Selon une étude demandée par la Food and Drug Administration (FDA) sur les contre-indications à ce produit, le Multaq s'avère délétère pour les patients atteints d'insuffisance cardiaque. C'est dans ce contexte que notre premier avis sur ce médicament a été rendu.
A l'origine, nous avions considéré cette étude comme une démonstration de performances. Rappelons que notre commission est constituée de professionnels de santé qui, dans leur quotidien, effectuent des consultations auprès de malades, notamment des patients atteints de complications thyroïdiennes. Le Multaq est un médicament analogue au Cordarone, mais qui ne comporte pas d'iode. De ce point de vue, un tel produit pouvait paraître satisfaisant. Par ailleurs, il convenait tout particulièrement d'écouter l'avis des experts dans un domaine, celui des troubles du rythme, qui requiert une spécialisation très pointue.
Cependant, au vu des résultats préoccupants de l'étude américaine, nous avons conféré au Multaq, dans notre projet d'avis, un SMR modéré. Des « fuites » ont eu lieu dans la presse.
Deux mois plus tard, la firme a été reçue en audition : il est alors apparu que le dossier avait été mal présenté. Nous avons finalement abouti à la conclusion que le Multaq est comparable aux autres médicaments arythmiques, et qu'il n'est pas plus efficace. Dans la mesure où ces produits possèdent un SMR important, notre avis a évolué : d'un SMR modéré, nous sommes passés à un SMR important. La presse s'est emparée de l'affaire et nous avons été soupçonnés d'être perméables au lobbying de la firme. En réalité, nous nous étions contentés d'aligner ce produit sur les autres. Nous n'avions pas connaissance, à cette phase, de la notification relative à deux cas d'hépatite grave, chez des patients auxquels du Multaq avaient été prescrits. Ce produit sera donc réévalué.
En ce qui concerne les relations entre la commission de la transparence et le Ceps, celui-ci est le destinataire de nos avis. Le prix d'un médicament est fixé dans le cadre d'un comité interministériel où siège la Cnam. Le Ceps comprend des représentants du ministère de l'industrie, ainsi que des représentants du ministère de l'économie et des finances. Pour déterminer ces prix, ce comité utilise d'autres critères que le niveau d'ASMR.
N'ayant pas connaissance de ces éléments, je ne suis pas à même d'estimer si le prix d'un médicament est justifié ou non. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à Noël Renaudin qui, durant de longues années, a évité toute conversation directe au sujet des médicaments. Parfois, il m'a demandé de préciser, par écrit, l'avis de la commission de la transparence. A titre personnel, je n'ai pas un véritable intérêt pour les prix fixés pour les médicaments. En tant qu'évaluateur, j'aurais du mal à déterminer le prix d'un nouveau médicament qui ne serait pas inutile sans pour autant apporter de progrès, et dont la concurrence serait déjà établie sous la forme générique, à tarif modique. Je ne participe pas à ces négociations et je tiens à ne pas exprimer d'interrogations à ce sujet. Je tente de défendre l'indépendance de l'évaluation médico-technique vis-à-vis des conséquences que ses avis génèrent en aval. Si je franchissais la frontière, cette transgression rendrait la justesse des évaluations plus incertaine.