Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 mars 2011 : 1ère réunion
Bioéthique — Audition de Mme Emmanuelle Prada-bordenave directrice générale de l'agence de la biomédecine

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l'agence de la biomédecine :

Abominable technocrate, je n'ai pas à me prononcer sur les choix du législateur ! On a reproché à l'agence d'être un « biopouvoir ». Le pouvoir technocratique n'est effectivement pas un pouvoir démocratique. Je suis conseiller d'Etat, non médecin. En revanche, je sais, par ma culture juridique, que le rôle d'une agence placée sous la tutelle d'un ministère est de mettre en oeuvre vos décisions, si nous le pouvons - mieux vaut rester dans l'ordre du possible... Depuis 2004, l'agence réunit un conseil d'orientation, instance de réflexion et d'éthique. Il est constitué d'experts scientifiques et médicaux, de représentants d'associations, de personnalités qualifiées et de membres des corps constitués, dont les parlementaires. Les députés ont prévu de porter le nombre de sénateurs et de députés de deux à six.

Monsieur Fischer, sans être la meilleure, la France est en bon rang en ce qui concerne le don d'organes. Elle est devancée par l'Espagne et le Portugal qui enregistrent trente donneurs pour un million d'habitants, contre vingt-quatre environ en France. Grâce au plan ambitieux intitulé « les Quinze-Vingts » - consistant à passer de quinze à vingt donneurs par million d'habitants - suivi du plan Greffe qui a obligé tous les établissements de santé, jusqu'aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à participer à l'effort de dons d'organes et de cornées, notre pays a atteint de bons résultats. Le désengagement des établissements de santé, depuis trois ou quatre ans, posant difficulté, la ministre de la santé nous a demandé de réfléchir au lancement d'un nouveau plan ; nous lui remettrons les éléments fin mars. L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont un système qui rend obligatoires l'inscription sur un registre et la détention d'une carte de donneur pour permettre les prélèvements d'organes ; or, ils ont des résultats moins satisfaisants que les nôtres : entre treize et quinze donneurs pour un million d'habitants. L'organisation, mondiale de la santé (OMS) recommande d'ailleurs l'adoption du système français. Il est, de loin, le plus simple : tout Français est présumé donneur après sa mort. Mais tout est fonction des cultures...

En revanche, on peut, en France, s'opposer au prélèvement : le refus du don d'organes ou du don de certains organes, de même que le refus de l'autopsie médicale, est un acte positif consigné dans un registre qui comporte plus de 70 000 noms, ce qui semble peu. Peut-être cela s'explique-t-il par une superstition bien française qui consiste à croire qu'envisager sa mort, c'est la précipiter. Ce registre est systématiquement consulté avant tout prélèvement. Peu de personnes y ont accès, dont je ne fais pas partie ; il est confidentiel. Les coordinations hospitalières, lorsqu'elles sont bien formées, demandent aux proches si la personne a manifesté de son vivant une opposition au don d'organes. Dans la pratique, les équipes sont confrontées au fait que, dans nos civilisations, le corps du défunt appartient à la famille qui le met en terre. Jamais une équipe n'ira contre la volonté des familles, y compris dans les pays où existe un registre des donneurs. Il n'est pas concevable de rendre les proches fous de douleur pour prélever deux reins, il y va de l'humanité. Nous devons porter ce système français que l'OMS recommande. Nos campagnes d'information sont mémorisées à plus de 95 %, ainsi que le montrent les tests qui les suivent. Dans le cas du jeune Lyonnais dont parlait Mme Debré, le père a dit avoir accepté de donner les organes de son fils parce que ce dernier s'était exprimé en ce sens de son vivant. Juridiquement, il s'agissait de s'assurer que son fils ne s'était pas opposé au don.

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