Intervention de Colette Giudicelli

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 janvier 2011 : 1ère réunion
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière de santé de travail et de communications électroniques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Colette GiudicelliColette Giudicelli, rapporteur :

Comme son intitulé l'indique, ce texte tend à transposer en droit interne plusieurs directives européennes, mais je me bornerai à présenter les seize articles relatifs à la santé et au travail, l'examen du volet consacré aux communications électroniques ayant été délégué, au fond, à la commission de l'économie.

Examiné en procédure accélérée, ce projet de loi a été adopté le 13 janvier par l'Assemblée nationale. Il sera examiné le 10 février en séance publique au Sénat. Ce calendrier très resserré s'explique par l'important retard de transposition accumulé par la France, qui risque de lourdes pénalités.

Tout d'abord, la fameuse directive « services » aurait dû être transposée au plus tard en décembre 2009. On se souvient qu'elle avait suscité de vifs débats en 2005 à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen, sa version initiale ayant été critiquée à juste titre pour avoir consacré le principe peu protecteur dit « du pays d'origine » et parce qu'elle ne prenait pas en compte nos services publics. Heureusement, le Parlement européen et le Conseil des ministres ont fait évoluer ce texte : définitivement adoptée le 12 décembre 2006, la directive écarte de son champ d'application les « services d'intérêt général non économiques », ainsi que les services de santé et les services sociaux relatifs au logement, à l'enfance ou aux familles. La directive n'affecte pas les règles applicables en matière de droit du travail ou de sécurité sociale.

Son premier objectif fondamental consiste à lever les obstacles à la liberté d'établissement, afin qu'un prestataire de services européen puisse facilement s'installer dans un autre Etat membre et y exercer son activité. Cela impose de simplifier les procédures et de supprimer les régimes d'autorisation ne reposant pas sur un motif impérieux d'intérêt général. Le deuxième objectif consiste à favoriser la libre prestation temporaire de services. Les seules restrictions autorisées dans ce cas doivent être motivées par l'ordre public, la sécurité publique, la santé publique ou la protection de l'environnement, à condition d'être proportionnées à l'objectif poursuivi et non discriminatoires.

La transposition de cette directive est achevée, à quelques mesures sectorielles près, faisant l'objet de sept articles du texte.

Ainsi, l'article 1er aligne le régime dont relève la vente de boissons à emporter sur celui régissant la vente de boissons consommées sur place. Pour l'essentiel, les formalités seront accomplies en mairie, non auprès des douanes.

L'article 2 concerne les dispositifs médicaux. Désormais, leur certification ne serait plus impérativement le fait d'un organisme habilité par l'Afssaps, puisqu'elle pourrait être confiée à un organisme désigné par les autorités compétentes d'un autre Etat membre. Une directive de 1993 ayant harmonisé les critères d'habilitation, tous les organismes européens offrent le même niveau de garantie. Une autre disposition concerne la revente des dispositifs médicaux d'occasion : l'attestation technique justifiant d'une maintenance régulière serait remplacée par une obligation pesant directement sur le revendeur, qui devra fournir les documents prouvant la régularité de l'entretien.

L'article 3 s'applique à l'évaluation des établissements et services sociaux ou médico-sociaux : les organismes d'évaluation établis dans les autres Etats membres pourraient exercer leur activité en France de façon temporaire et occasionnelle, après déclaration à l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Soumis aux mêmes obligations que les organismes français, ces intervenants seraient contrôlés par l'Anesm.

L'article 4 facilite l'accès des prestataires européens au contrôle des installations techniques et des véhicules funéraires, en remplaçant l'agrément actuel par un mécanisme d'accréditation permettant un meilleur contrôle.

Relatif au spectacle vivant, l'article 6 autoriserait les entrepreneurs de spectacles vivants établis dans les autres Etats membres à exercer leur activité en France de façon temporaire et occasionnelle après une simple déclaration, alors qu'ils doivent aujourd'hui solliciter une licence auprès de la préfecture.

Avec l'article 7, tout architecte établi dans un autre Etat membre pourra exercer son métier en France comme associé d'une société française d'architecture.

Enfin, l'article 8 justifie que l'on s'y attarde quelques instants. Il concerne les agences de mannequins. Celles établies dans un autre Etat membre pourraient, à l'avenir, exercer leur activité en France de façon temporaire et occasionnelle, une simple déclaration administrative se substituant à la licence qu'elles doivent actuellement obtenir.

Le texte tend également à supprimer une liste d'incompatibilités professionnelles : il n'est pas licite en France de travailler dans une agence de mannequins tout en étant producteur, éditeur, organisateur de défilés ou photographe. Pourquoi ? Pour éviter que des individus ne prétendent exercer une activité d'agence de mannequins dans le seul but de vendre des prestations comme la constitution d'un dossier de photos, en faisant miroiter la perspective d'une carrière de mannequin. La suppression de ces incompatibilités figurait déjà dans la proposition de loi de simplification du droit, dite « Warsmann », rapportée par notre collègue Françoise Henneron. Notre commission s'était alors interrogée sur le bien-fondé de cette mesure qui, à la réflexion, me semble aujourd'hui acceptable. En effet, le principe même des incompatibilités ne semble guère conciliable avec l'article 25 de la directive, qui protège l'exercice conjoint d'activités différentes. En outre, les agences de mannequins établies en France demeureront très contrôlées, puisqu'elles devront obtenir une licence. Enfin, le projet de loi tend à imposer aux agences de veiller aux intérêts des mannequins et d'éviter les conflits d'intérêts, ce qui offre une base juridique aux services de contrôle et aux tribunaux pour sanctionner d'éventuelles dérives.

