Merci de m'accueillir. J'apprécie les contacts et la coopération avec votre commission, qui a brillé par ses propositions et sa vision pertinente ces deux dernières années. Elle a su exprimer avec modération et sobriété, mais beaucoup de fermeté, sur le sujet de la régulation bancaire et financière à la suite de la crise qui a ébranlé notre pays, comme toutes les économies du monde, et a imposé une action vigoureuse aux niveaux international, européen et national. Le président, Jean Arthuis, le rapporteur général, Philippe Marini, ainsi que d'autres commissaires ont toujours été au rendez-vous pour avancer des propositions et soutenir celles des positions de la France qui leur paraissaient souhaitables.
Certains se sont émus du délai avec lequel ce projet de loi a été présenté devant l'Assemblée nationale, puis le Sénat. C'est que la France, en qualité de présidente de l'Union européenne et membre extrêmement actif du G20, a concentré ses efforts sur les priorités du moment, soit les niveaux international et européen, face à cette crise globale, enracinée dans des circuits de financement qui, par définition, ne connaissent pas de frontières. Je remercie d'ailleurs le Sénat de son soutien actif aux mesures d'urgence que nous avons prises pour débloquer les circuits de financement, lutter contre les mécanismes d'entraînement de la crise au sein de la zone euro et soutenir notre monnaie unique. Hier soir, mardi 7 septembre, le Conseil européen a approuvé le compromis sur la supervision européenne à Bruxelles, et j'espère que le Parlement européen en fera autant dans les prochains jours. En quelque sorte, ce travail, similaire à celui que la France avait engagé sur la consolidation de ses autorités de supervision en janvier dernier avec l'ordonnance portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, fait ressortir l'articulation des différents étages de supervision qui, je l'espère, travailleront en étroite harmonie.
J'en viens au premier volet de ce projet de loi, la régulation financière. En cette période de rentrée, nous retrouvons ces « créatures », que nous avons appris à mieux connaître depuis la crise, que sont les ventes à découvert, les ventes à découvert à nu ou encore les produits dérivés, tels les « credit default swaps » ou CDS. Cette période de décantation nous a permis d'appréhender ces « animaux étranges » dans un texte qui présente l'avantage de la sobriété : une cinquantaine d'articles contre les 1 200 pages de la loi Dodd-Franck. Quantité ne rime pas toujours avec qualité... Le texte encadre les ventes à découvert, ces activités non régulées, opaques et obscures, sur lesquelles nous avions peu de prise jusqu'à présent, notamment, concernant les volumes. Dorénavant, l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, pourra les interdire en cas de circonstances exceptionnelles. Rappelons, à ceux qui affirment que l'Allemagne est plus efficace sur ce dossier, que l'AMF avait adopté, dès octobre 2008, une décision visant à interdire les ventes à découvert sur les quinze valeurs financières déterminantes pour le marché français, mesure qui n'a pas été levée.
Ensuite, le texte transpose dans notre droit interne la réglementation européenne relative aux agences de notation, sujet qui continuera de faire couler de l'encre tant le système actuel est source de vicissitudes qu'ont mises en lumière de récents travaux, notamment ceux de Moody's et de Standard & Poor's aux États-Unis. Grâce aux travaux précurseurs de la France, le texte, abouti, précise la manière dont les agences seront agrées, contrôlées, et sanctionnées si nécessaire. Il détaille les questions de leurs règles de fonctionnement, du dépôt de modèles et de la clarification des conflits d'intérêt. S'agissant de la régulation des marchés de produits dérivés, l'AMF pourra désormais sanctionner les abus, je pense notamment aux CDS. Le renforcement des pouvoirs de l'AMF appelle légitimement le renforcement des sanctions financières qu'elle peut prononcer, multipliées par dix, et le doublement de celles décidées par l'Autorité de contrôle prudentiel, issue de la fusion de la Commission bancaire et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. En outre, le texte rend obligatoire la publicité des sanctions décidées par l'AMF, manière d'ajouter l'opprobre à la pénalité.
Enfin, ce projet de loi rend obligatoire la mise en place d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations dans chaque entreprise concernée afin de clarifier la rémunération des opérateurs de marché, plus communément appelés traders. La France s'était montrée très active sur ce dossier au sein du G20 et de l'Union européenne. Entrant en vigueur le 1er janvier 2011, la directive, dite CRD 3, comporte des mesures sur les bonus garantis, désormais interdits, sur le différé de rémunérations durant une période de trois ans et le versement d'une partie de la part non différée de la rémunération variable sous forme d'actions. Enfin, ce texte ratifie l'ordonnance du 21 janvier 2010 que le Parlement m'avait habilitée à prendre par la loi de modernisation de l'économie. Je rappelle que la création de l'Autorité de contrôle prudentiel avait pour but, non de faire « sauter des chaises », mais d'éviter que certains secteurs, entre autres celui de la distribution du crédit, ne soient dans un angle mort de notre dispositif de contrôle.
Le deuxième volet de ce projet de loi vise à faciliter le financement de l'économie pour appuyer la reprise. Cela est d'autant plus indispensable que les discussions en cours sur les règles dites de « Bâle III » aboutiront à une augmentation et de la quantité et de la qualité des capitaux de toutes les banques, y compris les nôtres. Le Gouvernement français veillera, dans ces négociations, au respect des critères spécifiques à notre économie et aux économies européennes continentales, soit un financement en majorité d'origine bancaire, et non obligataire comme aux États-Unis, avec pour souci d'éviter des disparités de traitement qui pénaliseraient nos banques par rapport à leurs homologues américaines. Cette position, je ne le cache pas, est difficile à faire valoir devant le comité de Bâle, composé d'autorités de contrôle, extrêmement sensibles aux événements de la fin de l'année 2008, considérant qu'il y a eu une insuffisance de supervision, peut-être faute de moyens. Dans ces conditions, nous devons faciliter l'accès des PME et des entreprises intermédiaires aux fonds propres en introduisant sur leur marché boursier, c'est-à-dire Alternext, des mécanismes tels qu'une procédure d'offre publique obligatoire dès lors qu'un investisseur détient plus de 50 % du capital d'une société et, mesure très attendue, une procédure de retrait obligatoire lorsqu'un actionnaire devient fortement majoritaire dans le capital d'une entreprise de ce type. Le texte renforce également OSEO, un acteur qui s'est révélé déterminant dans la gestion des conséquences de la crise sur les PME.
Autre élément, la création d'obligations de financement de l'habitat, comparables mais non similaires au régime juridique des obligations foncières en ce qu'elles ne présentent pas l'inconvénient d'être situées hors bilan ou de procéder de mécanismes de titrisation qui pourraient être dangereux. Nous n'avons pas l'intention d'introduire les « subprimes » en France... Le secteur immobilier, ou plutôt les banques, ont besoin d'un tel mécanisme de financement, compte tenu du risque. Enfin, dernier sujet, la régulation des intermédiaires financiers qui, aujourd'hui, tient de la mosaïque, améliorera la protection du consommateur par une meilleure information sur le champ de compétence des « commercialisateurs ». Voilà les grandes lignes de ce projet de loi.