Intervention de Jean-Marc Miraucourt

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mai 2011 : 1ère réunion
Les installations nucléaires françaises face aux risques naturels

Jean-Marc Miraucourt, directeur de l'ingénierie nucléaire à EDF :

Les risques naturels sont pris en compte dès la conception des centrales selon une démarche systématique, indépendante de l'aléa. Trois fonctions de sûreté sont à assurer : la maîtrise de la réaction nucléaire, l'évacuation de la puissance et le confinement de la radioactivité. La défense en profondeur consiste en trois lignes successives. La première est la prévention contre les effets des événements naturels, par exemple à travers des digues ou des dispositifs de résistance des bâtiments et matériels. La seconde consiste en des parades matérielles à la défaillance des systèmes. Enfin, la troisième ligne de défense consiste en des parades pour faire face aux conséquences d'un éventuel accident.

Les risques sont pris en compte dès le choix initial du site, à toutes les phases de la conception initiale, et lors des réexamens de sûreté périodiques. Les installations sont modifiées si nécessaire suite à l'analyse de retours d'expérience, à l'amélioration des connaissances scientifiques ou au changement du contexte naturel, par exemple climatique.

La protection des installations contre les événements naturels repose sur une détermination prudente de l'aléa retenu, par une étude des caractéristiques de chaque site. L'aléa historique est aggravé et majoré pour tenir compte du risque nucléaire en lui-même. Des marges supplémentaires sont ajoutées dans la conception des installations. On définit un séisme maximum vraisemblable, en fonction des caractéristiques géologiques de la région et de la sismicité historique, en ramenant l'épicentre au plus près du site. Ainsi, alors que le séisme de Bâle, en 1356, s'est produit à 40 kilomètres de Fessenheim et était d'une magnitude de 6,2, nous le ramenons à 30 kilomètres du site (à Penly on a été jusque sous la centrale). Pour définir un séisme majoré de sécurité, l'on augmente sa magnitude de 0,5, ce qui revient à multiplier l'énergie par cinq. Les bâtiments qui enferment du combustible sont dimensionnés en fonction d'un aléa encore majoré. A Fessenheim, on atteint une accélération de 0,2 G au lieu de 0,13 G calculé.

Les méthodes de conception et de construction procurent une robustesse supplémentaire. Au Japon, il n'y a pas eu de dégâts majeurs dus au séisme lui-même. Les normes de construction visent le non-endommagement de l'installation, contrairement au bâti courant, qui se borne à la résistance. Des maquettes à l'échelle d'un quart sont soumises à des tests sur des tables vibrantes.

Les visites décennales prennent en compte l'amélioration des connaissances scientifiques sur l'aléa ou sur le comportement des bâtiments, et donnent lieu à la révision de la réglementation en vigueur. EDF a ainsi investi 500 millions d'euros dans des travaux de renforcement de tenue au séisme, 25 millions par réacteur à Fessenheim et Bugey. EDF finance également un programme de recherche international visant à améliorer la connaissance de l'aléa sismique en France.

Face à l'inondation, la première ligne de défense comprend les digues, les travaux d'étanchéité des bâtiments. Il faut envisager la conjonction possible d'aléas, par exemple une rupture de barrage cumulée à une crue centennale, des pluies brèves et intenses, ou régulières et continues. Nous ajoutons des marges par cumul d'événements supplémentaires. Le risque de tsunami est considéré comme couvert par ensemble des marges prises en compte contre le risque inondation. La tempête de Blayais en 1999 a été riche d'enseignements : il n'y a pas eu d'accident, mais une défaillance de la première ligne de défense, qui a conduit à réexaminer la règle de cumul et à apporter des modifications sur l'ensemble des sites.

Deuxième ligne de défense, les parades à la défaillance des systèmes d'alimentation électrique. Les centrales disposent en permanence de cinq sources d'alimentation différentes. Parmi ces systèmes redondants, l'un, au diesel, est résistant aux séismes et aux inondations. En cas de perte de refroidissement, un réservoir d'eau fournit le système d'alimentation de secours, qui fonctionne grâce à la vapeur produite par la centrale.

Troisième ligne de défense, les parades pour limiter les conséquences de la dégradation du combustible, qui découlent notamment du retour d'expérience de Tchernobyl. En cas d'accident dans le coeur du réacteur, le confinement est assuré par les trois barrières de l'enceinte, les rejets radioactifs issus du bâtiment sont filtrés, et un recombineur d'hydrogène permet d'éviter l'explosion. Contrairement au cas japonais, notre système de filtrage permet de retenir 99,9% du césium émis.

À la suite de l'accident de Fukushima, EDF va réexaminer les trois lignes de défense pour déterminer les marges, identifier d'éventuels points faibles et mettre en place si nécessaire de nouvelles parades. Ces travaux sont menés sous le contrôle de l'ASN, selon le cahier des charges des audits de sûreté demandés par le Premier ministre.

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