a rappelé qu'il attachait un grand prix à la mission d'assistance au Parlement dévolue à la Cour des comptes, en particulier dans la mise en oeuvre de la LOLF.
Il a souligné que si la LOLF, qui couvre tout à la fois la réforme des procédures budgétaires et comptables, accorde au Parlement des pouvoirs accrus en matière budgétaire, elle a donné un immense travail aux administrations qui ont dû mener de front la réforme budgétaire -c'est-à-dire le changement de nomenclature, la transformation de la procédure, la profonde rénovation du pilotage avec la mise en place d'une mesure des résultats- et la réforme comptable. Il a estimé que cette lourde charge pouvait expliquer que certaines dimensions de la réforme aient progressé plus vite que d'autres.
Il a indiqué que la Cour des comptes remettrait ses premières observations aux mois de mai et juin prochains en déposant trois rapports : sur les résultats de l'exécution budgétaire, sur les comptes et un rapport dit « préliminaire » dont la vocation est de chapeauter les deux premiers et d'offrir un diagnostic global des finances publiques de notre pays.
Il a ensuite fait part des premières constatations les plus significatives concernant le retard inéluctable de la mise en place du volet « performance » de la LOLF, les difficultés de mise en oeuvre de la réforme comptable et l'organisation des relations de la Cour des comptes avec le Sénat.
S'agissant de la réforme budgétaire et administrative, M. Philippe Séguin a indiqué que le rapport sur les résultats de l'exécution budgétaire prendrait la suite du rapport sur l'exécution des lois de finances et en renouvellerait profondément l'esprit et la portée par l'examen, dès 2007, des rapports annuels de performance et des résultats des ministères. Il a observé, toutefois, que l'état de préparation des administrations à l'exercice de mesure des résultats étant encore très faible, la Cour des comptes ne procèderait pas à la revue exhaustive des résultats obtenus pour l'ensemble des programmes, mais envisageait d'examiner une sélection de 12 à 15 programmes (soit environ 10 % de l'ensemble des programmes) comprenant des programmes plutôt avancés en matière de performance et d'autres plus en retard, de façon à donner un point de vue équilibré de la situation, sur les difficultés rencontrées et les progrès réalisables.
Pour 2006, il a fait état des premières observations qui figureront dans le prochain rapport et qui soulignent un certain nombre de difficultés :
- tout d'abord, l'ampleur du retard pris notamment dans la déclinaison des budgets de programme en budgets opérationnels de programme (BOP), étape importante dans la mise en place des crédits, qui devait avoir lieu au cours du dernier trimestre 2005, et devrait conduire les administrations à reproduire les schémas de gestion en vigueur en 2005 et donc à une mise en oeuvre a minima de la LOLF ;
- ensuite la question de l'architecture budgétaire, qui n'est plus nécessairement en phase avec la structure des services, et qui se pose avec acuité au niveau local, dans la mesure où les ministères ont fait des choix différents concernant le niveau territorial à privilégier. A cet égard, M. Philippe Séguin a souligné que le choix du niveau départemental conduisait à déléguer des enveloppes de taille réduite ne permettant généralement pas de faire jouer la fongibilité des crédits, qui constitue pourtant un apport majeur de la réforme. Précisant que les directeurs de services déconcentrés pouvaient être responsables de plusieurs budgets opérationnels de programme constituant pour eux autant d'enveloppes non fongibles, il a considéré que le risque était réel de voir s'imposer une logique verticale qui placerait les chefs de services déconcentrés en relation directe avec de nombreux responsables de programme, sans que le préfet soit associé ;
- enfin, la question de la performance et de l'analyse des coûts, qui soulève les difficultés méthodologiques et pratiques les plus fortes. M. Philippe Séguin a souligné, à cet égard, qu'il était possible de mesurer soit la performance des politiques publiques dans leur ensemble, qu'elles soient menées avec des crédits de l'Etat ou non, soit la performance de la gestion des seuls crédits qui relèvent de l'Etat et que ces deux conceptions se retrouvaient dans les projets annuels de performance présentés cette année. Il a également estimé que la question de la définition de la stratégie des administrations à travers les missions budgétaires prévues par la LOLF n'était encore pas résolue. Il a, enfin, observé que les indicateurs d'efficience et de qualité de service étaient encore trop rarement présents dans les projets annuels de performance, que la pertinence des indicateurs d'efficacité n'est pas toujours évidente et que les administrations avaient également eu beaucoup de mal à définir des cibles.
Il s'est déclaré en plein accord avec la mise en garde énoncée par la commission des finances qui invitait, en 2005, dans un rapport d'information éponyme, à ne pas confondre « culture de résultat et culte des indicateurs ».
Il a également souligné les difficultés de mise en oeuvre des indicateurs au niveau opérationnel dans les services déconcentrés et chez les opérateurs, ainsi que l'absence de systèmes d'information qui permettraient d'alimenter en temps réel les tableaux de bord de la performance.
S'agissant de l'analyse des coûts, il a souligné l'état embryonnaire de la comptabilité d'analyse des coûts dans certains ministères, et considéré que l'affichage de la performance pouvait avoir quelque ressemblance avec les « villages Potemkine » présentant, en façade, un bel arsenal d'indicateurs et en arrière-cour, bien souvent, un contrôle de gestion et des systèmes d'information quasi inexistants.
