Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 mars 2011 : 1ère réunion
Bioéthique — Audition de Mme Emmanuelle Prada-bordenave directrice générale de l'agence de la biomédecine

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l'agence de la biomédecine :

L'agence de la biomédecine est un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle de la direction générale de la santé - elle n'est donc pas une autorité administrative indépendante. Lors des débats sur la loi de bioéthique en 2004, on avait hésité entre la création d'une nouvelle agence ou la fusion avec une instance pré-existante. La seconde option a été finalement retenue : l'agence a repris les missions de l'établissement français des greffes. Ce dernier avait succédé en 1994, dans un contexte de scandales sanitaires, à l'importante association France Transplant du professeur Jean Dausset.

La transplantation a une histoire ancienne dans notre pays, fruit de l'adhésion des Français à l'hôpital. Cette histoire est marquée par des prouesses médicales qui ont parfois tenu du miracle - les premières greffes du rein dans les années cinquante, puis la première transplantation cardiaque réalisée par le professeur Cabrol en mai 1968 avant les greffes de foie dans les années soixante-dix. Ce sont d'abord les professionnels qui ont cherché à mettre en relation donneurs et receveurs. Après la loi Lafay de 1949 qui visait à faciliter les dons de cornée pour réparer les blessures des soldats, la loi du sénateur Caillavet de 1976 a posé la règle du consentement présumé au don d'organe. Ce modèle français du don après la mort constitue le prolongement posthume de la valeur de solidarité inscrite dans notre devise républicaine. En 2004, l'idée était d'asseoir sur ce socle de valeurs les nouvelles missions de l'agence en matière de procréation, d'embryologie et de génétique humaines, moins éloignées qu'il n'y paraît du prélèvement et de la greffe.

Elle est l'une des plus petites agences françaises, avec 260 personnes dont seulement sept emplois hors plafond, sur financements propres ou européens. Si le personnel est, pour l'essentiel, concentré au siège, qui se trouve à la Plaine Saint-Denis où l'Etat a rassemblé plusieurs agences sanitaires, quatre-vingts personnes sont réparties sur le territoire national afin d'intervenir dans la régulation du prélèvement d'organes et l'appui à la greffe auprès des équipes hospitalières. Enfin, si nos effectifs sont constitués pour une large part de personnels médicaux, nous comptons également une équipe de biostatisticiens, d'épidémiologistes, d'assistants de recherche clinique et de techniciens de recherche clinique qui aident l'agence à accomplir sa mission d'évaluation. Notre budget représente 70 millions, dont 45 millions de subventions - un tiers provenant de l'Etat, deux tiers de l'assurance maladie - et 25 millions d'autofinancement pour le registre « France greffe de moelle ». Celui-ci a rejoint l'agence en 2006 ; il met en relation les donneurs et receveurs des cellules souches hématopoïétiques, qu'elles proviennent du sang placentaire ou de la moelle osseuse.

L'agence a pour mission d'accompagner, d'encadrer, d'évaluer et de promouvoir les activités de prélèvement et de greffe d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que les activités de procréation, d'embryologie et de génétique humaines.

Accompagner, cela signifie tenir la liste d'attente des greffes. De fait, l'inscription au registre est obligatoire pour le prélèvement et la transplantation, la mise en relation étant assurée par un système informatisé - la logique est la même pour le registre « France greffe de moelle ». Nous apportons également une aide aux professionnels, notamment lorsqu'ils rencontrent des difficultés financières ou de tarification avec la tarification à l'activité (T2A). L'agence réunit d'ailleurs régulièrement des groupes de travail rassemblant plus de mille experts pour améliorer les pratiques.

Une deuxième mission est d'encadrer, via l'élaboration avec les professionnels, les instances de l'agence puis les tutelles, de recommandations et de règles de bonnes pratiques - seules les secondes, qui font l'objet d'un arrêté du ministre, sont contraignantes - en collaboration avec l'Afssaps pour les tissus et cellules et, également, avec la Haute Autorité de santé, la HAS. Encadrer, c'est participer aux décisions d'autorisations sanitaires délivrées par les agences régionales de santé (ARS). De fait, nous sommes consultés sur les autorisations des équipes de greffe, de PMA - procréation médicale assistée - et des centres DPI - diagnostic préimplantatoire. Depuis 2004, ce système d'autorisations à titre collectif est complété par des agréments individuels pour les praticiens dans les domaines de la PMA et du DPI que nous avons la charge de délivrer - la procédure administrative semble donc un peu lourde.

Autre mission : évaluer les activités dont nous avons la charge. Chacune des équipes est tenue de nous transmettre ses résultats que notre département statistique, composé de vingt-cinq personnes, analyse au regard d'une moyenne attendue calculée selon les contraintes propres à l'équipe. Si elle n'est pas atteinte, nous contactons l'équipe afin de chercher à comprendre pourquoi et y remédier. Si les difficultés persistent, nous nous rapprochons des autorités sanitaires pour envisager d'éventuelles mesures coercitives, voire un retrait de l'autorisation.

Enfin, nous devons aussi promouvoir le don d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que le don de gamètes. Nous consacrons 7 millions par an à la promotion. Lors de la campagne de juin dernier, le slogan était « Pour sauver des vies, il faut l'avoir dit ». Cette année, nous mettrons l'accent sur le don de moelle osseuse pour inciter à l'inscription sur le registre. Nous avons également beaucoup investi dans internet via la création de sites pédagogiques et promotionnels.

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