Intervention de Daniel Shek

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 novembre 2006 : 1ère réunion
Audition de son exc. M. Daniel Shek ambassadeur d'israël en france

Daniel Shek :

a indiqué que, depuis sa prise de fonction, l'actualité avait provoqué, en l'espace de deux mois et demi, un changement dans l'ordre de priorité des trois principaux dossiers pour Israël - Liban, Iran et question palestinienne - replaçant celle-ci au premier rang, sous l'effet conjugué du cessez-le-feu dans la bande de Gaza et du récent discours du premier ministre israélien.

Il a noté que le cessez-le-feu dans la bande de Gaza était le premier à être observé depuis le retrait israélien d'août 2005. Ce retrait, censé marquer un moment charnière dans l'esprit des Israéliens et salué comme tel par la communauté internationale, n'avait pourtant pas permis d'éviter une exposition quasi quotidienne des localités du sud d'Israël aux tirs de roquette Qassam depuis la bande de Gaza. Le récent cessez-le-feu reste fragile et n'est pas encore totalement respecté, mais des instructions officielles de modération données à l'armée israélienne permettent de maintenir un calme relatif.

Evoquant le discours du premier ministre Ehud Olmert, il en a souligné la symbolique et la portée : prononcé lors de la commémoration de la mort du fondateur d'Israël, David Ben Gourion, il s'agit d'une véritable déclaration d'intention, d'un appel aux Palestiniens, au monde arabe et à la communauté internationale, pour briser le blocage actuel du dialogue et permettre d'envisager la question israélo-palestinienne sous un angle nouveau. Le Premier ministre a déclaré qu'Israël était prêt à payer le prix nécessaire pour nourrir l'espoir de paix et s'est notamment référé à l'initiative de paix arabe de 2002 comme une base de discussion possible. Pour l'ambassadeur d'Israël, la prudence s'impose néanmoins quant à la possibilité de traduire cette volonté dans les faits. Le gouvernement palestinien reste dirigé par le Hamas, qui persiste dans sa négation d'Israël. Le président Abbas, homme courageux et de bonne volonté, qui privilégie le concept de la coexistence de deux Etats, aurait-il la capacité nécessaire pour faire respecter ses éventuels engagements ? Néanmoins, le discours de M. Ehud Olmert, courageux et nécessaire, témoigne d'une nouvelle réalité et d'une réelle ouverture côté israélien.

a indiqué que la crise libanaise avait donné lieu à des interprétations nombreuses et que, en Israël même, conformément aux traditions politiques du pays, des analyses étaient en cours pour tirer les conséquences de ce conflit. Il a considéré que les guerres « modernes », opposant une armée régulière à une milice, étaient particulièrement difficiles à analyser. Il convenait plutôt, a-t-il estimé, de comparer la situation nouvelle avec celle qui prévalait avant le conflit. A cette aune, un certain optimisme est possible. La résolution 1701 instaure un embargo sur les armes et fait interdiction aux combattants du Hezbollah de se réinstaller au sud-Liban ; elle promet d'obtenir la libération des deux soldats israéliens enlevés et illustre une responsabilité croissante de la communauté internationale à travers la transformation de la FINUL en une réelle présence militaire. L'application minutieuse de cette résolution pouvait donc conduire à de vrais changements. Mais, précisément, a relevé M. Daniel Shek, on peut s'interroger sur l'application de la résolution 1701. Ainsi, non seulement les soldats israéliens enlevés n'ont pas été libérés, mais les autorités israéliennes n'ont aucune information sur leur état de santé, ni même de preuves de vie. Ensuite, l'embargo n'est pas appliqué, ainsi que le Représentant spécial du secrétaire général, M. Terjie Roed-Larsen, l'a clairement indiqué dans un de ses rapports aux Nations unies. Israël dispose d'informations claires attestant de la réinstallation de membres du Hezbollah au Sud-Liban, reconstituant des « réserves naturelles », zones qui seraient interdites à tous, à la FINUL comme à l'armée libanaise, sauf au Hezbollah. Les survols du territoire libanais par l'aviation israélienne n'ont d'autre but que de vérifier l'application de la résolution 1701. Une réflexion est en cours pour trouver un mécanisme de remplacement qui confierait cette mission de surveillance aérienne à différents pays, dont la France. Les images recueillies par les avions israéliens attestent du réarmement du Hezbollah. Ces informations sont transmises à la FINUL à qui son mandat interdit malheureusement d'en tirer toutes les conséquences.

L'ambassadeur d'Israël a ensuite établi une hiérarchie des menaces pesant sur son pays. Il a estimé que la question libanaise était, pour Israël, une menace à la fois « non existentielle » et de court terme et que, mis à part le Hezbollah, il n'y avait pas de véritable raison de conflit entre Israël et le Liban. Quant à la question palestinienne, elle était une menace, certes non existentielle, mais de long terme. Les Palestiniens n'ont en effet pas les moyens de nuire à l'existence même d'Israël mais aucune solution globale n'est possible dans l'immédiat. La question iranienne, en revanche, est à la fois existentielle et de long terme, ce pays manifestant une claire volonté de rayer Israël de la carte. Evoquant des propos selon lesquels la rationalité du président iranien pourrait être mise en doute, il a considéré que M. Ahmadinejad faisait preuve à la fois de sérieux et de constance dans ses idées. La capacité pour l'Iran de disposer de l'arme nucléaire représenterait un changement radical pour l'Etat hébreu. M. Daniel Shek a cependant considéré qu'il serait dangereux de réduire la menace iranienne à son seul volet israélien. La combinaison d'un régime islamiste expansionniste, d'un président aux idées négationnistes et de l'arme nucléaire constitue un défi pour le monde entier et un changement de toutes les analyses stratégiques. L'Iran ne serait en effet pas le dernier pays à se doter de l'arme nucléaire, l'Egypte, l'Arabie saoudite et les pays du Golfe pouvant souhaiter emprunter le même chemin. Comment, même pour les grandes puissances, serait-il possible de traiter des conflits au Proche-Orient avec des Etats dotés de l'arme nucléaire ?

Israël n'a pas l'intention de procéder à une action militaire pour mettre fin au programme nucléaire iranien et entend résoudre cette question par la diplomatie. Mais Israël défend une vision plus complète de la notion de diplomatie, qui doit pouvoir comprendre aussi un dialogue plus ferme, l'application effective de sanctions, voire la menace d'une intervention militaire. Priver l'action diplomatique de telles options lui ôte une grande part de sa marge de manoeuvre et de chance de réussite, ce qui explique que les négociations sur les sanctions traînent en longueur sans aboutir à aucun résultat.

Evoquant enfin la relation bilatérale entre la France et Israël, M. Daniel Shek en a souligné le caractère privilégié et affectif, qui donnait parfois au moindre désaccord des proportions démesurées. Le dialogue bilatéral est fréquent et franc, comme en atteste la visite de six ministres israéliens en France, dont Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères, en l'espace de deux semaines. Il a par ailleurs exprimé sa reconnaissance envers le président du Sénat pour l'audience accordée aux familles des soldats israéliens enlevés.

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