Intervention de Philippe de Ladoucette

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 1er juin 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe de laDoucette président de la commission de régulation de l'énergie cre

Philippe de Ladoucette :

Un rapport d'étape au contenu explosif, rédigé par deux vice-présidents de la CRE, a récemment fait beaucoup de bruit. Distribué malencontreusement, ce document de travail n'a pas été avalisé par le collège. Nous regrettons profondément cet incident. Comme je l'ai écrit à Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, ainsi qu'aux présidents d'EDF et d'Électricité Réseau Distribution France (ERDF), la CRE n'est pas engagée par les propos tenus dans ce rapport. Le groupe de travail mis en place poursuit sa réflexion et devrait établir un rapport publié à l'automne, après délibération du collège.

Sur le fond, nos rapports d'activité soulignent une dégradation de la qualité de la fourniture d'électricité depuis 2000. En matière de continuité de l'alimentation, la France se situe au quatrième ou cinquième rang en Europe, mais le temps de coupure se détériore, après être passé de six heures dans les années 80 à moins d'une heure. Ce temps est difficile à quantifier, car influencé par des évènements conjoncturels : ainsi, les coupures pour travaux sont passées de moins de dix minutes en 2007 à 20 minutes en 2008 et 2009, pour cause d'élimination des transformateurs contenant du PCB à effectuer avant fin 2010.

Le réseau d'électricité a été confronté à des incidents climatiques de grande ampleur. Les violentes tempêtes ont mis en lumière des manques de sécurisation. Depuis 1999, EDF s'est doté de moyens pour y faire face avec la Force d'intervention rapide électrique (FIRE) : il a fallu neuf jours pour réalimenter 90 % des clients après la tempête de 1999, quatre jours après Klaus, en 2009, deux après Xynthia. Cette amélioration mérite d'être soulignée, même si l'on peut toujours faire mieux !

Cette extrême sensibilité aux aléas climatiques - vingt minutes de coupure par an en moyenne - est due à la baisse des investissements sur un réseau vieillissant. Après une hausse pendant les années 90, avec un pic à 3 milliards en 1992, les investissements d'ERDF ont décru de 1994 à 2004 pour tomber à 1,5 milliard. C'est insuffisant.

Toutefois, la politique d'investissement du distributeur ne peut être uniquement tournée vers l'amélioration de la qualité. Il lui faut prendre en compte les nouveaux modes de consommation et les enjeux environnementaux. L'intégration des énergies renouvelables, l'utilisation croissante de la voiture électrique ou la diffusion des écrans plats de télévision, gros consommateurs d'électricité, illustrent la nécessaire modernisation des réseaux.

La CRE ne définit ni le niveau ni les normes en matière de qualité de l'électricité. Néanmoins, la loi du 10 février 2010 la charge de fixer les tarifs d'utilisation des réseaux. C'est après avoir constaté une baisse des investissements que nous avons mis en place un groupe de travail. Afin qu'ERDF ait les moyens de redresser la situation, nous avons proposé en juillet 2009 un troisième tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE 3) qui prévoit des investissements pour 2,7 milliards par an en moyenne sur la période 2009-2011, en hausse de 50 % par rapport à la moyenne 2006-2008.

Les investissements concourant spécifiquement à l'amélioration de la qualité devraient dépasser 1 milliard en 2012, soit un doublement en quatre ans. Si ERDF investit plus que ces montants prévisionnels, une mécanique tarifaire permet de recouvrer ces charges les années suivantes par un ajustement des tarifs de réseau par le biais du compte de régulation des charges et des produits (CRCP). Les tarifs doivent faciliter l'investissement, non l'entraver. En 2009, ERDF a tenu ses engagements, investissant pour 607 millions. La dynamique est enclenchée. Une politique de maintenance préventive est également engagée.

Dans ses avis du 11 octobre 2007, la CRE avait défendu la fixation d'objectifs plus ambitieux. Si nous sommes attentifs à ne pas dégrader l'activité, compromettre la compétitivité des entreprises, le confort des habitations ou la confiance dans l'ouverture des marchés, nous ne pouvons occulter la question du coût. La loi prévoit que les tarifs couvrent les investissements des réseaux : in fine, c'est le consommateur qui paye. Les consommateurs allemands bénéficient d'une meilleure qualité d'alimentation que nous, mais au prix de tarifs de distribution supérieurs de 65 % ! Il faut arbitrer entre coût et qualité... Le TURPE comporte un système de bonus-malus. Tous les investissements, en zone urbaine ou rurale, procurent une même rémunération à ERDF, selon le principe de péréquation. Si le niveau cible est atteint, ERDF est récompensé ; sinon, le malus permet de baisser les tarifs.

Quelques pistes, avant la publication de notre rapport à l'automne. ERDF doit améliorer la transparence sur ses investissements, préciser leur répartition géographique, rendre compte de la réalisation de ses programmes et justifier d'éventuels écarts avec les programmes prévisionnels.

La tempête de 1999 et le rapport du Conseil général des mines de mai 2000 ont mis en lumière l'apport de l'enfouissement ciblé des lignes à basse et moyenne tension, que ce soit sur le plan de la sécurité ou de l'esthétique. Pourquoi ne pas réorienter certaines dépenses vers la sécurisation ? L'enfouissement n'est toutefois pas une garantie contre les coupures : au Royaume-Uni, le taux d'enfouissement du réseau à basse tension est de 80 %, contre 35 % en France, mais le temps de coupure par an est supérieur au nôtre. L'enfouissement rend plus difficile le repérage des incidents et rallonge les délais d'intervention. Nous serons attentifs à vos suggestions en la matière.

Il faut inverser la tendance actuelle à la dégradation de la qualité de l'électricité. Une dynamique d'amélioration est amorcée. La CRE y contribuera, dans la mesure de ses compétences, mais ne sous-estimons pas l'effort à consentir.

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