Puis la commission a entendu M. Didier Tabuteau, coauteur du rapport « De l'observance à la gouvernance de sa santé ».
a indiqué que l'étude des programmes d'observance fait partie des priorités de recherche retenues par la chaire « santé publique » de Sciences po et l'institut droit et santé de l'université Paris V. Cet axe de travail a été considéré comme prioritaire en raison du nombre de plus en plus élevé de personnes atteintes de maladies chroniques, de l'augmentation prévisible de ces pathologies et du développement de traitements de plus en plus sophistiqués pour la prise en charge des malades, notamment avec l'apparition de la pharmacogénomique.
La question de l'observance est appelée à prendre de l'ampleur dans les années à venir et soulève à terme des questions de sécurité sanitaire. Un débat important a déjà lieu au niveau européen, dont les conclusions serviront de base à la définition d'un encadrement juridique des programmes d'observance que la commission européenne souhaite proposer prochainement. Au niveau national, le débat est encore limité mais ce dossier ne peut pas être abordé sans évoquer la responsabilité des patients dont les fondements juridiques sont définis par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
La définition de la notion d'observance ne va pas de soi. Dans son acception stricte, elle évoque la concordance entre la prescription d'un médecin et son exécution par un malade ; dans une acception plus large, elle recouvre l'ensemble des comportements d'un patient pour faire face à sa maladie, c'est-à-dire le suivi des prescriptions hygiéniques, diététiques et médicamenteuses qui lui ont été faites. Cette difficulté à cerner la notion d'observance accroît le risque de confusion avec d'autres thèmes proches, comme l'éducation thérapeutique, expression qui ne figure d'ailleurs plus dans le code de la santé publique depuis 2004, ou les programmes d'accompagnement des patients.
La nécessité d'encadrer l'observance se justifie par trois motifs principaux :
- en termes de santé publique, la multiplication des traitements majore les risques d'iatrogénie médicamenteuse et renforce la nécessité de respecter les conditions pour lesquelles l'administration des traitements à été autorisée par les autorités sanitaires ;
- au regard de l'action des entreprises pharmaceutiques, la mise en oeuvre d'un programme d'accompagnement doit relever de la relation exclusive entre le patient et son médecin, et éventuellement des associations de patients. Bien que l'Afssaps ait réalisé un travail de grande qualité lors de l'instruction des premières demandes d'autorisation de mise en oeuvre des programmes d'accompagnement, il faut se pencher sur les ambiguïtés qui existent entre information, observance, éducation du patient, accompagnement et publicité. Une intervention du législateur est donc indispensable. Le cadre juridique doit fixer les règles déontologiques à respecter, les modalités de financement et la répartition des compétences entre les différents acteurs ;
- pour ce qui concerne le rôle de ces programmes dans le système de santé, il doit être précisé notamment sur le point de savoir s'il existe un risque d'engagement de la responsabilité du patient : la prise en charge des dépenses de santé sera-t-elle liée au respect du protocole thérapeutique ? Cette question a été soulevée mais l'instauration d'un lien de ce type constituerait une atteinte fondamentale au principe de solidarité.
a observé que la réglementation doit également tenir compte de l'évolution des connaissances scientifiques qui permettront, à terme, de mieux identifier les causes des pathologies. La tentation de rendre l'individu responsable de sa santé pourrait alors apparaître. Le progrès médical et la normalisation des pratiques en matière de santé ne doivent pas porter atteinte aux libertés individuelles et aux garanties de la protection sociale.