S'agissant du premier concept, M. Christian Gaudin, rapporteur, a souligné la pertinence de la notion de « guerre économique », dès lors qu'elle ne conduit pas à un repli protectionniste. Evoquant la formule du maréchal de Lattre, « ne pas subir », il a indiqué qu'il était essentiel de chercher des moyens de nature à garantir la préservation de centres de décision à racines nationales, plutôt que de s'efforcer de maintenir, à toute force, des outils de production.
En ce qui concerne le second concept, de nature biologique, M. Christian Gaudin, rapporteur, a relevé l'idée que, d'une part, l'économie, tel un être vivant, devait s'adapter à son milieu ambiant. D'autre part, évoquant les propos de MM. Peyrelevade et Roverato, sur l'existence de cerveaux, primaires et secondaires, d'une entreprise, il en a déduit que la localisation de tels « cerveaux » déterminait, in fine, la décision stratégique de l'entreprise et, à long terme, l'emploi.
Abordant, ensuite, les premières orientations du rapport, M. Christian Gaudin, rapporteur, a rappelé les trois points qui avaient guidé la réflexion de la mission :
1°) l'enjeu stratégique de la localisation des centres de décision économique et de la nationalité des organes dirigeants des entreprises dans la nouvelle division internationale du travail ;
2°) le diagnostic des forces et faiblesses de la France face aux nouvelles règles du jeu économique ;
3°) les différents niveaux d'intervention aux fins de préserver et développer les centres de décision à racines françaises.
S'agissant en premier lieu du caractère stratégique de la notion de centres de décision économique et de son rôle dans le potentiel de développement des territoires, M. Christian Gaudin, rapporteur, a mis l'accent sur deux points majeurs. Tout d'abord, il a confirmé l'existence d'une nouvelle logique globale, à l'échelle mondiale, caractérisée par la rationalisation de l'organisation de la production, la standardisation des méthodes de management et la financiarisation de l'économie. Il a néanmoins remarqué que, paradoxalement, une telle évolution ne faisait pas obstacle au poids des préférences individuelles et à la place grandissante de la culture d'entreprise. Il a ensuite montré que le concept de nationalité d'entreprise devait être défini à partir d'un faisceau d'indices.
Puis M. Christian Gaudin, rapporteur, a insisté sur les dynamiques vertueuses que révèlent tant les réussites d'entreprises comme Sanofi-Aventis que les succès nationaux des pays nordiques qui, après une crise profonde, ont su trouver l'énergie de rebondir pour conserver leur modèle. Compte tenu du caractère stratégique des centres de décision, il a estimé que les zones périphériques éloignées du centre décisionnel de l'entreprise constituaient naturellement des variables d'ajustement des plans de restructuration, mais que la perte d'autonomie, voire la disparition d'un centre de décision, comportait un risque de paupérisation des territoires.
Quant au diagnostic de la situation de la France en matière de maintien et de développement des centres de décision, M. Christian Gaudin, rapporteur, a regretté la persistance d'obstacles, bien connus, à l'attractivité du territoire ainsi que celle de déficiences structurelles, telles que le mauvais fonctionnement du marché du travail, le manque de moyens des universités ainsi que le manque de lisibilité du droit. Evaluant, néanmoins, de telles faiblesses à l'aune d'atouts réels, il s'est félicité du nombre important d'entreprises globales basées en France, comme en témoigne le ratio de 0,7 entreprise du top 1000 par million d'habitants en France, contre 0,4 seulement pour l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Cependant, M. Christian Gaudin, rapporteur, a immédiatement nuancé son propos en déplorant l'absence de « jeunes pousses » susceptibles de prendre la relève.
S'agissant des pistes d'action tendant au maintien des centres de décision économique, M. Christian Gaudin, rapporteur, a mis l'accent sur la nécessité de ne pas céder à la tentation protectionniste, mais au contraire de favoriser la rentabilité des entreprises et la compétitivité des territoires.
