Les établissements en difficulté jouissent, de facto, d'un niveau élevé d'autonomie, justement parce qu'ils sont dans une situation difficile. C'est ainsi que certains d'entre eux consacrent notamment les fonds théoriquement alloués au soutien des élèves en difficulté à la création de classes de niveaux destinées à accueillir les bons élèves, afin d'enrayer l'hémorragie vers des établissements plus prestigieux. Deux tiers des collèges accueillent ainsi des classes de niveaux, alors qu'une telle pratique est théoriquement interdite.
Les chefs d'établissements et les enseignants sont souvent réticents concernant la notion même d'autonomie, lorsque celle-ci leur est imposée, car ils la perçoivent comme un renforcement potentiel du contrôle auquel ils sont soumis. Lorsque j'avais travaillé avec Michel Rocard sur la refondation de la condition enseignante, il y a deux ans de cela, je m'étais battue pour que l'on parle de l'autonomie de l'établissement et non de l'autonomie du chef d'établissement, appréhendée par les enseignants comme une forme d'arbitraire.
En tout état de cause, il conviendrait de renforcer l'autonomie collective, au sein des établissements, laquelle aurait vocation à surpasser largement l'expression de la liberté individuelle des enseignants, qui est aujourd'hui très peu contrôlée, ce qui peut déboucher sur un certain nombre d'effets pervers lorsque les enseignants font mal leur travail.
Un enseignant est inspecté cinq fois en moyenne au cours de toute sa carrière, ce qui a un impact extrêmement faible sur ses pratiques pédagogiques. Il y a en outre très peu de régulation collégiale entre enseignants, contrairement à ce qui se pratique dans d'autres professions. Il conviendrait par conséquent de remédier à cet état de fait en créant des collectifs d'enseignants, qui seront davantage en mesure de dialoguer, tant avec les parents qu'avec les chefs d'établissements, que chaque individu pris séparément.