Intervention de Gilles Bouvenot

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 1er mars 2011 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Luc Harousseau président françois romaneix directeur général et gilles bouvenot président de la commission de la transparence de la haute autorité de santé has

Gilles Bouvenot :

Je ne peux pas m'exprimer au nom des membres qui participaient à la commission de 1999.

Sur les 4 450 médicaments de la liste, 835 produits se voient attribuer un SMR insuffisant, c'est-à-dire un avis favorable au déremboursement : le Mediator en fait partie. Par la suite, il ne se produit rien d'exceptionnel, hormis une baisse des prix.

En 2003, Jean-François Mattei, ministre de la Santé, demande à revoir la copie. En effet, le Conseil d'Etat a invalidé une décision prise par le ministère, à propos d'un avis de la commission de la transparence considéré comme insuffisamment motivé. Il propose à la commission de la transparence de réévaluer ces 835 médicaments, en trois étapes, depuis les produits les plus simples jusqu'aux produits les plus compliqués à dérembourser. Deux commissions successives s'attachent à ce travail. La première, présidée par le professeur Bernard Dupuis, a déjà procédé à l'évaluation des médicaments entre 1999 et 2001. Quant à la seconde, j'en suis nommé président à la fin de l'année 2003.

L'Autorité française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) constitue le « premier regard » sur les médicaments. La Haute Autorité de santé fournit un « second regard ». Quand des AMM paraissent fragiles parce qu'elles sont très anciennes, la commission de la transparence peut intervenir, à la demande du ministère.

La première étape de l'évaluation concerne une soixantaine de médicaments sur lesquels on a des doutes, en termes d'efficacité. En juin 2003, leur déremboursement est annoncé par le ministère.

En 2005, la deuxième vague concerne 225 médicaments de prescription médicale facultative, susceptibles, après leur déremboursement, d'être utilisés dans le cadre d'une automédication. C'est notamment le cas des veinotoniques.

Le Mediator fait partie d'une troisième vague, en 2006, comportant 85 médicaments. Ce produit de prescription médicale obligatoire (PMO) est l'un des derniers à être évalué. Un phénomène singulier nous amène alors, sur le plan réglementaire, à le considérer comme différent des autres produits.

Normalement, la procédure est simple. Quand un ministre souhaite le déremboursement de certains produits, il autorise les firmes à venir en pré-audition devant la commission, avant que celle-ci ne porte un jugement définitif, afin de nous expliquer que cela a été très mal de notre part de proposer un SMRI en 1999, et que ce serait bien entendu très mal de proposer un SMRI en 2006. Les firmes tentent alors de « sauver » la tête de leurs produits, ce qui ne change rien, bien sûr, à leur valeur intrinsèque.

A notre grande surprise, concernant le Mediator, il s'est passé quelque chose de tout à fait imprévu. Au lieu de dire « encore un instant monsieur le bourreau », les laboratoires Servier nous ont apporté une nouvelle étude sur le Mediator, que tout le monde a appelé depuis l'étude Moulin, et dont les résultats tendaient à faire croire que ce Mediator était un vrai traitement du diabète, comme la metformine, dans le diabète de type II : les résultats montrent que le taux d'hémoglobine glyquée dans le sang, sous Mediator, baisse d'environ 1 %, ce qui correspond à une vraie performance d'antidiabétique. C'est faire jeu égal à la metformine.

L'astuce de la firme consiste, sur la foi de cette étude, à demander une modification du libellé d'AMM. Nous n'avions donc pas d'autre issue à la HAS que de dire que nous ne pouvions pas statuer. Il est donc indispensable que l'Afssaps nous dise si elle valide l'étude Moulin. La Haute Autorité de santé considère qu'elle ne peut pas statuer mais elle confirme que le Mediator démontre un SMR insuffisant dans la lutte contre l'hypertriglycéridémie. En revanche, il faut reconnaître qu'elle ne se montre pas suffisamment explicite concernant l'utilisation du Mediator comme traitement adjuvant du régime du diabète. Dans l'attente de l'avis de l'Afssaps, le produit conserve son SMRI car nous n'avons pas le droit de le modifier. Nous y étions tenus réglementairement. Par conséquent, nous attendons les résultats de la réévaluation menée par l'Afssaps : en 2007, la commission d'AMM confirme le maintien de l'AMM du Mediator, sans modifier son libellé.

Cependant, l'étude Moulin présentait un caractère troublant. Nous avons une furieuse envie d'être sûrs que ses résultats soient indiscutables. Nous pensions alors, même si nous ne pouvons pas l'écrire, qu'il serait souhaitable de procéder à une inspection de cette étude : seule l'Afssaps, qui exerce la « police » du médicament, possède ce droit.

Une telle inspection prend beaucoup de temps. Elle consiste, notamment, à contrôler les sérums des patients qui ont été conservés. Durant l'été 2009, sans nouvelles des résultats de cette inspection, je dois admettre que nous ne sommes pas suffisamment pro-actifs auprès de l'Afssaps, hormis par téléphone.

C'est par le rapport de l'Igas que j'apprends, personnellement, que les résultats de cette étude, non définitifs, présentent des anomalies méthodologiques rendant ses conclusions extrêmement discutables.

Selon le rapport de l'Igas, c'est en avril-mai 2009 que les résultats sont portés à la connaissance des évaluateurs.

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