Intervention de Hugues Portelli

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 septembre 2009 : 2ème réunion
Application de l'article 61-1 de la constitution — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

a d'abord indiqué que la question de constitutionnalité s'apparentait à une question préjudicielle puisque la résolution du point litigieux est renvoyée à une juridiction autre que celle devant laquelle est porté le litige. Il a rappelé que la question de constitutionnalité serait tranchée par le Conseil constitutionnel après l'intervention de deux filtres successifs au niveau, d'une part, du premier juge saisi et, d'autre part, des cours suprêmes. Ces filtres sont indispensables pour éviter l'engorgement des juridictions. Il a relevé cependant que l'Allemagne, notamment, reconnaissait la possibilité pour le justiciable de saisir directement la Cour constitutionnelle à l'occasion d'un litige.

a précisé que le juge du fond se bornait à apprécier la recevabilité de la question de constitutionnalité sur la base de trois critères : la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif d'une décision, sauf changement de circonstances ; la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. Il a noté que, lorsque ces trois conditions seraient réunies, le juge transmettrait obligatoirement la question à la cour suprême de l'ordre dont il relève. Le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation procédait de même à un examen de la recevabilité de la question sur la base de trois critères dont les deux premiers étaient identiques à ceux retenus pour les juridictions du fond et le troisième exigeait de vérifier que la question de constitutionnalité était nouvelle ou présentait une difficulté sérieuse.

a salué le travail accompli par l'Assemblée nationale pour améliorer le texte du projet de loi organique. Il a observé que ses modifications avaient porté sur deux points en particulier. D'une part, les députés avaient souhaité conforter sans ambiguïté la priorité de l'examen de la question de constitutionnalité sur celui de la conventionnalité. Il a noté que le contrôle de conventionnalité ne permettait d'écarter la disposition contestée que dans le cadre du litige à l'occasion de laquelle elle avait été soulevée contrairement à l'effet erga omnes des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le contrôle de conventionnalité pouvait être source d'imprévisibilité et l'inégalité pour les justiciables en contradiction avec le souci de sécurité juridique. Le rapporteur a noté en outre que, dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel conclurait à la conformité de la loi à la Constitution, le contrôle de conventionnalité pourrait alors s'exercer selon les voies habituelles.

a relevé, d'autre part, que l'Assemblée nationale avait souhaité assouplir les mécanismes de filtre mis en place par le texte initial du projet de loi organique afin d'accélérer la procédure d'examen de la question de recevabilité. En premier lieu, les députés avaient instauré un délai de deux mois à l'issue duquel, si les juridictions du fond n'avaient pas statué dans cet intervalle, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. En second lieu, à défaut de décision des cours suprêmes dans le délai de trois mois qui leur était imparti, la question de constitutionnalité serait transmise systématiquement au Conseil constitutionnel. Il a estimé que cette transmission automatique se justifiait dès lors que l'on pouvait craindre en vertu de la théorie de l'acte clair, longtemps mise en application par les cours suprêmes pour éviter de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes, que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation soient parfois enclins à retenir la question de constitutionnalité. Il a rappelé que l'article 61-1 de la Constitution impliquait que les cours suprêmes se prononcent dans un délai déterminé, comme tel est le cas dans la majorité des pays où est institué un contrôle de constitutionnalité. En revanche, le rapporteur a estimé que le délai de deux mois fixé aux premières juridictions saisies pouvait présenter de sérieux inconvénients, en particulier en provoquant un engorgement des cours suprêmes.

Aussi M. Hugues Portelli, rapporteur, a-t-il suggéré de revenir sur le délai de deux mois tout en réaffirmant la nécessité pour le juge saisi de la question de constitutionnalité de statuer rapidement. Il a souhaité également que le texte puisse être complété afin d'introduire l'obligation de motivation des décisions du juge concernant la transmission ou le renvoi de la question de constitutionnalité tout en rappelant le caractère juridictionnel de ces décisions. Enfin, il s'est demandé si la juridictionnalisation des missions du Conseil constitutionnel ne devait pas conduire à compléter le régime d'incompatibilités de ses membres afin d'éviter tout conflit d'intérêts.

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