La RGPP et la RéATE sont deux processus distincts.
Nous avons lu les comptes-rendus des auditions précédentes : l'ensemble des intervenants, sauf le directeur général à la modernisation de l'Etat, ont constaté qu'il n'y avait pas de processus démocratique derrière la RGPP qui est présentée comme une révision de l'organisation de l'Etat. Mais sur le terrain, elle a changé le contrat social passé avec les agents publics. Elle attaque les missions. Les ministères sont réduits à un rôle passif. Certains ministres sont obligés de se justifier devant leur administration.
La RGPP diminue le coût de fonctionnement de l'Etat sans s'interroger sur le coût final pour l'usager.
La RGPP, c'est la transformation des services publics solidaires payés par l'impôt en services publics payés par les usagers.
Les conséquences de la réforme sont très négatives : c'est relevé par les élus et le Médiateur.
Nous avons constaté le service dégradé sur la voirie l'hiver dernier. La RéATE est un processus légitime mais dévoyé par la RGPP, par les suppressions massives de personnels, par la fin de certaines missions comme l'ingénierie publique.
On demande des suppressions de postes avant d'avoir engrangé les gains des réorganisations nécessaires.
La réduction du nombre de fonctionnaires par le non-remplacement d'un sur deux, s'établit à trois sur quatre dans les DDI. Il est procédé à de très nombreuses mutualisations dans tous les sens : au prétexte de la parole unique de l'Etat sur le territoire, la lisibilité de la LOLF est brouillée (on ne sait plus qui travaille pour qui).
Le ministère de l'intérieur a relancé, le mois dernier, 36 nouveaux projets de mutualisation. Et l'on assiste à la régionalisation du fonctionnement de l'Etat avec la volonté de séparer les services de leurs ministères et, en conséquence, de leur réseau professionnel. Donc, on met en cause l'efficacité des agents.
On a escamoté les débats : auparavant, on avait des ministères qui, historiquement, portaient des positions très différentes comme l'équipement et l'environnement. Le débat était sur la place publique et on pouvait prendre une décision en connaissance de cause. Aujourd'hui, il est escamoté dans la structure de l'Etat
Les phases suivantes peuvent être encore plus brutales : on peut imaginer des directions régionales interministérielles, la disparition des administrations centrales remplacées par des agences qui ne traiteront que du dialogue de gestion avec les préfets de région.
On a le sentiment que la RéATE se traduit petit à petit par la disparition de l'organisation ministérielle de l'Etat.
Deux sondages récents ont manifesté les critiques des fonctionnaires sur leur administration.
Cette voix affaiblie de l'Etat est inquiétante.
Au niveau de notre ministère -le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement-, la RGPP a pris la forme d'un dossier : RH 2013 (ressources humaines 2013) qui est la traduction pure et dure des suppressions RGPP (dans les 2 ans à venir, un agent sur 2 va être muté vers un autre ministère). On a mis « en mouvement forcé » 10 000 agents sur les 60 000 que compte le ministère. Quelques chiffres : en Bourgogne, moins 24 agents sur 2012-2013 pour l'application du droit du sol. La DDT de la Creuse va perdre 80 agents en 6 ans.
La démotivation des agents est historique, notamment chez les cadres, très critiques, alors que, auparavant, ils portaient les réformes.
Les conséquences seront directes et importantes pour les collectivités locales, ne serait-ce que pour la mission en matière de droit du sol : ce sont moins 700 agents sur la mission pour l'ensemble de la France.
Le conseil aux collectivités passera au dernier plan. L'ATESAT est en train de mourir de sa belle mort.
Il va falloir prioriser les missions obligatoires : on ne fera pas tous les plans de prévention des risques en même temps. Certaines communes vont donc attendre des années ou abandonner.
Tout le monde regrette, en conséquence, le bon temps des DDE. On a lu le rapport de M. Daudigny.
Dans un département, on nous a signalé qu'il n'y avait plus de contrôle sanitaire sur les cantines depuis 2 ans. C'est assez inquiétant.
Des agents vont être déplacés.
Dans le Maine-et-Loire, par exemple, on est passé de 14 subdivisions territoriales à 4. Deuxième phase : on va supprimer les subdivisions territoriales.
Les DDT ne sont pas les seules affectées : on peut citer les services de navigation. Se posent des questions sur les missions portées, notamment sur les réseaux secondaires où les moyens vont manquer. Les services routiers, n'en parlons pas : les centres d'exploitation ferment les uns après les autres, en particulier en montagne.
Notre corps des ingénieurs TPE comportait 2.400 membres en 2006 dans les DDE, et moins de 1 000 à la fin de l'année.
Il faut donc redessiner le rôle de l'Etat, redéfinir l'articulation entre les différents niveaux et redéfinir le management, maintenir l'équilibre entre niveaux régional et départemental.
Aujourd'hui, il n'y a plus de moyen suffisant pour les formations.
Il faut mettre en place un management intelligent pour travailler en réseau. Les fonctionnaires techniques ne peuvent fonctionner qu'en réseaux notamment scientifiques et techniques de notre ministère.
La notion de confiance disparaît.
Les administrations centrales sont trop prises, aujourd'hui, dans des considérations de court terme.
Il y a donc le besoin de reconstruire la confiance entre l'Etat et ses fonctionnaires.