Intervention de le Professeur Hubert Allemand

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 1er février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Le Professeur hubert allemand médecin conseil de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

le Professeur Hubert Allemand, médecin conseil de la Cnam :

La décision de retirer un médicament n'est pas chose facile, c'est un risque qu'une agence peut ne pas avoir l'audace de prendre. Si bien qu'on peut se demander qui est le véritable « client » d'une agence : le patient ou le laboratoire ? Dans certains pays, c'est le patient ; dans d'autres, peut-être que les enjeux économiques l'emportent. C'est une décision difficile, mais sans doute devons-nous changer notre position à cet égard.

La décision relative à un médicament est éclatée entre les commissions d'AMM, de transparence, de pharmacovigilance... Et tout cela ne communique pas beaucoup, et parfois elles sont en opposition de phase. Il faut recentrer une expertise beaucoup plus forte sur le suivi du médicament ! Dans l'affaire du Mediator, la transversalité a été la grande absente. Il faut une plus grande intégration des informations et des acteurs car le rapport bénéfice-risque peut varier. Il faut des experts moins nombreux, plus responsables, indépendants des industriels et aussi bien rémunérés qu'ils le seraient dans l'industrie privée. Travailler quelques années dans une telle structure d'expertise est au moins aussi intéressant que de le faire dans un laboratoire.

Je m'intéresse au médicament, j'ai l'impression de connaître le sujet. A propos du Rimonabant, j'ai d'emblée questionné la commission de transparence, je lui ai écrit pour lui faire part de mes doutes sur un anorexigène provoquant des troubles psychiques graves. J'ai écrit à la commission de transparence et je l'ai dit au laboratoire. Je n'ai reçu de réponse ni d'un côté ni de l'autre et mon intervention a fortement déplu... Un mois après, la Food and Drug Administration portait les mêmes accusations que moi. Mais le médicament a encore été commercialisé en France pendant un an... A l'issue de ce délai, j'ai renvoyé un courrier au président de la Haute Autorité de santé, lui disant que le Rimonabant avait entraîné des suicides. Et sur nos bases de données, plus de 10 % des personnes prenant du Rimonabant ont parallèlement des antidépresseurs. Quelques semaines après, il était enfin retiré.

Il faudrait donc que des experts passent quelques années de leur vie professionnelle dans une agence, alertant les autorités au bon moment. Il faut que quelqu'un prenne les décisions ! Dans le cas du Mediator, la ligne décisionnelle n'existait pas suffisamment fortement. Et je le dis sans porter des critiques sur un métier extrêmement difficile.

Il faut corriger le tir, mais sans oublier tous les progrès précédemment réalisés, sans vouloir brutalement tout détruire et prétendre reconstruire à partir de zéro. Car c'est ce que certains veulent faire...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion