboursements législatifs. Elle a cité, tout particulièrement, le cas de la PPE, et a rappelé que le rapport d'information n° 220 (2004-2005) de M. Jean Arthuis, président, sur les objectifs et indicateurs de performance de la LOLF, avait déjà signalé cette défaillance, de même que le rapport sur la mise en oeuvre de la LOLF remis au Premier ministre, en septembre 2005, par MM. Alain Lambert et Didier Migaud, en leur qualité de parlementaires en mission auprès du gouvernement. Elle a souhaité, pour l'avenir, qu'un objectif d' « évaluation de l'efficacité des remboursements et dégrèvements » soit introduit. En effet, si l'efficacité des remboursements et dégrèvements ne dépendait pas du responsable des programmes, il appartenait à ce dernier, selon elle, d'évaluer l'efficacité des principaux de ces dispositifs. Elle a constaté que le gouvernement considérait que l'administration fiscale ne pouvait être chargée d'un rôle d'évaluation de l'efficacité de la dépense fiscale, sans pour autant étayer cette position de façon convaincante dans ses réponses au questionnaire budgétaire.

Du reste, elle a signalé que M. Jean Arthuis, président, avait, à son initiative, saisi la Cour des comptes, le 6 octobre 2006, d'une demande d'enquête, en application de l'article 58-2 de la LOLF. Cette enquête porterait sur « la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat et d'impôts locaux », et ses résultats feraient l'objet, en 2007, d'une audition, par la commission des finances, pour « suite à donner ».

a ajouté que, même si l'on se limitait à mesurer la qualité de service rendu par l'administration fiscale lors des opérations retracées par la mission « Remboursements et dégrèvements », cette qualité ne pouvait être réduite aux seuls enjeux de rapidité d'exécution. Par conséquent, les objectifs et indicateurs complémentaires à établir devraient mesurer, également, l'exactitude de l'imposition du contribuable. Elle a proposé, par exemple, un indicateur concernant les vérifications préalables opérées par les services, en matière de remboursements de TVA notamment, et un indicateur relatif au nombre d'erreurs de l'administration fiscale.

Elle a indiqué que, dans le questionnaire budgétaire adressé au gouvernement, elle avait souhaité obtenir des précisions quant aux garanties, aménagées par l'administration, afin que les mesures tendant à l'accélération des procédures en cause ne s'exercent pas au détriment de la rigueur des vérifications nécessaires. La réponse du gouvernement, à ses yeux, s'avérant « purement déclarative », elle a souhaité des éléments d'appréciation objectifs, que seule l'introduction d'indicateurs, au sens de la LOLF, pourrait, selon elle, apporter.

Enfin, elle a fait remarquer que les présentations respectives des deux programmes de la mission, dans le « bleu » budgétaire, indiquait, dans des termes semblables, que « le premier objectif » de chacun de ces programmes consistait « à permettre progressivement l'identification précise et complète des dégrèvements et des remboursements concernés, grâce à la mise en oeuvre des systèmes d'information futurs (programme COPERNIC et CHORUS) ». Elle a souligné le paradoxe qui consistait à mentionner comme « premier objectif » une opération ne figurant pas parmi les objectifs de performance associés aux programmes.

En conclusion de son exposé, elle a déclaré qu'elle interrogerait le gouvernement, en séance publique, sur l'ensemble des aspects qu'elle venait d'évoquer. Toutefois, remarquant que la plupart de ces observations avaient déjà été formulées à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, sans que le gouvernement justifie de manière satisfaisante l'absence de changement constaté pour 2007, elle a proposé que la commission des finances réserve son vote, jusqu'au 23 novembre 2006, sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Un débat s'est alors instauré.

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