Intervention de Philippe Lechat

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 1er mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Lechat directeur de l'évaluation des médicaments et des produits biologiques à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé afssaps

Philippe Lechat :

Je vous propose de résumer ma position concernant l'affaire du Mediator, dans la mesure où Aquilino Morelle m'a demandé de rédiger la note de pharmacologie concernant ce produit.

Pour bien comprendre ce qui s'est produit, il est nécessaire de remonter aux années 60. A cette époque, les laboratoires Servier, qui s'intéressent à la problématique des anorexigènes et des amphétaminiques, découvrent des molécules qui possèdent uniquement la propriété anorexigène des amphétamines, sans y associer leur propriété stimulante pour le système nerveux central.

Dès lors, quelque 250 molécules sont développées, à partir d'une même molécule de base, la norfenfluramine. Le Ponderal apparaît en 1965 et le Mediator en 1974. Selon une stratégie industrielle, ce produit est volontairement développé pour répondre à une indication thérapeutique différente du Ponderal, relative aux troubles du métabolisme : c'est dans ce contexte d'ambiguïté que débutent les problèmes.

Dès 1968, il est constaté que les anorexigènes peuvent engendrer des effets nocifs. En Autriche et en Suisse, l'Aminorex est retiré du marché, en lien avec une épidémie d'hypertension artérielle pulmonaire. Par la suite, en 1985, les laboratoires Servier réintroduisent l'Isoméride sur le marché : entre 1985 et 1995, ce produit est largement utilisé, accompagné par un marketing intense.

Cependant, des cas d'hypertension artérielle pulmonaire conduisent le professeur Lucien Abenhaïm à effectuer une étude et à démontrer l'association entre les fenfluramines et l'hypertension artérielle pulmonaire. En 1997, à peine deux ans après son introduction, le produit est retiré du marché américain, des problèmes valvulaires ayant été constatés sur des patients. En France, l'Isoméride est simultanément suspendue. A cette époque, les notifications de valvulopathie associées à ce médicament demeurent rares. Mais le Mediator reste présent sur le marché.

En 1999, à la suite d'un débat européen sur les anorexigènes, ceux-ci sont retirés du marché : on invoque la toxicité des fenfluramines et l'inefficacité des autres anorexigènes. Etrangement, le benfluorex échappe à cette épuration. Dans le doute relatif à la toxicité valvulaire du produit, une étude est demandée mais elle n'est pas réalisée : les laboratoires Servier traînent, et l'Afssaps ne se montre pas suffisamment réactive. Par ailleurs, les cas rapportés d'hypertension artérielle pulmonaire sont plus rares avec le Mediator qu'avec l'Isoméride. Or l'agence est davantage obnubilée par cette pathologie que par les valvulopathies. Dans les deux cas, les notifications liées au Mediator restent limitées. Ce produit reste sur le marché.

Progressivement, des notifications sont diffusées. En 2008-2009, Irène Frachon effectue un travail de recherche à la fois rétrospectif et prospectif, à partir des bases de données : elle retrouve de nombreux cas de valvulopathies opérées chez des patients ayant eu recours au Mediator.

En septembre 2009, à l'occasion de son étude cas-témoin, je reçois Irène Frachon. De toute évidence, il faut retirer le produit du marché : ce retrait est effectué en novembre. En août 2010, sur la base d'une étude rennaise, le député Gérard Bapt évoque l'hypothèse de 500 à 1 000 décès liés au Mediator. Je demande alors à la Caisse nationale d'assurance maladie une étude complémentaire sur les cas d'hospitalisations chez les diabétiques, et la mortalité dans ce contexte.

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