Après avoir fait part de son émotion à venir, s'exprimer pour la première fois en tant que ministre, devant une commission parlementaire, Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, a indiqué qu'elle n'avait pas encore reçu sa lettre de mission et a précisé que le Premier ministre l'avait chargée de préparer et de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement dans les domaines du logement et de la construction, de la ville et, enfin, de la lutte contre la précarité et l'exclusion. Abordant tout d'abord la politique du logement, elle a observé que la politique publique de l'habitat ne concernait plus uniquement les déshérités, puisqu'avec l'envol du prix du foncier et la pénurie de logements, elle est devenue celle de tous les Français. Estimant que la crise du logement participait du sentiment de déclassement social de ces derniers, elle a considéré que ce qui pouvait être vécu comme un échec personnel -ne plus pouvoir accéder à la propriété, être contraint, à l'âge adulte, d'habiter chez ses parents alors que l'on est en couple, vivre dans un appartement plus petit que celui de son enfance ou être assigné dans le « sas » du logement social- n'était en vérité qu'un « fiasco » collectif. Elle a émis le souhait que son ministère inverse la tendance et donne à chaque citoyen l'autonomie et surtout le choix de devenir propriétaire, en particulier dans les milieux populaires, relevant qu'il n'était pas normal que seuls 56 % des Français soient propriétaires, contre 84 % des Espagnols.
a ensuite rappelé que, conformément aux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour l'habitation principale était en cours d'adoption au Parlement. Ajoutant que, pour les plus modestes, cette mesure serait cumulable avec le prêt à taux zéro (PTZ), elle a précisé qu'il serait proposé aux locataires du parc social de devenir propriétaires de leur logement. L'objectif du ministère sera de vendre 40 000 logements par an, par le biais d'accord conclus avec chacun des organismes HLM. Plus largement, celui-ci entend soutenir tous ceux qui, souhaitant accéder à la propriété, ne disposent que de revenus irréguliers.
Après avoir relevé que la panne des parcours résidentiels concernait tous les Français, Mme Christine Boutin a souligné que celle-ci frappait dramatiquement les plus pauvres et que le ministère aurait comme objectif de donner un toit décent à tous les hommes, les femmes et les enfants de ce pays. Rappelant que la loi du 5 mars 2007, dont elle avait été rapporteur à l'Assemblée nationale, venait de consacrer le droit au logement opposable (DALO), elle a jugé que cette réforme représentait un chantier gigantesque, puisqu'elle ouvre ce droit à six catégories de demandeurs prioritaires fin 2008 et à tous les autres demandeurs n'ayant pas reçu une proposition de logement au-delà d'un délai anormalement long en 2012. Elle a ajouté qu'elle avait procédé, le 5 juillet dernier, à l'installation du comité de suivi de la mise en oeuvre de la loi.
Elle a ensuite expliqué qu'elle ne souhaitait pas donner son nom à une loi particulière sur le logement et a considéré que faire des lois à tout propos -ce que le Doyen Carbonnier appelait la « satisfaction de papier »- n'avait conduit qu'à une chose : le déclin du droit au profit des lois. Estimant que la loi du 5 mars 2007 avait fait naître des attentes qu'il ne fallait pas décevoir, elle a indiqué que la mise en oeuvre de ce texte était sa priorité. Les textes nécessaires à son application sont déjà publiés ou en cours de finalisation, notamment le décret sur les commissions de médiation, pivots du système. Ce dernier devrait être publié en octobre prochain, l'enjeu étant désormais de trouver des logements et d'agir sur tous les maillons de la chaîne de l'habitat.
Après avoir observé que le ministre du logement, sans être maître d'oeuvre, avait le pouvoir de créer un environnement propice à la construction ou à la remise sur le marché de logements existants, Mme Christine Boutin s'est engagée à tenir, conformément à l'annonce du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, l'objectif de 500 000 nouveaux logements construits chaque année, dont 120 000 logements sociaux. Pour cela, elle a indiqué qu'elle mènerait les actions suivantes :
- libérer le foncier public, parce que l'Etat doit donner l'exemple ;
- ouvrir de nouvelles voies pour faire participer le secteur privé à la construction de logements sociaux, restaurer la confiance avec les responsables locaux et encourager les élus bâtisseurs, notamment dans les régions sous tension comme l'Ile-de-France, pour laquelle il faut engager, en raison de son importance et de sa singularité, une démarche spécifique, conformément au souhait du Président de la République ;
- mener un vaste chantier en matière de logement social, en étroite collaboration avec l'ensemble des parties prenantes, en particulier les organismes HLM, en réformant la gouvernance du logement social, en repensant l'organisation du système de production et de gestion du locatif social, en veillant à mieux associer les élus locaux à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de l'habitat, en développant une politique d'aide à la personne plus équitable et en mettant en oeuvre les dispositions législatives sur les sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété pour tous, y compris pour les titulaires de minima sociaux.
