Intervention de Paul-Henri Bourrelier

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mai 2011 : 1ère réunion
Les installations nucléaires françaises face aux risques naturels

Paul-Henri Bourrelier, président du conseil scientifique de l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) :

« Le séisme et le tsunami au Japon ont entraîné la catastrophe de Fukushima, nous renvoyant des échos de Tchernobyl et nous donnant un sérieux avertissement pour le futur », affirmait la semaine dernière à Genève le secrétaire général des Nations Unies lors du forum mondial de la réduction des risques de catastrophes. Par nos actions, nous pouvons composer avec les forces de la nature. « La différence est dans la préparation ». Voilà une bonne introduction pour cet exposé sur la réduction du risque de catastrophe.

Les effets chaotiques de libérations soudaines d'énergies accumulées sur des centaines d'années, voire un millier d'années, sont particulièrement difficiles à modéliser et à penser car ils provoquent la sidération. On utilise l'équation de base suivante : le risque est égal à l'aléa multiplié par l'exposition et par la vulnérabilité. Un message important à faire passer : lorsque les cibles sont proches ou que l'aléa dépasse un certain volume, il faut raisonner sur le système ; impossible de traiter isolément une centrale nucléaire, une raffinerie ou un barrage.

Pour évaluer les aléas naturels, on utilise essentiellement les lois physiques et la statistique, avec un mouvement de balancier d'un outil à l'autre. Seuls nous intéressent les aléas répartis sur les terrains ; on peut faire de la géostatistique, les cartographier et retrouver leurs traces dans le passé en utilisant la paléogéographie ou la paléogéologie. Du fait de phénomènes de saturation, l'intensité de l'aléa de terrain n'est pas fonction de l'aléa source. D'où la nécessité d'une identification fine, car leur répartition, fonction de la géologie, est en peau de zèbre. On l'a constaté récemment au Japon ou encore à Los Angeles : à quelques mètres de distances, le danger peut ne plus être mortel. Pour un séisme, l'intensité de terrain correspond donc aux accélérations locales, non à la magnitude.

Comment gérer ces aléas ? On utilise un aléa de référence, fondé sur une fréquence accessible à l'esprit - pour les inondations, cent ans ; pour les séismes, cinq cents ans. L'idéal est toutefois de connaître l'aléa extrême, ce dont l'intervenant précédent a souligné les difficultés. En pratique, on prend un aléa extrêmement rare - une approximation un peu dangereuse, mais un progrès indéniable par rapport à l'aléa de référence. La directive européenne sur les inondations en fait depuis quelques années une obligation. Les Hollandais travaillent sur un aléa de 1/10 000. En France, on utilisera probablement celui de 1/2 000. Pour les séismes, il faudrait retenir un aléa de 1/10 000 ou 1/5 000. Toutes les observations, qu'elles soient géologiques ou historiques, sont à mettre en oeuvre, pour mener à bien ce travail dont on n'est pas au bout.

Pour réduire la vulnérabilité, une notion complexe qui comporte plusieurs dimensions - physique, écologique, culturelle et économique -, il y a la boîte à outils de la mitigation. Cette dernière comporte des mesures sans seuil, telle la méthode parasismique qui permet une réduction continue de la vulnérabilité (la digue ne s'effondre pas en cas de dépassement), et des mesures à seuil (la vague de submersion emporte une digue). La distinction est essentielle, on l'a vu lors de l'accident de Fukushima.

La gestion des risques cumulés sur les territoires passe par des actions intégrées sur les aléas, les expositions et les vulnérabilités à l'échelle de l'installation proprement dite, du site et, enfin, de la région. Emboîtement et intégration, voilà la façon dont on peut composer avec les risques, les réduire à une probabilité extrêmement faible. La probabilité nulle n'existe pas !

L'essentiel est peut-être de combattre le déni, point sur lequel insiste le philosophe Jean-Pierre Dupuy. Cette tendance naturelle de l'esprit devant l'inconnu - nos collègues sismologues japonais ont récemment donné la preuve de cette dimension comportementale - empêche la prise en compte globale et collective des risques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion