Annie Jarraud-Vergnolle a bien démontré, dans le rapport qu'elle nous a présenté, cette question des services sociaux d'intérêt général. Que ce soient les Ssig, les Sieg ou même les services non économiques, on pourrait multiplier les sigles concernant les services sociaux. Aujourd'hui, deux logiques, ou deux législations, s'affrontent : d'un côté, notre législation française avec la protection des services sociaux tels qu'on a eu l'habitude de les voir protégés ; de l'autre, la logique européenne avec la libéralisation des marchés, soutenue par les différents traités qui ont été adoptés et qui font que tout porte à concurrence, même nos services publics. Je regrette de n'avoir pas pu m'impliquer davantage dans le travail préparatoire à l'examen de ce rapport. Je vous rappelle qu'avec mon groupe, nous avions déposé une proposition de résolution qui visait à retirer de la directive services l'ensemble de ces services publics.
Plusieurs des propositions envisagées semblent intéressantes, par exemple celle concernant le mandatement. Je veux bien entendre parler de mandatement sauf que dans notre législation, aujourd'hui, cette notion ne possède pas vraiment de statut particulier. C'est plutôt une notion européenne. Comment faire pour concilier les droits et parvenir, grâce au mandatement, à protéger les services publics et ne pas être obligé de passer par un appel d'offres ? La CJCE risque d'intervenir.
Je pense également qu'il faudrait clairement définir ce que l'on appelle les services publics. A partir du moment où nous aurons défini ce que nous voulons voir entrer dans l'appellation « services publics », ils pourront échapper au champ d'application de la directive services ; à défaut, les problèmes persisteront sauf à bien définir le mandatement et encore, je n'en suis pas certaine. Le mieux serait de sortir du champ de la directive l'ensemble des services publics, et adopter une directive cadre, comme le préconise la deuxième proposition, visant à promouvoir les services d'intérêt économique général dans l'Union européenne. C'était un peu le cheminement qui avait été retenu lors de la révision de la directive Bolkenstein, à l'article 2.2.j cité dans le rapport qui énumère tous les services concernés.
Je suis inquiète des risques de judiciarisation ; il est possible d'imaginer que la garderie périscolaire soit une concurrence pour les assistantes maternelles : la garderie périscolaire est un service public mis en place par nos communes mais les assistantes maternelles proposent aussi ce service. Elles pourraient faire appel à la CJCE en arguant qu'il s'agit d'un service qui leur fait une concurrence déloyale puisqu'elles ne peuvent pas pratiquer les mêmes tarifs. Est-ce que, pour autant, il faut empêcher nos communes de proposer ce type de service à leur population ? La restauration scolaire soulève un problème identique. Si nous poussons les choses à l'extrême, nous pouvons faire entrer tous les secteurs dans le cadre de cette directive services dès lors qu'ils n'en ont pas été exclus.
Il est certain que si l'on en reste à l'exception française, au « service public à la française » qui est notre spécificité, il sera très difficile de contrer l'ensemble de ces directives, et notamment la directive Bolkenstein qui impose les règles de la concurrence dans tous les domaines. Tout ce que l'on pourra mettre en oeuvre risque d'être frappé d'illégalité par la Commission européenne. Je vous félicite pour votre travail et ce rapport. J'espère que nous pourrons aboutir sur vos propositions dont certaines me semblent intéressantes.