a ensuite souligné que le logement social devait faire l'objet d'innovations, avec le développement du logement numérique, le maintien des personnes âgées à domicile et l'intégration de la composante « design » tant dans le processus de construction que de réhabilitation des logements sociaux. Après avoir annoncé que des logements vacants seraient remis sur le marché grâce à la sécurisation des relations bailleurs-locataires, elle a indiqué que la montée en puissance de la garantie universelle du risque locatif serait assurée, en concertation avec les partenaires sociaux du « 1% Logement ». Cette garantie, a-t-elle précisé, permettra aux plus modestes d'accéder rapidement à un logement sans caution ni discrimination, en prémunissant les bailleurs contre les risques d'impayés. Enfin, elle a insisté sur l'attention particulière qu'elle porterait au logement des étudiants et des personnes handicapées.
Elle a ensuite estimé que la politique de la ville avait été négligée ces dernières années au profit d'une « politique des quartiers » consistant à donner davantage de moyens, suivant un principe de zonage (ZUS, ZEP, ZFU), aux organismes, associations, institutions oeuvrant dans les quartiers. Celle-ci, a-t-elle jugé, n'a pas favorisé l'ouverture sur la ville, l'échange et l'imprégnation mutuelle, mais a vraisemblablement renforcé, au contraire, d'authentiques « isolats ». Elle a donc souhaité que la ville redevienne l'espace de la mobilité et le lieu de l'expérimentation de la mixité sociale. Après avoir indiqué que l'élaboration du plan « Respect et égalité des chances » en faveur des jeunes des banlieues, souhaité par le Président de la République, se faisait en concertation avec les acteurs locaux et avançait bien, et que celui-ci serait principalement centré sur l'emploi et la formation, elle a souligné que son ministère relèverait le défi éducatif et veillerait à développer la mobilité en vue de faciliter l'accès à l'emploi. Après avoir fait valoir qu'un très gros effort financier serait consenti, elle a souhaité que soient également encouragées toutes les formes de solidarité innovantes fondées sur l'engagement personnel et le bénévolat et a jugé que l'emploi, l'égalité des chances, la lutte contre les discriminations, la juste récompense du mérite et l'engagement volontaire permettront de ressouder la société et de conjurer les tensions sociales qui la minent. Enfin, elle a expliqué que le programme de rénovation urbaine engagé en 2004 en faveur de 530 quartiers serait poursuivi. Plus de 40 milliards d'euros sont mobilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les partenaires et les bailleurs sociaux. L'accent sera mis sur la nécessité de la concertation et la reconstruction de logements préalable aux démolitions. Enfin, le volet urbain, à travers l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), et le volet humain, à travers l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), seront intégrés dans une gouvernance commune.
Abordant le volet « lutte contre l'exclusion et la précarité », Mme Christine Boutin a fait part de son souhait de donner à chacun une place dans la société et estimé qu'étaient perceptibles dans la population une forme de démobilisation généralisée et une certaine indifférence vis-à-vis des plus pauvres. Après avoir jugé que le regard sur les « sans abris » devait changer, elle a souligné que le pays tout entier était concerné et qu'étaient en jeu la dignité de la personne humaine, l'espérance commune et la confiance collective. Indiquant que son ministère donnerait un toit à chacun des sans-abri, elle a rappelé que le principe de « non remise à la rue » avait été adopté dans la loi du 5 mars 2007 : toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence pourra y demeurer jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée vers un hébergement stable et les opérations d'investissement nécessaires à la pérennisation des places dans les structures existantes seront soutenues. Elle a ajouté qu'elle venait de signer un accord permettant de recevoir, dans les HLM, 3 000 travailleurs pauvres actuellement accueillis dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Estimant que la population des exclus était composée de personnes qui ont leurs attentes et leurs revendications singulières, elle a estimé souhaitable d'encourager une offre d'hébergement plus diversifiée et plus orientée vers l'insertion dans la durée et de veiller à la qualité et à la fluidité entre les différents types d'accueil. En conclusion, elle a souligné que tout serait mis en oeuvre pour éviter des drames du type de celui qui s'était produit l'hiver dernier sur les berges du canal Saint-Martin.