Abordant les trois niveaux d'intervention que constituent les mesures juridiques de préservation des centres de décision existants, les pistes de renforcement des structures économiques, ainsi que les mesures de compétitivité ciblées, M. Christian Gaudin, rapporteur, a exposé, tout d'abord, les mesures relatives, d'une part, au droit des sociétés telles que l'extension de l'usage des actions à droit de vote multiple ou la consécration juridique de la notion de groupes de sociétés et, d'autre part, les mesures correspondant au droit du travail, telles que l'augmentation de la place de l'actionnariat salarié en tant que stabilisateur, le contrôle ainsi que le renforcement des droits des salariés selon le modèle hollandais. Il a également invité les membres de la mission à prendre position sur la réglementation issue du décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 sur les secteurs sensibles, ainsi que sur l'intérêt éventuel d'une législation « Exon-Florio » au niveau européen tendant à prévoir une autorisation gouvernementale pour les acquisitions de sociétés préservant un caractère stratégique. Au titre de ce volet juridique, M. Christian Gaudin, rapporteur, a enfin évoqué la réglementation anti-corruption de l'OCDE pour estimer qu'il fallait en obtenir une application homogène afin de ne pas handicaper les industries françaises par une application plus stricte que celle de nos concurrents.
S'agissant des mesures de consolidation des structures économiques, M. Christian Gaudin, rapporteur, a développé quatre pistes d'intervention. Concernant l'épargne à long terme, il a jugé que le suivi plus étroit des directives financières et notamment de « Solvency II » était nécessaire pour éviter qu'elles ne défavorisent l'épargne retraite. Estimant que la poursuite de l'allègement des charges pesant sur les entreprises constituait le deuxième champ d'action nécessaire au maintien des centres de décision, il a proposé d'abaisser le taux facial de l'impôt sur les sociétés et d'en harmoniser l'assiette, d'étendre la diffusion du régime du bénéfice mondial consolidé, de renforcer l'attractivité du régime d'intégration fiscale, ainsi que de mettre en oeuvre la TVA sociale.
a également considéré qu'il convenait de renforcer la « résilience » du tissu économique national dans une triple direction : développement de la culture d'entreprise, promotion d'écosystèmes susceptibles de s'auto-renforcer et, enfin, encouragement de l'actionnariat de type familial, comme moyen de stabiliser le capital.
Evoquant, en dernier lieu parmi les mesures de consolidation, la constitution de champions européens ayant une taille critique au niveau mondial, il a souhaité que s'opèrent, à ce titre, des rapprochements au niveau européen afin de diminuer les risques « d'opéabilité » et que soit corrélativement modifiée la politique de la concurrence de la Commission européenne. Il a ensuite fait observer que la lutte, au niveau européen, contre la fragmentation des marchés, par priorité dans le domaine de la défense, ainsi que l'adoption de standards techniques communs en matière de télécommunication, devaient constituer des objectifs essentiels d'une politique tendant à préserver, développer et multiplier les centres de décision économique.
Puis M. Christian Gaudin, rapporteur, a présenté le dernier et troisième axe d'intervention, qui tend à prendre de manière ciblée des mesures favorables aux centres de décision secondaires et à l'accroissement de la productivité.
S'agissant des mesures en faveur des centres de décision secondaires, M. Christian Gaudin, rapporteur, a proposé d'attirer les quartiers généraux ainsi que les talents de niveau mondial par la mise en place d'un régime de résidents fiscaux temporaires sur le modèle britannique. Il s'est également déclaré favorable à une réorientation plus nette de l'agence française pour les investissements internationaux (AFII) vers un travail de « bench-marking » spécifique en matière de centres de décision au sens large.
Quant à l'augmentation de la productivité, M. Christian Gaudin, rapporteur, a déclaré que les mesures nécessaires impliquaient, soit la reconfiguration des processus de production, la rationalisation des sites, ou le rapprochement avec les clients, soit la concentration sur des activités à plus forte valeur ajoutée. A ce titre, il a abordé le développement des synergies autour des pôles de compétitivité et de l'université, l'aménagement du droit des brevets et l'encouragement de l'investissement dans les jeunes entreprises.
Pour conclure, M. Christian Gaudin, rapporteur, a estimé que la version finale du rapport devrait comporter près d'une trentaine de propositions.