L'inscription sur la liste nationale d'attente des greffes relève d'une décision strictement médicale dans laquelle n'intervient pas l'agence de la biomédecine. Les fiches des receveurs, qui comprennent entre sept cents et mille indications biologiques, sont centralisées sur la base Cristal. Les fiches des donneurs, qu'il s'agisse de donneurs vivants ou post mortem, comportent, elles, sept cents indications biologiques. La base Cristal croise ensuite les fiches des donneurs et des receveurs. Au terme d'un grand débat sur l'attribution des organes en 1995, ont été retenus pour critères le degré d'urgence, la difficulté d'accès à la greffe en raison, notamment, de l'appartenance à un groupe sanguin extrêmement rare, tel le groupe B, et, enfin, les enfants - à morphologie égale, un enfant sera toujours prioritaire. Quant au registre « France greffe de moelle » pour les cellules, il recense tous les receveurs et, surtout, les donneurs et les greffons de sang placentaire.
Les listes sont-elles interconnectées ? Il existe des systèmes européens, mais ceux-ci sont limités aux greffes d'organes pour lesquelles on ne trouve pas forcément de receveur. C'est le cas de la greffe cardiaque pédiatrique - la cage thoracique d'un enfant est réduite. Si un coeur est disponible en France à la suite d'un accident, qui est toujours un drame, nous nous connectons avec la Suisse pour chercher un receveur. Le délai maximal entre le moment où l'artère est coupée, puis branchée étant de quatre heures, c'est une contrainte dont nous devons tenir compte. Il existe également un système frontalier avec la Suisse pour les greffes de foie et un autre entre le Sud de la France et l'Espagne. La directive sur les dons d'organes, adoptée en juin dernier, encourage ce type de dispositifs. L'attribution des organes répond à un impératif d'équité - donner à ceux qui en ont le plus besoin - mais également d'efficacité - il ne faut pas perdre un organe, un bien rare et précieux. Eurotransplant, qui associe les pays rhénans - Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Allemagne - jusqu'à l'Autriche, la Croatie et la Slovénie, enregistre un taux d'allocation européenne, c'est-à-dire hors du pays du donneur, de 20 %.
Concernant les dons croisés, nous avons fait des simulations à partir du nombre de donneurs familiaux qui se présentent spontanément mais ne sont pas compatibles. Entre cinquante et cent donneurs sont écartés chaque année, que nous pourrions récupérer.
L'anonymat est un principe fondateur, sauf pour les donneurs vivants apparentés. Cela dit, il a toujours été atténué par l'établissement français des greffes puis par l'agence : si tel est le souhait des familles, les équipes hospitalières de prélèvement peuvent transmettre des informations sur les personnes greffées et leur situation. Cela aide certaines personnes à surmonter le deuil, après un drame aussi difficile que la perte d'un enfant. A l'inverse, d'autres familles ne le souhaitent pas et il faut être très attentif à leur position. Pour les dons de cellules et de moelle osseuse où l'interconnexion est mondiale, la pratique est la même : on connaît l'origine du don, parfois le sexe du donneur. Un de mes amis sait ainsi que sa fille a été soignée grâce à un donneur canadien. De nombreux pays n'appliquent pas la règle de l'anonymat ou la lèvent ensuite partiellement. On y assiste parfois à des scènes télévisées de rencontres entre la famille du petit donneur et les enfants sauvés grâce au don des organes. Ces scènes choquent les Français ; elles leur paraissent insupportables, les tests que nous avons effectués le montrent.