Abordant ensuite la question de la réforme comptable et de la certification, M. Philippe Séguin a rappelé que, depuis le 1er janvier 2006, l'Etat devait être en mesure de tenir ses comptes en droits constatés et que les règles comptables applicables à l'Etat ne devaient plus se distinguer de celles applicables aux entreprises « qu'en raison des spécificités de son action ». Il a noté que l'intérêt de la comptabilité générale par rapport à la comptabilité traditionnelle de caisse est qu'elle ne se contente pas de retracer les encaissements et les décaissements et qu'elle vise à récapituler l'ensemble des obligations et des risques financiers de l'Etat, qui ne sont pas appréhendés en loi de finances, constituant en quelque sorte un indicateur avancé des charges futures qui pèseront sur l'Etat (dépréciation des actifs, provisions, charges à payer, engagements hors bilan). Estimant que la comptabilité publique rénovée pouvait devenir également un outil de gestion, il a souligné qu'elle permettait de mesurer la réalité de la situation budgétaire en donnant une image plus complète de la situation des finances publiques de notre pays.
a précisé les conditions dans lesquelles la Cour des comptes serait appelée à certifier, à partir de 2007, la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat en menant en cours d'année des missions « intermédiaires », afin d'identifier les zones de risques dans les comptes et, une fois l'exercice comptable achevé, des missions dites « finales », à l'occasion desquelles elle examinera les comptes eux-mêmes afin de vérifier s'ils ne comportent pas d'erreurs, d'omissions ou d'anomalies. Il a toutefois souligné que l'esprit de la certification n'étant pas celui d'un contrôle exhaustif, la Cour des comptes s'attacherait aux seules anomalies significatives qui affectent la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat. Il a précisé qu'il serait possible de certifier les comptes en formulant des réserves et que la Cour des comptes pourrait demander également que les anomalies repérées fassent l'objet de corrections immédiates ou, à tout le moins, de redressements dans les comptes de l'exercice suivant.
Indiquant que la Cour des comptes se prononcerait sur la qualité du référentiel comptable, M. Philippe Séguin a précisé que si, conformément à l'article 58-5° de la LOLF, la première opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat ne sera formulée qu'en juin 2007 pour l'exercice 2006, les premières vérifications l'ont conduite à émettre un nombre relativement élevé d'observations sur la manière dont étaient arrêtés les comptes de 2005.
Notant une forte augmentation du nombre d'observations par rapport aux comptes de 2004, il a estimé qu'elle tenait à l'approfondissement des investigations ainsi qu'à des erreurs techniques mais aussi, dans certains cas, à la dégradation des finances publiques qui conduit l'administration, pour minimiser les charges, à passer des écritures non conformes aux normes comptables, au risque d'altérer la sincérité et la régularité des comptes.
Il a considéré, à ce titre, que les règles de rattachement à l'exercice auraient commandé que certaines opérations soient comptabilisées, en comptabilité générale, au titre de 2004 et non de 2005 et, à nouveau, au titre de 2005 et non de 2006, ce qui aurait modifié les résultats des exercices de 2004 et de 2005.
Il a également regretté, d'une part, des lacunes importantes dans la connaissance de la situation patrimoniale de l'Etat et notamment de son passif, soulignant que les dettes d'exploitation, et singulièrement les charges à payer correspondant aux factures que l'administration doit honorer mais qu'elle n'a pas encore réglées, sont encore mal connues et, d'autre part, que l'administration provisionne insuffisamment.
Il a rappelé que la comptabilité générale devait faire prendre conscience à l'administration des charges futures qui pèsent sur elle et éclairer l'analyse par le Parlement du projet de loi de finances.
Estimant que le retard pris traduisait aussi un problème de formation à la comptabilité des personnels, il a souhaité que s'engage une réflexion sur l'organisation comptable conduisant à la mise en place d'une relation nouvelle entre les ordonnateurs et les comptables et à la clarification de l'articulation entre 15 départements comptables ministériels correspondant globalement aux ministères et les 110 trésoreries générales.
Il a appelé de ses voeux une amélioration de la fiabilité des systèmes d'information encore trop peu homogènes d'un service à l'autre.
S'agissant du rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire, M. Philippe Séguin a précisé qu'il comprendrait un diagnostic sur la soutenabilité des finances publiques dans leur globalité incluant les états financiers de l'Etat, mais aussi de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.
Abordant enfin l'assistance que la Cour des comptes prête aux assemblées parlementaires, il a attiré l'attention sur le calendrier de dépôt des trois rapports annuels destinés au Parlement que la Cour des comptes sera en mesure de respecter, mais qui pourrait toutefois être mis à mal par les échéances électorales de 2007. Il s'est demandé, à cet égard, si le gouvernement déposerait effectivement le projet de loi de règlement du budget 2006 avant le 1er juin, alors que cette date de dépôt conditionne le dépôt du rapport sur les résultats et du rapport sur les comptes. Il a souligné sa préoccupation que les rapports de la Cour des comptes n'interfèrent en aucune manière sur les débats politiques en cours et sur le sens que les électeurs donneront au scrutin.
Il s'est également interrogé sur les modalités de la présentation formelle des rapports relatifs à l'exercice 2005 qui seront remis dans le courant du deuxième trimestre 2006 dans l'optique d'une revalorisation de la loi de règlement et compte tenu de l'importance de l'acte de certification.
a conclu en souhaitant un resserrement des relations de travail entre la Cour des comptes et le Sénat dans le cadre des enquêtes établies au titre de l'article 58-2° de la LOLF, dont le calendrier des demandes a été adapté pour mieux les intégrer dans le programme annuel des travaux et pour lesquelles le mode de participation des magistrats de la Cour des comptes aux auditions a été précisé. Il a suggéré de nouvelles améliorations afin de mieux définir le périmètre des enquêtes et de développer les suites qui sont données aux travaux de la Cour des comptes.
A l'issue de cet exposé un débat s'est instauré.