Intervention de Pierre Radanne

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 8 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Radanne auteur du livre « energies de ton siècle ! des crises à la mutation »

Pierre Radanne :

En introduction, M. Pierre Radanne a observé que si la France avait connu entre 1973 et 2005 une croissance du PIB par habitant de 105 %, la consommation d'énergie par habitant avait été stable sur cette période, puisqu'elle n'avait crû que de 2,85 %. Au-delà de ce remarquable résultat exprimant la mutation intervenue depuis le premier choc pétrolier, il a évoqué les grands mouvements de substitution s'étant opérés dans le secteur des énergies dans notre pays, soulignant la disparition du charbon et affirmant que le pétrole s'était resserré vers les transports et que sa consommation était en voie de stabilisation, tandis que le gaz, principalement orienté vers la production de chaleur, voyait sa consommation connaître une légère hausse, tout comme l'électricité.

Abordant plus spécifiquement l'électricité, il a salué les progrès réalisés ces dernières années en matière d'efficacité énergétique, que ce soit sur l'éclairage domestique ou urbain, les appareils ménagers, l'isolement des logements ou encore l'utilisation de puces électroniques dans l'industrie pour optimiser la consommation grâce à un contrôle permanent. Mais il a fait remarquer qu'à moyen et long terme, la consommation d'électricité allait augmenter, notamment, en raison de la lutte contre l'émission des gaz à effet de serre (GES) et le changement climatique, dans le secteur automobile, avec les progrès des voitures hybrides.

Puis M. Pierre Radanne a considéré que les solutions à proposer en ce qui concerne l'approvisionnement énergétique devaient prendre en compte de nombreuses contraintes, d'ordre essentiellement environnemental : épuisement des ressources rares, pollution de l'air, changement climatique et risques technologiques. Il a estimé que la première exigence morale consistait à réduire ces contraintes par les économies d'énergie, l'amélioration des comportements individuels de consommation, le développement des énergies renouvelables et le remplacement du pétrole par d'autres sources d'énergie dans le secteur des transports, toutes mesures qui pourraient permettre, à échéance d'une génération, de résoudre le problème pour moitié. Evoquant par ailleurs les effets pervers des différentes sources d'approvisionnement énergétique, il a jugé que si le pétrole, le gaz et le charbon étaient certes épuisables et générateurs de GES, ces combustibles étaient néanmoins préférables au nucléaire, qui pose le triple problème des effets dévastateurs d'un éventuel accident, de la gestion des déchets et du contrôle de sa possible prolifération militaire à travers le trafic d'uranium.

Reconnaissant que le rendement du système énergétique français, de l'ordre de 35 %, restait modique face aux 65 % de perte, notamment dans l'électricité, il a ensuite indiqué que des progrès pourraient être rapidement réalisés grâce aux évolutions technologiques, telles que la cogénération industrielle et la microgénération domestique qui permettent à la fois de produire de l'électricité et de chauffer, le développement de la pile à combustible ou encore le contrôle des réseaux à distance. Ayant fait remarquer qu'il s'agissait là de solutions à très haut rendement et qu'à ce titre, la décentralisation des systèmes était une question cruciale en termes de sécurité d'approvisionnement, il a ajouté que la question du stockage de l'électricité n'était pas moins importante, bien que les avancées technologiques en la matière restent très lentes, notamment pour le stockage massif, malgré les progrès réalisés sur les batteries.

a ensuite évoqué la question du « dispatching » en France, rappelant à cet égard l'actuel ordre d'appel des sources d'énergies : « en base », le nucléaire, peu modulable, puis l'hydraulique, complément énergétique plus souple, et enfin « en pointe », le gaz, dont la production reste très centralisée. Il a toutefois estimé qu'en dépit des résistances au changement de la part de certains acteurs, une nouvelle structure énergétique était appelée à se développer : le nucléaire, les énergies renouvelables intermittentes, comme l'éolien, la cogénération décentralisée, l'hydraulique et, enfin, le gaz centralisé.

Plaidant pour le renforcement de l'interconnexion des réseaux au niveau européen, M. Pierre Radanne a jugé nécessaire de mener des politiques ciblées visant à :

- stabiliser la consommation énergétique française de l'ordre d'1 à 2 % par an grâce aux économies d'énergie, la loi du 13 juillet 2005 créant les certificats d'économie d'énergie lui paraissant à cet égard constituer un puissant moyen d'action, sous réserve que les prescriptions réglementaires soient plus ambitieuses que celles récemment décidées ;

- contribuer à la suppression des pics de consommation par la mise en oeuvre d'incitations tarifaires ;

- assurer une meilleure répartition de la production d'énergie sur le territoire national, par la décentralisation des moyens de production ;

- relancer la prospective en matière énergétique, interrompue depuis le dernier exercice réalisé en 1995, pour anticiper sur les besoins d'investissement lourds dans le secteur ;

- inciter les consommateurs et les constructeurs à modifier l'utilisation des appareils électriques, ainsi que la création du tarif de nuit l'a fait dans les années 1960 en ce qui concerne les chauffe-eau ;

- éviter le développement du chauffage électrique, en particulier par les convecteurs, qui lui semble constituer le principal problème de consommation et qui pourrait être surmonté par le recours aux pompes à chaleur et à la géothermie, méthodes permettant de diviser la consommation par trois par rapport aux résistances chauffantes aux joules.

Enfin, M. Pierre Radanne a estimé que la sécurité d'approvisionnement électrique était fragilisée par l'actuel mouvement de dérégulation. Rappelant la formule du Conseil national de la Résistance, selon laquelle « l'énergie est le sang de la Nation », il a observé que les acteurs socio-économiques réclamaient l'intervention de l'Etat en cas de pénurie énergétique et qu'ils souhaitaient le libre jeu du marché lorsqu'il n'y avait pas de difficulté. Estimant qu'à long terme la planète serait confrontée à des problèmes croissants d'approvisionnement énergétique compte tenu de l'épuisement du pétrole, des tensions dans les pays producteurs, et des risques environnementaux que font peser les GES sur le climat, il a plaidé pour une régulation forte du secteur de l'énergie. S'agissant plus particulièrement de l'électricité, il a considéré que sa caractéristique d'être un produit non stockable faisant peser sur les réseaux une contrainte de fonctionnement en temps réel, rendait nécessaire la planification du secteur et inadaptée son ouverture à la concurrence.

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