Une autre disposition complémentaire a été introduite par l'Assemblée nationale, qui a voté un amendement gouvernemental levant la présomption de salariat qui s'applique aujourd'hui aux mannequins établis dans un autre Etat membre et qui viennent exercer leur profession en France à titre temporaire. Cette disposition protectrice inscrite dans le code du travail est source de formalités et de coûts supplémentaires pour les mannequins, ce qui est contraire à la libre prestation de services.

J'en viens aux trois articles du texte initial concernant d'autres directives que la directive « services ».

L'article 5 tend à modifier le calendrier d'enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes, la date du 30 avril 2011 concernant désormais le dépôt des dossiers d'enregistrement, non leur examen. En effet, l'Afssaps devra traiter un grand nombre de dossiers, alors que la Commission européenne a pris du retard pour publier certaines études nécessaires à l'enregistrement. Cette disposition résulte d'une directive du 31 mars 2004, transposée tardivement, par ordonnance le 26 avril 2007.

Les articles 9 et 10 tendent à parachever la transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ils concernent respectivement les professeurs de danse et les assistants de service social, deux professions réglementées en France au sens de la directive puisque leur exercice est subordonné à la possession de certaines qualifications. Notre législation actuelle autorise les ressortissants des autres Etats membres à s'établir en France pour exercer ces professions, à condition d'avoir obtenu un diplôme délivré par un Etat de l'Union européenne qui en réglemente lui aussi l'exercice. Lorsque le diplôme provient d'un Etat où ces professions ne sont pas réglementées, les intéressés doivent justifier d'une expérience professionnelle de deux ans au minimum. Or, la directive interdit de maintenir cette exigence lorsque le candidat a suivi une formation réglementée dans un Etat membre. Il est proposé de mettre notre droit national en conformité avec la directive.

J'en viens aux articles additionnels insérés par l'Assemblée nationale, en commençant par ceux dont l'incidence est ponctuelle : l'article 2 bis aligne le régime de revente des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sur celui applicable aux autres dispositifs médicaux ; l'article 5 ter complète la transposition d'une directive de 2007 sur la qualité des eaux de baignade ; l'article 5 quater dispose que les fabricants et importateurs de produits du tabac devront soumettre au ministère chargé de la santé une liste des ingrédients utilisés.

Concernant les produits cosmétiques, l'article 5 quinquies tend à habiliter le Gouvernement à aligner par ordonnance notre droit sur le règlement européen du 30 novembre 2009.

L'article 5 bis mérite davantage d'attention. Adopté à l'initiative du Gouvernement, il vise, en principe, à modifier l'encadrement des médicaments issus de technologies innovantes, pour l'adapter au règlement européen de 2007, mais il va bien plus loin, puisqu'il autorise en pratique les établissements de santé à produire, prescrire, utiliser et commercialiser des médicaments issus de thérapies innovantes. Autrement dit, il permet aux hôpitaux de se comporter comme des laboratoires pharmaceutiques.

Je vous proposerai par amendement de revenir sur cette extension, nullement souhaitable, surtout dans le contexte actuel.

Mon rapport s'achève avec l'article 14, habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 6 mai 2009 relative au comité d'entreprise européen.

Issu d'une directive de 1994 transposée en 1996, le comité d'entreprise européen doit être créé dans toutes les entreprises dites « de dimension communautaire », c'est-à-dire employant au moins 1 000 salariés dans l'Union européenne et comportant, dans au moins deux Etats membres, un établissement employant au moins 150 salariés. Cette instance se réunit au moins une fois par an pour examiner la situation économique et financière de l'entreprise, l'emploi et les conditions de travail.

La directive du 6 mai 2009 complète utilement le texte initial : elle clarifie certaines notions, comme l'information et la consultation des travailleurs ; elle précise les obligations de l'employeur et des syndicats lors de la mise en place du comité, ainsi que ses modalités de fonctionnement ; elle conforte le statut des représentants du personnel.

Je vous propose d'approuver cette demande d'habilitation qui permettra d'introduire dans notre droit les modifications consensuelles inscrites dans la directive.

Vous l'avez constaté : de nombreuses dispositions du texte, techniques et ponctuelles, simplifieront les formalités imposées aux prestataires européens souhaitant s'établir en France ou y proposer leurs services. Leur incidence économique sera vraisemblablement très variable selon les secteurs : on ne peut guère anticiper un afflux d'organismes d'évaluation d'établissements sociaux ou médico-sociaux, ni une déferlante d'assistants de service social, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques ; en revanche, la mobilité des professionnels du spectacle et du mannequinat pourrait apporter un véritable changement dans ces secteurs. A mon sens, la suppression des autorisations a priori doit s'accompagner d'un renforcement des contrôles sur le terrain. Il est également indispensable de renforcer la coopération entre administrations nationales pour débusquer les fraudeurs. Vaste programme ! Au demeurant, des progrès ont été accomplis en 2010 avec la mise en place du système d'information sur le marché intérieur.

En conclusion, je vous propose d'approuver le projet de loi, sous réserve de quelques amendements que je vous présenterai dans un instant.

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