Nous examinons pour la première fois un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ouverte par la loi organique du 22 février 1996, consacrée par la loi organique de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, cette faculté n'a jamais été utilisée par le Gouvernement jusqu'ici.
Si la loi organique impose à la loi de financement votée chaque année de comporter une partie sur la rectification des prévisions et objectifs de l'année en cours, nous ne devons toutefois pas exclure la possibilité de modifier ces équilibres à d'autres occasions, par exemple pour accompagner une réforme importante comme pour les retraites ou la dépendance.
Avec ce projet, le Gouvernement anticipe la révision de la Constitution actuellement en débat puisqu'aucune règle, constitutionnelle ou organique, ne l'obligeait à présenter un tel texte pour mettre en place la prime de partage de la valeur ajoutée, objet de l'article premier. Cette nouvelle rigueur gouvernementale est bienvenue, et je souhaite qu'elle perdure.
Le projet de loi comporte deux parties : les articles 1 à 9 retracent les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année 2011 ; les articles 10 à 15 concernent les dépenses pour l'année 2011.
Il ne concerne que les comptes 2011 et modifie à la marge seulement les prévisions de la loi de financement initiale, mais ces évolutions interviennent dans le bon sens, ce dont je me félicite. Ainsi, le déficit du régime général, qui devait s'établir à 20,9 milliards, pourrait se limiter à 19,3 milliards. Cette amélioration de 1,6 milliard découle à la fois d'une augmentation des recettes, pour près d'un milliard, dont 600 millions au titre d'une progression de la masse salariale plus dynamique que prévue et près de 400 millions au titre de la prime qui figure à l'article premier, et d'une baisse des dépenses de 600 millions due, pour 500 millions, à la branche famille, en raison de la baisse des prévisions de dépenses d'allocation logement, et pour 100 millions à la branche vieillesse qui enregistre les premiers effets de la réforme des retraites. Pour les autres branches, les prévisions de l'automne dernier ne sont pas modifiées.
L'article 9 propose de rectifier le montant du plafond applicable à l'Acoss en le fixant à 18 milliards. Dans la loi de financement initiale, ce plafond avait été fixé à 58 milliards d'ici fin mai 2011, puis à 20 milliards au-delà. Selon l'exposé des motifs, l'amélioration de la situation financière du régime général permet d'abaisser ce plafond. En réalité, celui-ci reste fixé à un niveau particulièrement élevé et extrêmement prudent, car le point bas de la trésorerie de l'Acoss pour la deuxième partie de l'année ne devrait pas dépasser 10,2 milliards à la mi-juillet.
L'article qui approuve les prévisions quadriennales rectifie deux hypothèses : la progression de la masse salariale du secteur privé (3,2 % en 2011 au lieu de 2,9 % et 4,2 % en 2012 au lieu de 4,5 %), et la croissance du PIB revue à la baisse pour 2012 (2,25 % au lieu de 2,5 %). En dépit de ces quelques ajustements, les trajectoires de déficit ne sont malheureusement guère modifiées, et le déficit du régime général se stabiliserait simplement, s'élevant encore à 17,7 milliards en 2014 - une dette sociale se reconstitue... Nous sommes encore loin de l'équilibre : nous devrons donc rester vigilants, car l'évolution de la conjoncture reste incertaine.
La prime créée par l'article premier trouve son origine dans le rapport commandé par le Président de la République à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, sur le partage de la valeur ajoutée et des profits, ainsi que sur les écarts de rémunérations. Ce rapport constate que la part de la rémunération des salariés dans la répartition de la valeur ajoutée est restée autour de 65 % depuis la deuxième moitié des années 1980, avec toutefois de fortes disparités selon la taille et le secteur des entreprises. Il indique également que le choix d'une protection sociale de haut niveau explique en grande partie la progression extrêmement faible des salaires nets depuis le début des années 90. Sur longue période, la masse salariale a évolué au même rythme que l'activité, mais la part d'activité perçue par les 1 % de salariés les mieux rémunérés est, elle, passée de 5,5 % à 6,5 % entre 1996 et 2006, ce qui a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l'échelle et fortement distancé par l'extrémité haute de cette même échelle.
Le rapport analyse enfin la suggestion d'une répartition égale des bénéfices entre les investissements, les dividendes et les salariés - comme le fait déjà notre collègue Serge Dassault dans son entreprise - et conclut qu'elle paraît difficile à mettre en oeuvre, puisque la proportion est de 57 % pour l'investissement, 36 % pour les actionnaires et 7 % pour les salariés. Néanmoins, la part des dividendes distribués a quasiment doublé depuis dix ans.
Invités à se saisir de cette question dès juin 2009, les partenaires sociaux ne l'ont pas encore fait. La prime créée par l'article premier s'inscrit dans ce contexte. Elle s'imposera lorsqu'une société aura attribué à ses associés ou actionnaires des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne de ceux versés au cours des deux exercices précédents ; elle sera obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés ; elle s'appliquera dans toutes les entités des groupes ; elle bénéficiera à tous les salariés des entreprises concernées mais pourra, comme la participation, être modulée en fonction du montant des salaires ou de l'ancienneté.
Le dispositif sera négocié dans chaque entreprise et, en cas d'impossibilité de conclure un accord, la prime sera attribuée par décision unilatérale de l'employeur, sans pouvoir, dans un cas comme dans l'autre, se substituer à des augmentations de rémunérations. C'est en tout cas ce qui est écrit...
Le régime social de cette prime est aligné sur celui de l'intéressement et de la participation : sous un plafond de 1 200 euros, elle sera exonérée de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, mais assujettie à la CSG, à la CRDS et au forfait social dont nous avions suggéré la création et qui a été mis en oeuvre par le Gouvernement.